Vivivante

Fin juin. C’était un matin parfait pour partir à la plage entre amis. L

Fin juin. C’était un matin parfait pour partir à la plage entre amis. La bière était au frais dans la glacière et le sac de plage déjà dans le coffre de la voiture. Alors que j’avais le pied dans la porte, prête à quitter, j’ai décidé de prendre cet appel. On m’avait demandé de m’asseoir. Puis, j’ai reçu la nouvelle. Un coup de pelle en pleine face. Ta perte. Accidentellement, trop jeune pour partir, pour quitter ta famille, ton chum, tes enfants. Je me tiens le ventre. J’ai tellement mal, j’essaie de protéger mon bébé de peur de l’écorcher tant je souffre. La plage a été grise, orageuse, inondée de mes sanglots.

Pendant quarante semaines, j’ai soigné mon cœur, fabriqué mon bébé et j’ai réfléchi. J’avais décidé de me réaliser, de vivre des succès, de me dépasser parce que toi, tu ne pouvais plus et que moi, j’y avais droit. Cette injustice de la vie, je me la faisais payer. J’avais choisi la course à pied. À chaque moment de souffrance, je me répétais que moi j’étais vivante, que tu n’avais pas cette chance alors, il fallait endurer, suer et poursuivre. Cette pensée‑là, c’est le moteur qui m’a fait franchir plusieurs lignes d’arrivée. La course m’a permis d’affronter les épreuves qui se sont accumulées durant trois ans. C’était devenu un besoin comme manger et dormir. Je courais sans musique ; je m’entendais mieux réfléchir et respirer. Je prenais de grandes décisions et stabilisais ma santé mentale. Je me sentais connectée avec moi-même. Il m’en fallait plus pour ressentir la souffrance maintenant. J’augmentais les défis. Je partageais des moments magiques avec de précieuses amies. Je me sentais apaisée, vivante, rayonnante. L’euphorie après course était ma drogue. 

Puis, septembre, ce demi sous la pluie. J’étais moins bien entraînée. Je l’ai détesté. J’ai souffert et mes pensées te suppliant de m’aider ne suffisaient plus. Mon temps m’a déçue. J’ai été écœurée ; j’ai arrêté un long moment. Ensuite, j’ai recommencé intensivement, puis diminué; j’ai été blessée longtemps, j’ai poursuivi, puis j’ai ralenti.

Je reprends l’entraînement encore une fois parce que je suis déterminée, tenace et que j’ai absolument besoin de me connecter avec moi-même, de prendre du temps pour moi et de briller. J’ai envie de me répéter dans ma tête cette phrase qui me fait penser à toi, qui me permet d’avancer et de réaliser la chance que j’ai. Cette fois, c’est la bonne. J’ai absolument besoin de me sentir « Vivivante ».

À ta douce mémoire, Vivianne

Julie De Pessemier