Chronique de nos douleurs – Texte : Nathalie Courcy

Tu te réveilles le matin, tu as mal. Tu travailles, tu as mal. Tu joues avec tes enfants, tu

Tu te réveilles le matin, tu as mal.

Tu travailles, tu as mal.

Tu joues avec tes enfants, tu as mal.

Tu prends un verre entre amis, tu as mal.

Tu relaxes sur le divan, tu as mal.

Tu joues au touriste dans un pays chaud, tu as mal.

Tu fais du ménage, tu as mal.

Tu fais l’amour, tu as mal.

Tu essaies de t’endormir, tu as mal.

Tu fais tout, tu ne fais rien, tu as mal.

Comme 1 Canadien sur 5.

C’est fou, hein ? 20 % de la population de notre pays qui souffre de douleurs chroniques.

 

Qu’est-ce que la douleur chronique ?

Ceux qui savent, savent. Pour ceux qui n’en ont jamais souffert (je suis sincèrement heureuse pour vous !), c’est difficile, voire impossible, de comprendre à quel point c’est omniprésent, sournois et malheureusement invisible. À quel point c’est handicapant. À quel point ça gruge notre énergie, notre bonne humeur, notre libido, notre joie de vivre, notre temps, notre corps, aussi. Parce que même si on sait que le mouvement est notre meilleur ami, c’est presque surhumain de se lever, de bouger, de pratiquer une activité physique, quand on a tout le temps mal.

L’Organisation mondiale de la santé reconnaît la douleur chronique comme une maladie (et non seulement comme le symptôme d’une maladie ou d’une blessure). La douleur chronique est une douleur qui dure depuis plus de trois mois. Une douleur qui s’incruste dans un muscle, dans une partie de notre corps ou qui se diffuse dans tout notre corps. Et qui ne part pas. La douleur chronique n’est pas regardante, elle touche les femmes, les hommes, les enfants aussi, les aînés.

La moitié de ces personnes souffrant de douleurs chroniques en souffrent chaque jour et chaque nuit depuis plus de 10 ans. Et c’est pour ça que la Semaine nationale de sensibilisation à la douleur chronique (qui se termine aujourd’hui) existe. Pour aider les non-douloureux à comprendre ceux qui souffrent. Pour aider ceux qui souffrent à se sentir plus outillés, plus informés et moins seuls. À garder le sujet dans l’œil du public et des gouvernements pour que la recherche continue et aboutisse, un jour, à des solutions concrètes.

La douleur corporelle est une messagère de mauvaise nouvelle. Une messagère qu’il faut absolument écouter. Elle nous avertit que quelque chose cloche quelque part. Mais my god que c’est difficile de découvrir ce que sont le quelque chose et le quelque part ! D’abord, chacun perçoit la douleur d’une façon unique à cause de son anatomie, sa façon de penser et de ressentir les émotions, sa culture, son vécu. Ensuite, parce que la douleur est invisible et parfois inexplicable. La cause existe sûrement dans une blessure physique ou psychologique, dans une autre maladie ou dans un gène, mais elle se cache souvent des yeux du patient et des spécialistes. Même quand on finit par trouver ces spécialistes qui pourraient nous aider dans la gestion de la douleur chronique.

La douleur, on la ressent avec une intensité variable. Plusieurs personnes qui se font attaquer constamment par ces douleurs ne sont plus fonctionnelles. Essaie, toi, de travailler à temps plein ou même à temps partiel, de t’occuper de tes enfants, de socialiser avec les amis et de t’investir dans un loisir ou des rénovations quand tu as mal, tout le temps, que tu dors mal, que tu manques d’énergie.

Même pour ceux dont la douleur est plus modérée ou mieux contrôlée, le défi demeure. Comment prévoir à quelle heure la souffrance frappera ? Comment savoir à quel moment de la journée notre énergie chutera sous zéro, grugée à force d’être concentrée sur la gestion de la douleur ? On a beau promettre qu’on sera au souper de parenté ou qu’on organisera la fête du petit dernier, ça se peut que rendu là, on soit effondré par terre, incapable de bouger ou de se motiver.

Et puis vient l’isolement… ça fait mal, l’isolement ! Et plus on est seul, moins on bouge. Et moins on bouge, plus la maladie s’incruste…

Les changements d’humeur… ça fait mal, ça aussi ! Nos muscles du sourire finissent par s’atrophier.

La conscience qu’on ne peut pas contribuer au monde comme on le souhaiterait, comme parent, comme ami, comme travailleur, comme passionné de quelque chose. Ouch !

La responsabilité, aussi, de s’auto-gérer. Parce que malgré une médication et un suivi (si on a réussi à les obtenir), la meilleure personne pour nous aider, c’est nous. Et on n’en a pas toujours la force.

L’évidence que les traitements ont un effet limité et que la médication devra probablement faire partie de notre régime quotidien jusqu’à la fin.

Aujourd’hui, la Semaine de la douleur chronique se termine. Mais la douleur chronique, elle, ne finit jamais.

Je fais partie de ces douloureux chroniques qui ont mal, chaque jour et chaque nuit, depuis 10 ans. En ce moment, pendant que j’écris, ça va quand même bien. Mon corps vit une période plus douce. Je sens les tensions, mais la douleur est peut-être à un 2 sur 10. C’est très rare, mais quand ça passe, j’en profite pour faire des choses que j’aime et je remercie mon corps. Parce que même s’il fait mal, je l’aime.

Nathalie Courcy

Rapport du groupe de travail canadien sur la douleur (2020)

Information sur la douleur chronique fournie par le Gouvernement du Canada

Association québécoise de la douleur chronique