Sentiment d’imposture

Depuis toujours, je me sens déphasée, intruse, toujours à côté

Depuis toujours, je me sens déphasée, intruse, toujours à côté de mes souliers quoi ! En recherche constante de cette place qui est, qui devrait être, je crois, à moi. Enfant, j’ai recherché l’amitié chez les garçons, beaucoup moins compliqués dans mon jeune esprit que les filles ! Il est bien connu que les garçons furieux contre un autre, ça le dit. À la limite il y avait quelques échanges de coups, puis bien souvent, ils devenaient les meilleurs amis du monde ! Les filles, soupir, ça se parle pas nécessairement en face. Ça cancane, ça se sourit pour ensuite raconter à celles que ça intéresse tout le contraire de ce qu’elles t’avaient dit sur leur appréciation de ta personne. (Il ne faut pas croire que ça change totalement en vieillissant !) J’ai trop souvent été la « très bonne amie » de celui qui pouvait un tant soit peu m’intéresser. Celle à qui il confiait à quel point le sourire d’une telle lui rendait les jambe molles.

Je n’avais aucune difficulté à discuter avec les adultes, de tout et de rien. Je m’y sentais bien souvent bien plus à mon aise, quoique pas complètement non plus.

Adolescente, j’étais celle qui avait quitté le nid familial alors que tous les autres bénéficiaient de leurs avantages à y être restés. J’ai été la première à avoir mon premier logement, j’imaginais que cela amènerait quelques‑uns à s’y rassembler. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas : cela m’aura épargné le sentiment qu’on profitait de ses « avantages » plus que de ma présence.

J’ai galéré, lutté et travaillé tôt. Pas pour me payer ce dont j’avais envie, mais pour payer mes comptes. Oh, ne vous trompez pas : je ne m’en plains pas ! Ç’a été mon parcours de vie, ça m’a formée, inventée telle que je suis. Je n’ai pas connu le bal de finissants. (Empathie extrême envers les finissants de juin 2020 !)

Au travail, j’étais « la p’tite jeune » que les plus anciens regardaient souvent de haut bien, alors j’ai vite appris à donner tout ce que j’avais pour faire ma place, pour prouver que je « valais » le coup. J’ai changé souvent d’emploi, très souvent. Pas que je ne travaillais pas bien, pas que je perdais mes emplois, non. Parce que je me cherchais. Je cherchais qui je voulais être dans ce marché que j’avais embrassé sans profession, sans possibilité de grandes études. Sans jamais m’y sentir pleinement accomplie.

Encore aujourd’hui, je suis celle qui sourit, celle qui aide, celle qui est toujours là pour qui en a besoin. Celle qui s’investit au mieux de ses capacités. Mais…

Oui, mais.

Je cherche encore. Je ME cherche toujours. Je suis une femme, une amoureuse, une mère, une amie. Je SUIS. Mais QUOI ? Même dans ce rôle de mère (que beaucoup considèrent que je réussis à merveille), parfois, je me regarde et je doute. J’adore mes enfants, plus que tout au monde, mais suis-je vraiment à la hauteur ? La vie et les erreurs ont fait que je me suis séparée et divorcée du père de mes enfants. Je suis heureuse avec mon nouveau conjoint. J’ai les enfants avec nous. Ils grandissent vite, bien, mais oui, ils grandissent. Leur besoin de leur mère change, ma présence à leurs côtés n’est plus de la même nécessité. L’adolescence habite notre foyer avec ses bons et mauvais côtés.

J’ai toujours ce sentiment de ne pas dire, faire ou être ce qu’il faut. J’ai toujours le même sentiment de mon enfance d’être « à côté de mes souliers ». L’humaine que je suis ne se sent jamais épanouie, jamais pleinement satisfaite de son parcours.

J’ai en moi, incrusté profondément, ce sentiment de ne « pas être ». Ce que je suis ? Je sais… ce que je ne suis pas, je sais que trop bien aussi. À quel moment ressent-on l’épanouissement ? Ce sentiment de réussite ? Je vous entends me dire de profiter de ce que j’ai, de travailler à ce que je n’ai pas et que j’aimerais avoir. Oui, je m’y efforce. Mais justement, qu’aimerais-je avoir ? Pourquoi depuis toujours je me sens si… incomplète ? Pourquoi trop souvent je lutte contre l’envie de fuite ?

Peu importe où, avec qui et pourquoi, ce sentiment reste. Au fond de moi bien présent : l’imposture.

Je n’ai pas l’impression d’appartenir à ce monde. Je m’émeus de tout et de rien, je « colère » devant bien des bêtises de mes congénères. Puis, je pleure, parfois sans retenue, parfois en silence. Je pleure car j’ai l’impression de déborder par en dedans. Je pleure car j’ai l’espoir qu’un jour, à force de lâcher les surplus, j’arriverai à pleinement ressentir le bien-être. Mais dès que mes larmes se tarissent, ce sentiment subsiste.

Cette place que j’occupe dans cet univers, m’était-elle réellement due ? Il est lourd ce sentiment… celui de l’imposteur.

 

Simplement Ghislaine