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Seule, dans le noir – Texte : Audrey Boissonneault

L’écho de tes sanglots résonne dans la pièce, un peu comme ta respiration qui court après l’

L’écho de tes sanglots résonne dans la pièce, un peu comme ta respiration qui court après l’oxygène. L’hyperventilation se fait entendre dans la chambre. Seule, tu sais que c’est une des seules fois où tu peux te permettre de « tomber ». Le visage boursoufflé, les mains tremblotantes, le sifflement qui peine à passer au travers de tes bronches. Tu perds quelques secondes à décoller tes paupières ; dans le noir et seule, tu les refermes, aussi, fort.

Les palpitations qui se démènent à sortir de ton corps, les étourdissements qui s’en échappent, les mains accrochées aux couvertures, afin de pouvoir camoufler ta douleur. Tu te répètes à mainte reprise : respire, doucement, prends une grande respiration…

Les mots se chevauchent dans ta tête. Aucune phrase nette n’arrive à se former, les syllabes et les consonnes se mêlent les unes dans les autres. Tu sais qu’à nouveau, tu es prise dans cette attaque de panique, seule dans le noir. Personne ne te voit, personne n’a conscience du mal-être que tu vis. Parce que tu sais que c’est beaucoup plus facile de se faire aimer dans la lueur du jour qu’en pleurant à genoux, dans la salle de bain. Parce que c’est beaucoup plus facile de se faire aimer lorsque nous sommes tout ouïe que lorsque nous sommes au bord du gouffre.

Je me questionne, par moment, sur le pourquoi. Pourquoi j’ai aussi peur qu’on me voie de cette façon ? Pourquoi ai-je l’impression que je réagirais d’une différente façon en voyant un de mes proches ? Pourquoi suis-je plus inquiète pour eux que pour moi ? Pourquoi ai-je l’impression de manquer d’air ? Pourquoi ai-je aussi mal ? Pourquoi ai-je aussi peur ?

Je fais de mon mieux pour sortir ces pensées qui remplissent mon esprit. Chacune d’elles m’étourdit, ma respiration se fait si vite et pourtant, elle peine à me remplir. Mot pour mot, j’arriverais à décrire les détails des sensations qui me bouleversent, mais le serrement au niveau du cœur me rappelle ma solitude, dans la noirceur de la pièce.

Audrey Boissonneault

 

Jamais seule sur la photo

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Sur ma photo de profil de Facebook : mon visage entouré du visage de mes quatre enfants. Sur ma photo de blogue ? Encore une fois, ma binette, entourée de la binette de mes quatre enfants. À l’occasion, c’est une photo de moi… avec un de mes enfants. Ou de mes quatre enfants, sans moi. Mais moi toute seule ? Euh… ça fait longtemps que ce n’est pas arrivé.

Depuis quinze ans, je me définis comme maman. Ils sont ma priorité. Mais pas la seule. J’ai des projets, une entreprise, un emploi, une famille, des amis, des passions.

Avec le temps, j’ai appris à prendre du temps pour moi, du temps pour la femme, pour l’enfant en moi, même ! J’existe sans eux, même s’ils sont toujours en moi.

Pourquoi, alors, sont-ils toujours sur les photos avec moi ? Pourquoi est-ce que je ne présente jamais de photo de moi seule, sans eux ?

Bien sûr, comme parent, c’est moi qui prends les photos. Même quand le papa était dans le décor, c’était moi qui pensais à prendre les photos, à documenter notre vie de famille, leur enfance.

Leur mémoire, c’est moi ! Même quand je demande à un de mes enfants de me prendre en photo, je ne me trouve pas « comme je veux ». Je vois surtout ce que je n’aime pas, alors que quand ils sont là, sur la même image, ils estompent ce qui me dérange en moi. Je me concentre sur leurs visages joyeux.

Dans le regard de la femme seule sur la photo, je vois mes pensées, mes questionnements, mes incertitudes. Alors qu’avec mes enfants, mes pensées sont tournées vers eux, vers nos moments heureux, vers nos folies et nos rires, et c’est ce qui transparaît dans mes yeux, dans mon teint, dans mon attitude.

Je me trouve plus belle avec eux qui encadrent mon visage. Je rayonne plus avec eux dans mon histoire. Dans leurs yeux, je vois le meilleur de moi. Une photo avec eux est remplie d’amour et d’histoires.

La seule photo où je suis seule, c’est ma photo d’écrivaine. Comme auteure, je suis autonome, fière, confiante, accomplie, autant que je le suis par rapport à mes enfants et à la famille que nous formons. Dans ma vie de tous les jours, je m’appuie sur eux, comme eux s’appuient sur moi.

Un jour, je serai seule sur la photo. Je me regarderai dans les yeux et je verrai l’étincelle que je vois dans mes yeux quand je suis entourée de ma gang.

Ce jour-là, je crois que ce sera un signe que je suis prête, peut-être, à ajouter un autre visage sur mes photos, le visage d’une personne qui aimera d’abord la femme en moi.

 

Nathalie Courcy