Suivez le guide! Et si le guide était perdu?

Après deux semaines en Italie, le moral des troupes a chuté. D’a

Après deux semaines en Italie, le moral des troupes a chuté. D’abord, c’est mon 9 ans qui s’est retrouvé avec la boule au ventre et ensuite, c’est mon 6 ans qui a fondu en larmes : « Maman, je m’ennuie de mes amis! Ici, il n’y a que mes parents et mon frère à qui je peux parler. Nos voisines, je ne les comprends même pas! »

Ils étaient si beaux à voir, mes cocos, depuis notre arrivée. Enthousiasmés par leurs découvertes, photographiant les insectes les plus étranges, goûtant à de nouveaux mets (mon aîné a mangé de la pieuvre le premier soir)… Ils voulaient tout essayer et s’amusaient à comparer le Canada et l’Italie (l’Italie gagnait très souvent). Ils étaient excités par l’aventure et faisaient déjà beaucoup d’efforts pour apprendre l’italien et pour s’adapter au fait que leur confort avait été compromis.

Mais aujourd’hui, ils semblent être passés à une autre étape et maman est là pour les aider à comprendre ce qui leur arrive, à dénouer avec eux les cordages de leur intérieur. Creuser avec mon 9 ans pour identifier que c’est la perte de sa routine qui fait qu’il est soudainement gagné par l’anxiété. Laisser mon 6 ans exprimer sa déception face à la barrière de la langue. Leur offrir un endroit où déposer leur tristesse, leur peur, leur frustration. Écouter et accepter que ce soit comme ça pour le moment, que ce soit normal. Et lorsque je les sens prêts, distribuer également quelques encouragements.

Mes propres désillusions d’expatriée sont éclipsées par celles de mes garçons. Qui a le temps de gratter ses propres blessures alors que sa progéniture souffre? La principale émotion qui m’envahit présentement est l’inquiétude. J’ai peur de ne pas bien les accompagner. J’ai toujours aimé cette image du parent qui joue le rôle d’un guide en pays étranger pour son enfant. En bonne guide, j’aidais mes fils à naviguer à travers eux‑mêmes et à travers les coutumes de l’homme moderne. Ici c’est l’inconnu, autant pour eux que pour moi. Je découvre tout en même temps qu’eux et je crains de ne pas être à la hauteur.

Quand ce petit bonhomme me réclame ses amis, ou de nouveaux amis, je sais qu’il me crie un besoin fondamental. En tant que parent, c’est ma responsabilité de m’assurer que ses besoins sont comblés. Il y a le toit à fournir, le garde-manger à remplir, les vêtements à choisir (haha! Bon, ça je lui laisse!) et son petit cœur à emballer avec de belles rencontres. Je connais l’importance des liens que l’on crée. J’ai toujours joué mon rôle de facilitatrice et je compte continuer à l’assumer. Au Québec, j’avais fait mes preuves, mais est-ce que j’y arriverai ici?

C’est tellement difficile d’avoir l’impression que les gens doutent de nous. Notre entourage au Québec s’était habitué à notre décision de faire l’école à la maison. Depuis deux ans, on vivait cette aventure avec beaucoup de plaisir. Ici, je recommence à expliquer, justifier, informer… et je finis par tout remettre en question moi aussi! J’aimerais que l’instruction en famille soit considérée comme un choix parental parmi tant d’autres (au même titre que l’allaitement ou le biberon, une famille nombreuse ou un enfant unique, une maison à la campagne ou une vie urbaine…) Notre choix n’a pas à être le meilleur ou à convenir à tous. Je ne connais pas beaucoup de situations où tout est noir ou tout est blanc. On nage en zone grise la plupart du temps… L’éducation ne fait pas exception.

Oui, ça m’angoisse de voir mes enfants vivre une épreuve mais, en même temps, je me rappelle que c’était l’objectif premier de toute cette entreprise : bouleverser nos habitudes et explorer un environnement différent. Alors dans ce cas, il ne me reste plus qu’à être cohérente et à accepter ce qu’on a à traverser. Nous faire confiance et nous accorder le temps qu’il faudra pour notre adaptation.

Elizabeth Gobeil Tremblay