La fois où j’ai récolté plus que ce que j’ai semé

Voilà, c’est fait : l’automne est arrivé. Là où je me trouve présentement, il neige. Mais

Voilà, c’est fait : l’automne est arrivé. Là où je me trouve présentement, il neige. Mais avant de m’envoler vers la Saskatchewan, j’ai vidé ce qui restait de vivant dans mon jardin :

  • Quelques feuilles de chou kale, tellement à la mode en ces temps de rectitude alimentaire
  • Une tonne de tomatilles aux airs de cerises de terre, mais tellement moins sucrées
  • Une betterave perdue
  • Des tomates cerises, des tomates bonbons, des noms alléchants pour faire oublier à mon fils qu’il déteste leur goût
  • Des poivrons et des oignons rouges, pour mes envies de mets grecs
  • Une vigne dévorée par les scarabées japonais
  • Des tournesols géants qui ont poussé sans que je les invite, et qui ont ravi tout le quartier
  • De la marjolaine, de la lavande, de la menthe et du basilic, dont le parfum me ramènera en été au milieu de l’hiver.

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En arrachant tout allègrement, chaussée de mes bottes de pluie percées, avec mes collants à pois et mon manteau trop grand, je me suis replongée dans les moments passés au jardin depuis le printemps. J’ai revu mon mari heureux de m’aider (peut-être pas tant que ça après tout !) en bêchant la terre parce qu’il sait à quel point je tiens à mon jardin.

J’ai repensé à mon Tiloup, si fier de montrer ses muscles en plantant les graines de haricots avec sa cuillère à soupe. J’ai souri en imaginant ce même Tiloup qui me voue un amour éternel parce que je lui permets de manger autant de fines herbes et de laitue qu’il veut.

J’ai éclaté de rire en revoyant la photo de mon Petit Minou tout boueux après avoir pratiqué ses culbutes dans la terre noire. Que dire de ma Cocotte amoureuse de la nature, si heureuse qu’on participe activement à la réduction de la pollution grâce à notre jardin ! Et ma Grande Peanut qui a poursuivi sa découverte des goûts (« Maman, je peux aller cueillir de la ciboulette pour mettre dans la salade ? ») malgré son hypersensibilité… Que de beaux moments !

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Mon jardin, c’est pour moi un espace de liberté où les seuls cris admis sont des cris de joie ou d’émerveillement. C’est un grimoire à ciel ouvert grâce auquel je transmets à mes enfants ce que j’ai reçu de mes parents : la reconnaissance envers la vie qu’on a et celle qu’on crée, la patience et la persévérance, la valeur de l’effort et du plaisir partagés.

J’ai mis du temps dans mon jardin cet été. J’y ai mis du plaisir et de la sueur. Mais je lui ai été infidèle. Depuis le début d’août, j’ai délaissé mon passe-temps de jardinière pour m’organiser et me recentrer. Depuis que nous avons appris que mon mari partirait en mission pendant six mois, j’ai mis de côté plusieurs projets en cours. J’ai délégué, j’ai dit non, j’ai repoussé afin de pouvoir organiser la vie de famille, ma vie de couple et ma vie personnelle. J’ai tout placé dans des petites cases (à faire immédiatement sinon la Terre va exploser ; peut être fait la semaine prochaine, mais idéalement dans un an ou deux ; à effacer de ma mémoire sans culpabiliser).

J’ai relégué le jardin dans la case « quand j’aurai le temps ou que je n’aurai plus le choix ». Ce moment est arrivé le 1er octobre, alors que les températures nocturnes frôlaient le 0. Alors j’ai arraché, coupé, composté, lavé et arrangé. Tout ça en me disant que j’avais sûrement perdu plusieurs beaux légumes qui ne demandaient qu’à être dégustés (ou détestés par les enfants, si je pense au chou kale et aux épinards). J’avais gâché quelques dons de la nature, mais j’avais pris mon temps, le temps dont j’avais besoin à ce moment-là. Je ne le regrette pas. J’ai planté des légumes, j’ai récolté des légumes. Et en prime, j’ai cueilli du temps pour moi et pour ma famille.

Quand j’étais petite, je pensais (à la blague, peut-être, je ne sais plus trop…) que les steaks poussaient dans la terre. On plantait un os et hop ! On récoltait un steak. Maintenant, je sais que seuls les œufs poussent dans la terre. Et je sais aussi qu’entre un plan de tomatilles et une attaque de scarabées, il pousse parfois une réflexion et un calme qu’on n’aurait pas pu trouver ailleurs. J’ai rendez-vous en mai avec mon fidèle jardin!