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Mon ami Déni

« Le déni est une stratégie de défense qui mène à éviter, s

« Le déni est une stratégie de défense qui mène à éviter, sinon à nier une réalité. » (http://www.psychologies.com/Dico-Psycho/Deni)

Ça fait quoi, au moins cinq ans qu’on habite ensemble? Je pense que dès les premiers mois de vie de mon fils, on est devenus colocs, lui et moi. Pourtant, je ne l’ai jamais invité à emménager, celui‑là.

Depuis longtemps, il essaie de m’épargner. En surface, il est zen. Avec lui, il n’y a jamais de problème. Dès que j’ai une pensée qui m’inquiète, il est là pour me dire que je m’en fais pour rien. Il écarte les « d’un coup que » et les « si » en claquant des doigts et avec lui, tout va toujours bien, tout est normal. Je l’aime quand il me souffle à l’oreille ce qu’une mère a bien envie d’entendre, c’est vraiment réconfortant. Il a le don de calmer les boules d’angoisses et l’insomnie. Ça, c’est le beau de Déni, mais pour être honnête, notre colocation est vite devenue malsaine. J’ai une relation amour/haine avec lui. Il est assez bon manipulateur je dirais, il trouve toujours une façon de m’emmener à penser comme lui, même si je pense autrement. Il aime bien rejeter la faute sur absolument tout, il a pointé du doigt chaque moment, maladie ou épreuve de la vie de mon fils en les accusant d’être la source de ses particularités. Il est capable à lui seul de me faire croire que c’est moi le problème, que j’ai sans doute été trop ou pas assez.

Déni, c’est celui qui parle le plus fort dans ma tête. C’est un leader négatif de la gang. Cependant, il y a plus fort que lui. La plus puissante, c’est la petite voix intérieure. Elle, elle me dit mes quatre vérités et surtout, elle est très intuitive. Disons que les relations entre elle et Déni sont tendues, parce qu’ils ne vont pas dans le même sens du tout. Un essaie de me mettre la tête dans le sable telle une autruche et l’autre, de m’ouvrir les yeux bien grands. Quand elle parle, je la ressens dans tout mon être, ça me fait trembler de l’intérieur et ça fait même un peu mal. Quand elle parle, je sais qu’elle a raison, que c’est elle que je dois écouter. Au début, je trouvais dur de l’écouter, elle résonnait au fin fond de mon être en me disant ce que Déni se tuait à me cacher. Au final, j’ai compris que je préférais voir la vérité en face, aussi douloureuse soit-elle, parce que ça n’impliquait pas que moi. La petite voix intérieure et ses vérités n’ont rien d’apaisant comme Déni, surtout quand ça concerne ce que j’ai de plus précieux comme joyaux.

Mon précieux joyau, lui, a commencé à ternir vers l’âge de trois ans. Un soir, alors qu’on revenait d’une fête où il a été ridiculisé par un adulte, où il a entendu les gens me dire combien il était quelque chose, il a fini par me demander : « Toi maman, est-ce que t’aimerais mieux avoir un autre garçon que moi? »

Ce fut une douche froide, je dirais même glaciale. On venait de prendre mon cœur et de le balancer du haut d’une falaise. Je suis descendue et j’ai éclaté en sanglots. Ce soir-là, j’ai demandé à Déni de déménager. Même s’il était « bon » pour moi, il nuisait à mon fils. Je devais choisir entre MON bien-être, temporaire on s’entend, et le bien-être de mon fils.

Le choix fut simple.

J’ai fait appel à des spécialistes immédiatement. Hors de question que je laisse l’estime personnelle de mon fils dégringoler encore plus. Depuis deux ans, nous sommes toujours là-dedans et ça ébranle beaucoup mon cœur de maman. Déni aime bien revenir me saluer à l’improviste et souvent, il me supplie de le laisser emménager à nouveau. Mais, je le confronte. Ma petite voix intérieure et moi, on est bien d’accord pour dire que les éducatrices et la professeure sont les mieux outillées pour observer mon fils au quotidien, que les spécialistes sont les meilleures pour nous orienter et le diagnostiquer, si diagnostic il y a à y avoir. Nous sommes à la bonne place, même si Déni, lui, il continue de penser que ce n’est pas nécessaire.

