Quand tout s’écroule
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Quand tout s’écroule autour de soi et en soi, ça fait du bien de retrouver ses racines.
Au milieu d’une tempête de vie, j’ai voulu éviter de me retrouver aveuglée par le stress et le sentiment d’échec. J’ai voulu m’éloigner des autres pour me rapprocher de moi. Je suis partie chez ma maman avec ma fille aînée pour une fin de semaine. Et j’ai profité de la vie.
D’abord, on s’entend qu’être accueillie par ma maman et une assiette de bons fromages à 1 heure du matin, c’est cool. J’étais arrêtée en chemin voir la pièce de théâtre écrite par une amie. J’aime le théâtre. Ma fille aime le théâtre. Moment de complicité.
Le samedi, on a pris du temps pour jaser. Pour être. Pour peindre à l’aquarelle. Pour rire.
J’avais rendez-vous avec une amie du secondaire, une vieille chum avec qui j’ai fait mes années de cadets. Pauvre elle, j’ai changé d’idée dix fois sur l’heure et le lieu de la rencontre. Et chaque fois, elle a dit : « Ok, pas de trouble! C’est comme tu veux, je m’adapte! » Une flexibilité précieuse, surtout quand on est soi-même empêtré dans ses propres dédales émotifs.
On a ri, on a placoté, on s’est racontées, on a reconnecté. Comme si on s’était vues la veille ou l’an dernier. J’en aurais pris plus longtemps, mais un bon moment donné, il faut quitter…
Je me suis dit qu’un samedi soir sans enfants, il fallait bien que j’en profite, ça n’arrive tellement pas souvent! J’ai texté un ami de mes années de jeune adulte, une âme sœur qui me surprend parfois par un « Je suis devant le parlement d’Ottawa, on va-tu prendre une bière? »
– Salut! Je suis dans le coin, tu feeles pour un drink?
– Yup! T’es où? Je m’en viens!
Simple comme ça. Pas de chichi. Pas de « j’suis pas sûr, y’é tard, ma blonde veut pas ». Juste un « GO! »
On a passé… quoi… quatre heures dans un bar. Une coupe de cidre plus tard (pas trop soulonne, la fille!) et bien des confidences, on s’est dit à la prochaine, sans savoir quand serait cette prochaine fois. Un jour, je recevrai un texto surprise et ce sera mon tour de dire : « Yup! »
Sur le chemin du retour vers la maison maternelle, au milieu de la nuit, je retraversais le village de mon enfance : Saint-Grégoire-le-Grand. Ça, c’est dans la ville de Bécancour depuis les fusions. Les rues étroites, les commerces locaux, la maison de poupées blanche et verte qui m’a vue grandir jusqu’à l’âge de huit ans, puis la maison des années 90 dans laquelle on est déménagés après le décès de mon père. Les maisons de mes amis (probablement tous déménagés), l’école primaire, le trajet d’autobus scolaire, le pignon d’église, le cimetière où mon père habite, la salle de mes premiers partys… Un vrai retour aux sources. Un jour, il faudrait bien que j’y retourne pendant le jour, me promener, présenter mes lieux à mes enfants. Manger une poutine pis un roteux au chic restaurant 55. Comme dans le temps.
Cette nuit-là (la délinquante de quarante ans est rentrée chez sa maman à deux heures du matin, sur la pointe des pieds, et s’est couchée tout habillée pour ne réveiller personne), j’ai bien dormi. J’ai dormi dans la paix donnée par les paroles de mes amis, de ma mère, de ma fille :
« Toi pis ton intensité, faudrait surtout pas vous changer! »
« Si tu parlais moins, tu ne serais pas toi, c’est comme ça qu’on t’aime. »
« T’as pas changé. Pis change pas. »
« J’aime ça, passer du temps avec toi, mais ça passe tout le temps trop vite. »
Le dimanche, j’ai vu une autre amie. Quelqu’un qui me suit depuis presque aussi longtemps que je me suis moi-même. Quelqu’un avec qui j’ai fait autant de conneries d’ados (sages quand même! On répondait aux profs avec la bouche pleine de biscuits Soda!) que de pas de géantes vers la maturité. J’ai vu sa fille aînée qui pesait cinq livres la première fois que je l’ai rencontrée… et qui sera bientôt sur le marché du travail! Comme une confirmation que tout va bien, même si par bout, on en arrache.
Puis, je suis repartie vers ma vie.
Pendant que ma fille dormait dur dur dur sur le siège passager, je me disais que j’avais bien fait d’aller me ressourcer auprès de personnes qui me connaissent depuis aussi longtemps. Bien sûr, ces personnes ne vivent pas avec moi 365 jours par année. Bien sûr, ces personnes ne me voient pas dans toute la gamme de mes humeurs et dans tous mes niveaux de fatigue. Mais tout de même, elles m’aiment pour ce que je suis, dans mes excès, dans mes trop et dans mes pas assez.
Tout s’écroulait autour de moi et en moi, et ça m’a donné la paix de retrouver mes racines et de me faire dire de rester ancrée.
Nathalie Courcy