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Le système et la famille

Ça fait un petit bout que j’ai envie d’écrire en réaction à

Ça fait un petit bout que j’ai envie d’écrire en réaction à tout ce qui est présentement dénoncé par rapport à notre système de santé et de services sociaux. C’est délicat. Délicat, car il y a plein de professionnels motivés et compétents qui travaillent fort. Loin de moi l’idée de les oublier et de nier leurs efforts. Ce système est aussi rempli de plein de bonnes intentions et de belles promesses électorales, mais il est malade et je me demande si on pourra le sauver. On aura beau afficher fièrement n’importe quelles statistiques à ce sujet, un tour de quinze minutes sur le terrain suffit pour savoir que derrière les beaux chiffres, le système ne fonctionne pas.

Ça fait des mois, des années que les familles, les professionnels et les syndicats qui y travaillent sonnent l’alarme à plein de niveaux et pour plusieurs raisons. Ce n’est pas juste pour se plaindre, ce n’est pas juste pour critiquer ; c’est pour dénoncer un mal‑être profond et malsain.

Je l’ai moi-même quitté ce milieu. Je l’ai quitté parce que le milieu dans lequel je travaillais avait des pratiques qui allaient à l’encontre de mes valeurs personnelles et professionnelles et qu’à plus d’une reprise, je me suis sentie humiliée, intimidée et non reconnue quant à mes compétences. Ces sentiments sont malheureusement partagés par la clientèle du service. J’ai quitté avec déception ce milieu où l’aspect collectif de l’équipe ne me semblait pas valorisé et où les blâmes individuels permettaient à la dynamique organisationnelle de se répéter. Selon moi, le fonctionnement du service perpétuait la chronicité des problématiques, accentuait une hiérarchie malsaine, laissant les familles avec peu de pouvoir sur les décisions concernant leur propre enfant. Je refusais d’y contribuer.

J’ai de la chance, car j’ai pu quitter le milieu malsain ; je suis privilégiée. Je n’avais ni l’horaire des infirmières, ni la surcharge des médecins, ni de grosses contraintes statistiques à remplir comme certains collègues ; et pourtant, j’étouffais, je rageais, je déprimais. Pourtant, sur papier, mon département allait bien. Nous étions efficaces statistiquement parlant, mais c’est assez impressionnant de voir à quel point nous étions essoufflés, désillusionnés et en colère.

Je suis maintenant dans le secteur privé. Quelle lutte avec ma conscience que ce changement professionnel ! J’ai choisi de sauver ma peau, en laissant derrière moi plusieurs familles en détresse. Des enfants blessés, des parents mal en point, des adolescents mutilés. Il y en a là‑dedans qui pourraient se retrouver avec une fin tragique, je le sais, et je suis partie quand même. De toute façon, je ne pouvais pas travailler avec eux dans les conditions qu’on m’imposait. J’avais l’impression de faire semblant d’offrir un service sans me soucier de leurs réels besoins, de leurs valeurs, de leurs rêves.

On ne peut pas faire porter tout le poids du système à une seule personne, qu’elle soit intervenante, mère, père ou enfant. Il y a la responsabilité individuelle, mais aussi la responsabilité collective. C’est pourquoi j’écris aujourd’hui, pour que ma petite voix s’ajoute à celle des autres et qu’ensemble, nous ne cessions de dénoncer l’intolérable. Le Québec et ses familles méritent tellement mieux.

Roxane Larocque

Maudit système…

Notre petite dernière ne suit aucune norme. Elle a son propre déve

Notre petite dernière ne suit aucune norme. Elle a son propre développement et elle a décidé, le jour de sa naissance, qu’elle ne ferait jamais rien comme les autres. Je pense que c’est sa philosophie de vie… Et si on parlait un peu du système ?

Déjà bébé, on se doutait qu’elle n’entendait pas tout ce qu’on lui disait… À neuf mois, son pédiatre recommande un test d’audition et l’envoie sur la liste d’attente. Il nous dit que les audiologistes devraient nous appeler rapidement.

À un an, comme rien n’a bougé, il nous réfère en orthophonie pour elle. Je me dis que c’est peut-être exagéré d’envoyer un bébé d’un an en orthophonie, mais son pédiatre m’explique qu’il y a des années d’attente. En attendant que le téléphone sonne, nous sommes allés chercher un diagnostic au privé.

