La première fois que je t’ai abandonnée

Je t’amène aujourd’hui à reculons à la première journée où

Je t’amène aujourd’hui à reculons à la première journée où je t’abandonne. Ta première journée à la garderie. J’entends déjà mes amies-mamans et vous, lecteurs, soupirer, en pensant que j’exagère. Mais c’est comme ça que je me sens ce matin. Comme si je faisais quelque chose de mal.

Je roule avec la maudite neige qui finit plus de tomber en me disant que je devrais plutôt retourner chez moi. Je m’invente des excuses et des raisons de « température pas belle » pour rebrousser chemin. Je m’écoute penser et on dirait mon père… toujours prêt à nous garder avec lui quand on vient faire un petit tour chez lui. « Prends pas le volant, reste à la maison, c’est plus prudent », dit-il après un demi-centimètre de neige. C’est sa façon de nous dire qu’il nous aime. Sa façon de nous avoir près de lui.

Retournons à ma tempête.

Ma fille, Tu auras un an cet été, donc tu n’as pas encore d’âge officiel. T’es mon bébé de 8 mois. Des fois 7 et demi, des fois 7 et 20 jours (dans ma tête), bref, disons 8 ! C’est presque le même temps pendant lequel je t’ai portée dans mon ventre.

Tu ne marches pas, tu commences à ramper, tu jases de plus en plus. Tu es à l’apogée de pas mal tous tes premiers moments et moi, je m’en vais confier tout ça à quelqu’un que je connais à peine.

Bien sûr, je t’ai préparée, je t’ai expliqué avec des mots que tu ne comprends pas encore. On a joué avec ta routine et nous avons chamboulé tes horaires. Voilà pourquoi je rushais donc à te faire faire ta sieste à 9 h pile. Pour te préparer…
J’aimerais que tout cela soit différent. Que l’on n’ait pas à se détacher. Du moins pas tout de suite.

J’aimerais qu’on puisse jongler avec nos journées à notre rythme, au tien… mais maman doit travailler. Et toi, il paraît que tu dois apprendre à vivre sans moi, à faire confiance aux autres, à rencontrer de nouveaux amis qui, évidemment, te refileront la gastro-grippe-toux-nez-pipi-caca.

Je t’aime. Je n’ai rien d’autre à dire et il n’y a rien que je puisse faire. On ne passera pas notre vie entière ensemble 24 heures sur 24. C’est le maudit côté poche quand tu décides de mettre une poulette au monde. Nous ne pouvons pas couver éternellement.

Nous voilà devant la garderie, il neige un peu moins… mais j’ai des flocons dans les yeux. Je te regarde dans le rétroviseur, tu souris. « Ça va aller, maman. »