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Girl power… vraiment? Texte: Eva Staire

À la minute où j’ai su que j’allais avoir une fille, j’étais déjà en mode : Girl power!

À la minute où j’ai su que j’allais avoir une fille, j’étais déjà en mode : Girl power! Féministe assumée, je clamais déjà haut et fort que ma fille pourrait faire tout qu’elle veut dans la vie. Je voulais que ma fille puisse jouer à ce qu’elle veut, porter les vêtements qu’elle veut, devenir qui elle veut… Puis, j’ai eu une deuxième fille. Puis, j’ai eu une troisième fille. Et je les regardais en me disant que tout était possible.

J’ai essayé d’être une mère bienveillante. J’ai voulu être un modèle de femme persévérante, tenace, décidée. J’ai répété à mes filles qu’elles pouvaient tout accomplir. Et naïvement, je pensais que mon modèle avait une influence suffisante sur elles. Oui, naïvement… parce que j’ai réalisé, dix ans plus tard, que mon seul modèle de femme n’avait pas suffi à faire changer les choses…

Hier soir, ma plus grande est venue vers moi pendant que je faisais la vaisselle après le souper. Elle a pris machinalement le linge à essuyer et a dit, tout bonnement : « Je viens t’aider, Maman ! … parce que c’est ce que font les filles, hein !? La vaisselle… ». Je suis restée là, figée comme une statue de marbre, complètement bouche bée (moi qui n’arrive jamais à me taire pourtant) et les larmes ont commencé à couler.

Parce que ses petits mots, aussi légers puissent-ils paraître, ont été tellement lourds de sens. Parce que ça ne change rien de clamer que les femmes ont des droits si elles continuent d’accomplir la majorité des tâches ménagères. Je suis bien consciente que les droits de femme ont avancé, que grâce à des générations et des générations de femmes allumées et combatives, la cause féminine a avancé énormément. Mais malgré les pas de géants qui ont été faits et qui ne sont pas négligeables, il reste beaucoup de travail à faire.

Je réalise que mon seul modèle ne suffit pas. Je pensais que si je montrais à mes filles à être fortes, indépendantes et persévérantes, elles penseraient qu’elles peuvent tout accomplir… et non pas qu’elles doivent tout faire seules ! Je pensais leur apprendre qu’elles peuvent tout faire, pas qu’elles doivent tout faire. La différence est immense, et si subtile à la fois. Je réalise que mon seul modèle ne suffit pas.

Parce qu’elles voient encore la majorité des mères dans leur entourage accomplir la majorité des tâches ménagères. Elles voient la plupart des couples autour d’elles où la femme planifie les repas, va acheter les ingrédients, cuisine le repas et finit quand même par faire la fichue vaisselle. Elles voient la plupart des mères présentes aux sorties scolaires, aux périodes de bénévolat de la bibliothèque de l’école et aux rencontres de parents. Elles entendent la plupart des mères de leur entourage planifier les vacances en famille, réserver les rendez-vous médicaux et organiser les fêtes de leurs enfants.

Chaque fois que j’écris sur la charge mentale, des hommes se lèvent et scandent qu’ils font des tâches à la maison, qu’ils en font plus à l’extérieur, qu’ils font autre chose de plus important, que c’est égalitaire chez eux, etc. Moi j’en ai assez qu’on protège nos hommes de la vérité. Parce que c’est faux de dire que la charge mentale est de nos jours partagée à parts égales entre les partenaires de vie. C’est juste faux. Et je me questionne à savoir pourquoi on a tellement peur de leur dire la vérité.

On a peur qu’ils en fassent encore moins ? On a peur de perdre ce qui est acquis ? On a peur de les froisser ? On veut éviter la chicane qui va suivre ? Pourquoi on continue de traiter les hommes comme des petites choses fragiles ?

Je vois des hommes s’enflammer sur les réseaux sociaux parce qu’ils ont de belles intentions. Ils pensent qu’ils font la moitié des tâches ménagères et que puisqu’ils s’impliquent, tout est forcément égalitaire. Je vois des femmes les défendre et dire que ça ne les dérange pas d’en faire plus, que c’est leur rôle de mère. Et chaque fois, je me demande encore pourquoi on leur ment…

Je côtoie au quotidien tellement de familles. Nos amis, nos familles, nos connaissances, les familles des amis de nos enfants à l’école. C’est totalement faux de dire que les relations de nos jours sont égalitaires. Et si vous pensez que la bataille est terminée, c’est que vous ne regardez pas ce qui se passe ailleurs.

