Archives janvier 2019

Ces mots pour toi

Ce texte n’est pas signé. Mieux ainsi. Le vieux sage a gagné sur

Ce texte n’est pas signé. Mieux ainsi. Le vieux sage a gagné sur l’idéaliste impétueux qui empoigne le drapeau de la liberté d’expression. Cette liberté et ce besoin d’authenticité que je souhaite à nos enfants. Qu’ils soient heureux, libres et vrais. J’ai appris que je dois être plus que prudent avec toi. J’ai appris dans cette guerre juridique inutile et encore sanglante, que tu as déclenchée il y a quatre ans, que mes gestes et mes mots peuvent se retourner contre moi. Les braises sournoises et puissantes, qui ont brulé à jamais les ailes de nos souvenirs, sont encore actives. Je dois calmer les vents. Je ne veux plus d’incendie ravageur. Trop perdu déjà. Mais ces mots sont les miens et ils me font du bien. J’aimerais tant te les dire, pas d’un ex à l’autre mais d’un humain à l’autre. Que tu les reçoives sans peur, sans reproches et sans blâmes. Pour s’écouter et mieux comprendre certaines blessures de part et d’autre et pour prendre de tes nouvelles. La vie est fragile et courte. Il faut prendre soin de soi.

Comment a été ta route depuis notre séparation? La mienne a été chaotique. On s’est fait si mal. Trouves‑tu aussi? Quand je repense à nous depuis, je vois un remake du classique Kramer contre Kramer. As-tu trouvé la résilience? Un jour ou l’autre, la route nous offre une panne ou pire encore, un accident. La résilience, c’est comme la carte CAA, quand ça va mal, tu la veux. Et on espère reprendre notre route et se dire « Wow, j’ai survécu ». Je n’ai pas de confirmation, mais je pense être désormais abonné à vie à la résilience. J’ai des cicatrices dans la tête et sur le cœur. Profondes et visibles à l’interne. Comme celle‑ci qui me rappelle ton indifférence devant ma peine profonde de ne pouvoir exercer mon rôle paternel comme je le souhaite, égal au tien. L’égalité, tout aussi vitale que la liberté. Ou encore celle‑là qui me rappelle ta surdité volontaire devant mes cris d’urgence pour remplir un peu plus ce vide familial en moi. Et que dire de cette autre causée par ton manque de compassion alors que tu me voyais m’engouffrer dans ce sable mouvant juridique. Crois‑moi, j’essaie de donner un sens à tout ca. As‑tu aussi des cicatrices? Je ne sais plus rien de toi.

Tu m’as aussi permis d’en apprendre plus sur le lâchez ‑prise. Sur le besoin de vivre au jour le jour. Sur le besoin de devoir accepter ce qui est difficile à accepter. Le résilient sait reconnaître ses limites. J’ai eu la chance d’en parler pour m’aider. Mon psy chérant et toutes ces personnes au cœur charitable. J’ai appris à vivre le moment présent. À valoriser la qualité faute de quantité. Mention spéciale à ces femmes, mères aussi, qui m’ont rassuré dans ma paternité, mais qui ne te comprenaient pas. Elles ne comprenaient pas ton intensité maternelle hors norme. Elles ne comprenaient pas ce que tu as fait de la femme en toi. Elles me confiaient à tour de rôle des remarques auxquelles je ne savais pas quoi répondre : « Elle n’a pas de chum? », « Elle n’a pas refait sa vie? », « Ça va changer quand elle aura un chum. Ça va être plus facile pour toi. Elle aura besoin d’avoir une vie bien à elle. »

Depuis notre séparation, je me demande si tu as une vie bien à toi, une vie en dehors de nos enfants. Nos enfants parlent. Il n’est jamais question d’un amoureux dans ta vie. Je me demande comment tu fais. Je ne sais pas. Ça te regarde, bien sûr. C’est ton choix. Je te souhaite de rencontrer l’amour et de retrouver l’équilibre femme-mère en toi. C’est si important et si beau. Je te souhaite de prendre soin de toi. Que quelqu’un prenne soin de la femme en toi. Et comme le disait si bien une amie sage : « Les enfants ne nous appartiennent pas. Un jour, ils feront leur vie et hop! On se retrouve seul dans une maison trop grande. » Je te souhaite de bien faire la tienne. Je te souhaite aussi des REER amoureux. Ça aide, dit‑on, pour les vieux jours.

