Les loups ne sont pas toujours ceux qu’on pense

Hésitation. Peur. Et pourtant, conviction.

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Hésitation. Peur. Et pourtant, conviction.

J’ai peur du torrent de jugements et de reproches que pourrait susciter ce texte. J’ai peur de me faire dire, encore, que j’exagère. Que j’invente. Que je capote pour rien. Et pourtant. Je sais.

La DPJ a mauvaise réputation. Certains d’entre vous ont vécu des histoires tristes ou bouleversantes liées à la Direction de la Protection de la Jeunesse. C’est sûr que les représentants de cet organisme se pointent rarement dans notre vie quand tout est rose.

Je ne dirai pas qu’il n’y a jamais d’abus ou de mauvaises décisions de leur part. L’affaire est gérée par des humains, comme vous, comme moi. Donc, l’erreur est possible. Il y a tout un système derrière les décisions prises, derrière le retrait d’un enfant de sa famille, derrière un signalement non retenu. Et comme tout système, il y a des failles, des principes qui s’appliquent par défaut à des situations qui auraient dû être traitées de façon particulière.

Soit.

Ce texte vous racontera une histoire qui se finit bien mieux que celle du Petit Chaperon rouge. Personne ne finit dans le ventre d’un loup, le panier de petits gâteaux n’est pas renversé au milieu de la forêt, le grand méchant loup ne finit pas éventré par le chasseur.

Ce texte vous racontera aussi une histoire qui aurait pu se terminer beaucoup plus tôt si j’avais osé faire appel à la DPJ avant. Si j’avais osé parler sans hésitation, sans peur et avec conviction.

Des menaces ont mené à des événements qui ont mené à des craintes, à des promesses de changer et à des événements répétés. Progressivement, ça va de soi. Une violence subtile, en mots, en gestes, mais rien qui laisse des marques visibles. Ou si peu.

Des enfants qui s’embarrent dans une pièce parce qu’ils ont peur. Un enfant qui tremble dans le noir en position fœtale. Des cris toujours plus durs et plus fréquents. Et moi qui veux à la fois protéger mes enfants et celui que j’aime. Moi qui veux comprendre, nuancer, croire que ça va changer. « Il n’a jamais été violent… » Moi qui me sens impuissante, presque complice parce que je n’impose pas de pancarte « Stop ».

Moi qui me promets que la prochaine fois, je prends mes petits sous le bras et je quitte. Moi qui jure de dénoncer. Moi qui hésite, encore. Moi qui ai peur, encore. Pas des représailles, non. Du jugement. Des reproches de ceux qui croiraient que je manipule, que j’exagère, que j’invente. C’est puissant, la peur.

Jusqu’à cette nuit où j’ai fait le saut vers la vérité. J’ai dénoncé. J’ai appelé la DPJ. J’ai crié à l’aide. J’étais convaincue que rien n’arrêterait sans ça. Le déni de violence était trop grand.

La travailleuse sociale de la DPJ a rencontré mon enfant à l’école. Elle m’a fait venir d’urgence dans ses bureaux. Elle est débarquée chez lui, sans avertissement. Elle a rencontré les autres membres de la famille. Connaître l’ampleur du mal, limiter la menace, protéger les enfants. Empêcher le mal de se reproduire et de tuer l’enfance. Assurer le développement et la sécurité.

Il n’y a pas eu d’accusation. Pas d’arrestation. Un retrait volontaire. Une promesse de garder la paix. Un engagement à s’instruire à propos de la pédagogie positive et de faire une thérapie familiale.

La plainte a été retenue, puis le dossier a été fermé. La suite nous appartient. La DPJ n’a pas tout réglé. Son travail n’est pas de faire un suivi une fois que les engagements ont été respectés, mais bien de protéger les enfants et les familles.

Quand j’ai signalé le numéro de la DPJ, j’ai ressenti un stress gigantesque. Une nervosité comme si je jouais ma vie. C’était un peu ça. Mais j’ai surtout ressenti un soutien sincère. J’ai constaté des méthodes d’enquête compétentes, un désir réel d’aider ceux qui en ont besoin, en gardant en tout temps l’enfant au cœur des préoccupations.

J’ai senti que je n’étais plus seule devant l’urgence de protéger mes petits.

Eva Staire