J’ai un homme que j’aime à mes côtés. Un père formidable. Un amant fabuleux. Un pourvoyeur exemplaire. Et un coloc de merde. Réellement. Et dans la confidence, je constate que la majorité des femmes autour de nous vivent la même réalité. Parce que c’est ça la vérité : les enfants manquent de modèles. Des modèles de femmes fortes sont montrés au grand jour, des femmes incroyables, intelligentes, fortes et tenaces. Mais ils sont où nos hommes ? La vérité, c’est que ce sont ces modèles égalitaires qui manquent.

Sur les réseaux sociaux, les vidéos pleuvent de femmes qui tournent la situation au ridicule. Des femmes qui font semblant d’être leur conjoint en mettant leur linge sale par terre, en laissant de la vaisselle sur le comptoir, en déposant une couche sale à côté de la poubelle, etc. Et on like ces vidéos parce qu’on s’y reconnaît ! On voit des vidéos d’hommes qui essuient la vaisselle avec un regard coquin, prétendant que c’est ce qui excite le plus leurs femmes. Et on like ces vidéos, justement parce que c’est la parfaite parodie de ce que je vous explique…

Quand vous recevrez une famille à souper, demandez donc à l’homme ce qu’il a réservé pour les vacances d’été. Demandez-lui s’il a inscrit les enfants au camp de jour ou s’il a pensé à autre chose pour cet été. Demandez-lui comment il arrive à planifier tous les repas et accomplir la routine du soir des enfants sans oublier aucun devoir. Demandez-lui s’il a des trucs pour mettre un enfant propre. Demandez-lui comment il prévoit accompagner son enfant dans sa transition vers l’école secondaire. Demandez-lui s’il a envie d’avoir d’autres enfants et comment il pense gérer ses congés parentaux. Posez-lui exactement toutes les questions que vous posez normalement à la mère de la famille. Parce que si vous osez dire que tout est égalitaire, cela ne vous semblera même pas un peu étrange de poser ces questions aux hommes de votre entourage, naturellement, autour d’un verre de vin.

Eva Staire

Je suis LA Responsable de tout

Je ne sais pas comment ça se passe chez vous, mais dans NOTRE maiso

Je ne sais pas comment ça se passe chez vous, mais dans NOTRE maison, je suis LA Responsable, avec un grand R. Ne vous méprenez pas, mon mari fait sa part. Pour ce qui est de faire les tâches, c’est vrai que c’est relativement équitable : Bienvenue en 2016!

 

Mon amoureux est un papa présent, impliqué et je l’adore. Ce qui me dérange, c’est de devoir être LA personne responsable de tout cela : l’organisation, la planification, la gestion

 

Responsable de la prise de tous les rendez-vous médicaux

Je suis Responsable de prendre tous les rendez-vous médicaux. Si on doit se présenter chez un spécialiste pour l’un des enfants, on se relaie tour à tour, mon mari et moi. Mais prendre TOUS les rendez-vous, ça ne se fait pas tout seul. Médecin de famille, clinique d’urgences, ergothérapeute, physiothérapeute, vaccins, dentiste, optométriste, orthophoniste… et j’en passe! Cinq membres d’une famille, ça fait cinq fois plus de rendez-vous, chez cinq fois plus de spécialistes à contacter…

 

Responsable des finances

Je suis Responsable de nos finances. Payer les comptes pour l’hypothèque, l’électricité, les téléphones, la télévision, etc. Ça semble simple au premier regard. Ajoutez à ça les assurances de la maison, celles des deux voitures, les assurances-vie et invalidités, les assurances médicaments, etc. Et évidemment, il ne s’agit pas que de payer les comptes, mais aussi de renouveler tous les contrats en bonne et due forme, en s’assurant de payer le moins cher possible… L’argent, on en gagne tous les deux, mais le gérer, ça ne se fait pas tout seul!

 

Responsable de l’alimentation

Je suis Responsable des menus des lunchs, des collations et des repas de toute la famille. Le soir venu, nous cuisinerons toute la famille ensemble. Mais les membres de cette famille semblent penser que l’univers organise tout le menu, sans qu’ils aient à s’en soucier.

 

Responsable de l’entretien ménager

Je suis aussi Responsable du ménage. Je dois apparemment décider de ce qui doit être nettoyé, et quand ça doit être fait. Chaque tâche ménagère finit par se faire en équipe, mais je dois rappeler à chacun de faire ses tâches. S’il faut faire le grand ménage, on le fera tous les cinq. Mais encore une fois, si je ne prends pas la Responsabilité de l’entamer, personne ne le fait… Je vous jure, j’ai fait le test ultime et le résultat faisait peur à voir. Digne d’un cas de DPJ…

 

Responsable du divertissement

Je suis même Responsable de nos sorties. C’est mon sideline officiel : G.O. à temps plein! Je suis Responsable d’occuper tout ce beau monde le week-end. Sorties aux pommes, aux fraises, aux framboises, aux bleuets (Ouais, je sais, j’aime les autocueillettes…). Sorties au cinéma, au centre d’amusement, au musée, etc. Toute la famille se réjouit de faire de belles activités, mais encore une fois, celles-ci semblent s’organiser comme par enchantement…

 

Responsable des inscriptions

Je suis Responsable de toutes les inscriptions : danse, patin, école, camp de jour, soccer, autorisations, formulaires, inscriptions… Encore de la paperasse qui semble se faire toute seule!

