Je te redonne ta place, papa – Texte: Lisa-Marie St-Pierre
Hier, j’ai écouté des vidéos de toi.
Ça fait douze ans que t’es parti, que j’ai pas entendu ta voix, que j’me fais croire que j’ai rien oublié et que je vais bien.
Que j’me fais croire que je vais en regarder bientôt et que je rirai… en te voyant, en t’entendant.
Hier, je t’ai vu, papa, à la télé.
Tu bougeais, niaisais, riais… tu vivais.
En regardant au début, j’ai souri.
Mais en regardant mieux, rien n’allait plus.
Y’a ce moment précis où tu me demandes de venir te coller… et tu me prends contre toi et on se bécote !!!
Moi collée sur toi, mon p’tit papa,
J’avais oublié.
J’avais oublié qu’on avait déjà co-existé.
Que tu m’appelais « Puce »… la façon que tu avais de m’appeler Puce.
Toute la fierté du monde était dans ces quatre lettres-là, Puce.
En te regardant dans mon écran, je me suis rappelé comme t’étais beau et surtout comme t’étais drôle. Je riais de tes blagues sans effort, parce que c’était sincèrement drôle.
T’essayais toujours de faire rire qui tu pouvais, mais sans essayer vraiment, car t’étais un drôle naturel, un vrai drôle.
J’ai vu en toi dans ma télé.
Le toi qui a mon âge de maintenant, un papa présent, léger ; mais ce qui a arraché mon cœur à ce moment précis, c’est toute la fierté et la patience que tu semblais avoir et qui m’étaient inconnues, et par-dessus tout l’enfant heureux que j’étais.
Dans ma p’tite boîte à souvenirs en dedans, j’avais tassé tout ce que tu avais de beau juste pour me protéger, promis.
Mais, j’ai fini par y croire.
Croire que t’étais pas si parfait que ça pour que mon deuil soit moins dur, papa.
Mais en faisant ça, en essayant de t’enlaidir, j’ai fini par te tasser de mes souvenirs et ma boîte s’est effacée.
J’ai eu beau vouloir retrouver des choses qui m’étaient banales comme un souvenir ensemble. Il était introuvable ou tellement flou que je le confondais avec un rêve.
Toi & moi en auto… toi qui m’expliques ce que signifient les paroles de la chanson « Betty Davis eyes ».
Toi & moi qui rions ensemble d’une inside que nous seuls comprenons.
Toi & moi complices, toi et moi en vie en même temps.
Je te regardais hier et j’aurais aimé faire pause chaque petite fois que l’on te voyait… chaque fois que la caméra te croisait, pour me rappeler chaque morceau, chaque parcelle de toi.
T’étais beau, drôle, vivant, papa !
Je m’excuse de t’avoir mis de côté ; c’est parce que, quand je laisse trop de place à notre avant, ça finit par prendre toute la place et j’ai besoin d’être là maintenant, dans ma vie de maman…
J’aimerais être maman et ton enfant en même temps.
Que tu sois encore fier de moi, qu’à tes yeux je sois encore ta puce à toi.
C’est triste de ne plus être ta puce, de ne plus avoir cette fierté qui se cachait juste dans ton regard.
Je vais te redonner doucement ta place dans mon cœur même si ça me donne parfois du mal à affronter certaines journées.
Y’a douze ans, t’es parti et j’me suis dit qu’en parlant de toi, je me guérirais.
J’ai parlé de toi, mais je t’ai mis dans l’ombre… Hier, je t’ai regardé à la télé et tu as repris une partie de vie.
Laisse-moi te faire encore une petite place, mais que je ne laisserai plus jamais à l’ombre, promis. Une place toujours à la lumière.
Lisa-Marie St-Pierre