On arrive à la fin du processus. Nous sommes en cours d’évaluation et Déni a peur qu’on mette une étiquette sur mon beau boy, il ne cesse de me répéter qu’il n’a rien. Cependant, moi et ma petite voix, on reste impassibles : ce n’est pas à lui de décider. Il est tellement important de faire confiance aux spécialistes, ils en ont vu d’autres et ils ont un regard différent sur la situation et sur mon fils. Il n’y aura peut-être pas d’étiquette, les spécialistes ne servent pas qu’à donner des diagnostics, ils ont un éventail d’outils pour m’aider à faire briller mon joyau à nouveau. Et… si étiquette il y a à y avoir, étiquette il y aura. En 2018, les étiquettes sont comme les passeports des enfants différents. Elles permettent de les identifier, de savoir d’où ils viennent, où on doit les envoyer. Pour se rendre à destination, ils doivent être dans le bon avion, au bon moment. Les étiquettes servent à ouvrir les horizons de ces enfants-là, et elles leur permettent de prendre leur envol sans avoir les ailes trop abimées.

Déni a presque coupé les ailes de mon fils, et ce de façon complètement involontaire. Il est maladroit, je sais que ce n’était pas son intention, mais il m’empêchait d’écouter ma petite voix qui, elle, me disait que ça n’allait pas. C’est une dure bataille, chaque jour, mais mon fils mérite que je mène ce combat contre Déni, pour lui.

C’est normal d’avoir un Déni en soi, c’est un mécanisme de défense et on n’y peut rien. Ce qui n’est pas normal, c’est qu’il peut prendre les enfants en otage en les privant de la seule chose dont ils ont besoin : l’aide.

Marilyne Lepage

Écouter sa petite voix… ou les trois jours de garderie?

Mon fils avait quinze mois, je commençais un nouvel emploi, mon chu

Mon fils avait quinze mois, je commençais un nouvel emploi, mon chum travaillait à temps plein, nous étions donc rendus à trouver une place à la garderie pour notre fils. C’est avec grand bonheur que nous avons appris qu’une bonne amie à moi avait de la place dans son milieu familial. Tout était parfait !

Puis, quand est venu le moment de laisser mon fils dans son nouveau milieu de vie, comme plusieurs enfants, il a pleuré. Il a tellement pleuré qu’il avait la voix rauque le soir quand je l’ai retrouvée. Comme des milliers de mamans et de papas, j’avais le cœur brisé. Je voulais lui faire confiance, je savais qu’il s’y résignerait, qu’il finirait par développer une belle relation avec les gens là-bas. Par contre, il y avait cette petite voix en moi me disait qu’il n’était pas rendu là et nous non plus. Une petite voix que je croyais être celle de l’anxiété. J’essayais de la faire taire, de me dire que je n’avais pas le choix. Puis, on me disait « c’est normal », « il va s’habituer, il va pouvoir socialiser », « il va découvrir de nouvelles choses ».

Je sais que tout cela est vrai, mais je n’en avais pas envie. Je n’avais pas envie de courir chaque matin pour aller le mener avant le travail, de passer du temps avec lui le soir quand tout le monde a sa journée dans le corps, d’être prise au dépourvu quand il serait malade, encore moins qu’il revienne avec les microbes de tout le monde chaque semaine. J’avais envie de regarder le temps passer avec lui, de suivre son rythme, d’assister encore un peu à son développement qui va si vite.

Alors voilà, après trois jours de la marmotte, nous nous sommes assis mon mari et moi, et on a discuté, réfléchi, calculé, rediscuté, recalculé, puis c’était clair : nous allions faire le choix de rester à la maison avec notre fils. Je n’étais plus bien comme maman à la maison à temps plein, mais je n’étais pas prête non plus à retourner travailler quarante heures par semaine. Je n’en avais ni l’énergie ni l’envie. Depuis ce jour, nous alternons donc la garde de notre fils, mon mari et moi. Je réussis à m’accomplir dans mon travail et je me sens bien comme maman. En prime, mon mari passe plus de temps avec notre fils. On a trouvé notre équilibre à nous et ça, je le souhaite à tous.

Je crois qu’au fond, j’avais juste du mal à assumer mon choix en marge de la norme. Comme si j’avais envie de suivre la vague de la normalité malgré mon instinct. Ce choix, il est différent et il vient avec des conséquences, certaines positives et d’autres, plus négatives. Évidemment, on aurait plus d’argent si nous avions deux salaires à temps plein, mais nous avons la richesse du temps. Ce temps qui passe si vite et qui est si précieux. Le bonheur, c’est une suite de choix et nous, notre bonheur, on l’a trouvé comme ça.

Roxane Larocque