 

Responsable des tenues vestimentaires

J’ai parlé des vêtements ? Parce que oui, je suis aussi Responsable de l’habillage de ces petites bêtes! Vêtements courts et longs, ensembles extérieurs de printemps, d’automne et d’hiver, bottes, chapeaux, souliers de danse, souliers d’éducation physique, souliers propres et souliers de rechange. Oui, l’industrie de la chaussure nous tient par le portefeuille!

 

Bref…

Je suis Responsable. Responsable de tout finalement. Parce qu’une maman, bien souvent, ça en a beaucoup sur les épaules. Beaucoup de Responsabilités. Mais au final, ça fait partie du rôle à jouer…

 

Et vous, qui est LA personne Responsable chez vous ?

Té tu fif ?

Je suis une fille coquette et je l’avoue, j’aime ça les ti-

Je suis une fille coquette et je l’avoue, j’aime ça les ti-kits. À la maison, mes enfants ont l’habitude de me voir porter du vernis à ongles ou du maquillage. Bien sûr, il fallait m’attendre à ce que ma fille m’en demande un jour. J’ai résisté un moment; j’avais un bogue avec l’idée de mettre du vernis à une petite fille. Finalement, un moment bien plus embêtant est arrivé…

C’était le genre de matin qu’on passe ne ligne mou. Le genre où papa est à la pêche depuis plusieurs jours et nous, on prend ça relax devant des films. J’en profite pour faire mon vernis. Ma fille choisit ses couleurs et, surprise, mon fils aussi. Huuuummmm ok. Ma fille lui répond en riant que le vernis « c’est pour les filles! ». Voilà, ça y est; je dois m’en mêler, moi, grande défenderesse de la liberté, de la justice et de légalité. Pas question que je laisse passer cette phrase-là. Parce que dans le fond, qui a décidé que le cutex c’est juste pour les filles? Ça doit être encore le fameux Y, tsé celui de « y disent… »

Je suis sortie à l’épicerie pleins de fois avec mon fils déguisé en Hulk ou encore avec ma fille vêtue de manière douteuse (tsé l’usage abusif de motifs…) Mais là, mon fils avec du cutex rouge et mauve, je ne l’assumais pas tant… J’avoue qu’au départ, j’ai accepté de lui en mettre pour acheter la paix (oui, ce genre de matin-là). Au fond de moi, j’espérais qu’il change d’idée. Mais loin de là! La fierté sur son visage et la joie d’avoir lui aussi du vernis ont chassé tout espoir. Dans le fond, il demande juste à faire comme sa sœur… Pis, il aime ça la couleur, lui! À ses yeux, le vernis est un privilège de grand et l’argument « c’est pour les filles », n’a aucune valeur.

J’anticipais quand même les commentaires des autres et craignais qu’il fasse rire de lui. Les enfants ont rarement de filtre. Oh boy, si je m’étais attendue à ça… Des commentaires moches nous en avons eu, des répliques douteuses aussi. Le pire est que ça sortait de la bouche des adultes et même parfois de la part de purs inconnus! J’ai même entendu quelqu’un dire à mon fils de 3 ans « Hein, t’as-tu du cutex?? Té tu fif? » SÉRIEUX? Est-ce que j’ai vraiment entendu ÇA, DIRE ÇA à un enfant de cet âge-là. On est en 2016 et c’est toi, l’adulte?

Malgré tout ça, mon petit bonhomme continuait de montrer fièrement son vernis à tous ceux qu’il croisait. Tandis que moi, maman loup, je restais derrière lui à observer, prête à bondir en cas de besoin. Heureusement, il ne comprenait pas vraiment ce que les gens voulaient dire.

Cet épisode m’a fait réaliser à quel point il restait beaucoup de travail à faire, collectivement. On parle ici d’un enfant et de vernis à ongle. Point. Est-ce qu’une fille de 2 ans vêtue en spiderman susciterait autant de réactions? J’pense pas, non. Ne perdons pas de vue que l’époque des femmes à la cuisine et des hommes dans leur garage est révolue. Il n’est donc plus possible de tout faire entrer dans de petites cases. Et c’est pourquoi, oui, mon homme, je vais t’en remettre du vernis si t’en veux.