« Atteinte sévère à la communication » selon l’orthophoniste et « retard moteur significatif » selon l’ergothérapeute. Aucune cause n’est plausible… Personne ne comprend pourquoi elle ne parle pas ni pourquoi elle prend du retard…

À ses deux ans, toujours pas d’appel. Son pédiatre insiste pour vérifier et on nous apprend que sa requête a été perdue… On a attendu quinze mois pour rien ! Ils nous remettent sur la liste d’attente.

On veut que notre fille ait tout de même les suivis dont elle a besoin, donc on continue de voir tous les spécialistes au privé. Orthophoniste aux deux mois. Physiothérapeute aux trois semaines. Ophtalmologiste aux six mois. On se dit qu’au moins, en attendant que le système public la prenne en charge, on pourra lui offrir des outils pour l’aider au quotidien.

Plusieurs mois plus tard, toujours aucun appel. On consulte un audiologiste au privé, qui nous explique qu’il est impossible dans notre région de faire les tests auditifs complets avant trois ans… Il appelle à l’hôpital et demande à nous mettre sur la liste d’attente « prioritaire ».

Le jour de son troisième anniversaire, un audiologiste de l’hôpital nous appelle enfin. Deux jours plus tard, les résultats du test auditif confirment une « grosse surdité ». Elle n’a jamais fait d’otite ; pourtant, elle a beaucoup de liquide qui bloque les sons derrière ses tympans. L’audiologiste nous fait monter à l’étage de l’otorhinolaryngologiste. L’« ORL » pour les intimes. Il a eu le temps de lire le dossier et rencontre notre fille. Il est étonné qu’une enfant ayant une surdité comme la sienne soit aussi réactive. Selon lui, avec une telle surdité, les enfants sont habituellement complètement refermés sur eux‑mêmes. Notre fille, elle, se tourne vers lui, lui sourit et chantonne… Il planifie une chirurgie le plus rapidement possible.

Le jour de la chirurgie arrive. Elle entre au bloc, souriante. On lui pose des tubes et retire les adénoïdes. C’est une chirurgie anodine, fréquente, voire banale. Tellement d’enfants se font poser des tubes !

Le système public prend enfin la relève. Les orthophonistes la rencontrent à l’hôpital aussi. Des femmes professionnelles, bien sympathiques, mais il y a un gros hic… Au privé, nous avions des suivis individuels, qui répondaient parfaitement aux besoins de notre fille, et qui, en plus, donnaient de très bons résultats. À l’hôpital, on nous présente des suivis de groupe, qui ne donnent clairement pas les résultats escomptés… Tout le monde est très gentil et rempli de bonne foi, mais la réalité du système public nous désenchante rapidement. Deux orthophonistes tentent d’observer les enfants et d’outiller leurs parents, à travers leurs horaires surchargés.

On nous a offert quatre rencontres. De groupe. À la suite de ces rencontres, on nous a simplement dit de rappeler dans six mois si on pensait encore en avoir besoin… Qu’est‑ce que c’est que ce service ? Aucun outil concret, aucun jeu, aucun conseil utile. Simplement quatre périodes et au cours de celles-ci, aucun suivi concret ou individualisé pour notre fille… C’est tout simplement aberrant.

J’ai compris qu’il y avait des cas plus urgents que nous. J’ai compris qu’ils manquaient de temps, de personnel et de ressources. Honnêtement, j’aurais préféré qu’on soit honnêtes avec nous et qu’on nous dise d’emblée qu’il était préférable d’aller au privé. Au lieu de cela, nous avons perdu notre temps à attendre un service qui ne sera jamais à la hauteur…

Mes mots sont durs, peut-être choquants. Mais la vérité, c’est qu’une petite fille de trois ans commence à peine à parler, et que ses seuls progrès sont dus à l’acharnement de ses parents et aux efforts des orthophonistes au privé. Si nous avions tout bonnement attendu que le téléphone sonne, elle aurait fêté son troisième anniversaire dans un monde rempli de silence et de solitude…

Nous comprenons aujourd’hui que c’est le système privé qui pourra nous épauler. « Tant mieux si vous avez les moyens ! », vous pensez. Eh bien non. Notre salaire familial est minimal, mais nous établissons des priorités. Plusieurs emplois, de plus grosses semaines de travail, aucune vacance depuis des années… Mais nous offrirons à notre enfant les meilleurs services possible. Nous n’attendrons pas qu’elle vive des échecs à l’école pour aller chercher de l’aide. Il est encore temps de rattraper son retard et c’est notre devoir d’aller chercher tous les outils pour l’aider.

Et vous ? Quelles ont été vos expériences avec les professionnels au privé et au public ?

Joanie Fournier