Voilà, c’étaient mes mots pour toi.

 

Mes précieuses, mes bienveillantes

Le début de l’année, l’heure des bilans.

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Le début de l’année, l’heure des bilans.

Je ne prends pas de résolution. Chéri-mari et moi faisons souvent des bilans, nous nous remettons en questions régulièrement, nous nous ajustons, priorisons les projets, toute l’année. Ni plus ni moins en janvier.

Cependant, cette année, c’est un bilan amical que j’ai envie de faire.

Mes précieuses, mes bienveillantes. Mes amies qui restent pour traverser le beau, le doux, mais aussi les nuages et les tempêtes. Ces amies qui, de près ou de loin, selon les horaires, les projets, les tracas, la famille, les amours, les tourments, me font sentir qu’elles sont là. Celles qui me connaissent le mieux, qui m’aiment pour tout ce que je suis, même mon intensité. Celles qui répondraient au milieu de la nuit sans aucune contrariété.

Celles qui, bien qu’elles comprennent ou non notre chaos de famille avec de jeunes enfants, l’acceptent et le respectent. J’ai parfois l’impression d’évoluer dans un cadre spatiotemporel parallèle, d’être dans une bulle qui s’éloigne et revient entre les poussées dentaires, les crises de bacon, la phase d’attachement, alouette! Malgré nos réalités qui s’éloignent ou se rapprochent, il n’y a jamais de jugement.

Mes précieuses, mes bienveillantes sont des maillons solides de mon filet de sécurité.

La vie avec de jeunes enfants apporte son lot de fatigue et de stress, mais aussi d’émerveillement, d’amour, d’apprentissages et de découvertes. J’en profite à fond, en partie parce que je les sais toujours là.

En plus de mes précieuses, j’ai ces autres amis, tels de petits satellites qui gravitent à diverses distances de moi, de nous. Des amis de longue date qui m’apportent des points de vue différents, avec qui c’est toujours aussi simple et naturel même si on ne se voit pas souvent. Ces amitiés plus récentes, mais tout aussi significatives. Mes amies-mamans, remplies de trucs, d’astuces, de réponses, de compréhension et de réconfort, et qui sont non moins partie prenante de mon équilibre.

Je me dis donc que, malgré les stress et les défis, je suis chanceuse, choyée et j’ai le cœur rempli, par ma famille oui, mais également par mes précieuses et bienveillantes et par toutes ces amitiés riches.

Je leur souhaite de la douceur et de l’amour, mais aussi de ressentir qu’elles ont des amis aussi merveilleux que les miens. Je leur promets de tenter de sortir de ma bulle un peu plus souvent et de continuer de veiller sur elles, toujours, même si c’est parfois en berçant un bébé ou en pliant des vêtements!

Jessica Archambault

 

Les devoirs et la leçon du boyau d’arrosage

Ah! Cette période de la journée. Celle où heureusement, mon cerve

Ah! Cette période de la journée. Celle où heureusement, mon cerveau est en pleine effervescence. Celle où je suis à mon top du multitâche. Celle‑là même où je serai à mon meilleur pour gérer une entreprise. Je gère le repas, les lunchs du lendemain, la logistique de l’horaire de la semaine, le lavage et… l’aide aux devoirs. Du moins, l’aide que je peux offrir.

À cette époque‑là, mes filles avaient besoin d’une présence à leurs côtés pour se sécuriser dans l’étape des devoirs. J’étais là, physiquement, mais mentalement, j’étais plutôt dans le temps qu’il me restait pour que l’heure du repas arrive avant le départ pour reconduire l’une d’elles à son cours de danse qui lui, ne coïncidait pas du tout avec l’heure qu’indiquait mon horloge. Bref, ce soir‑là, j’étais en retard.

Je courais d’un bout à l’autre de ma cuisine et faisais des allées et venues entre celle‑ci et la salle à manger où se trouvaient mes trois filles, leurs montagnes de cahiers et de cartables et leur manque flagrant de confiance en elles. (Lire ici, leur manque de motivation!)

Dans mon cerveau « ailleurs », je me suis rendu compte que j’étais loin d’être présente. En fait, ça devait faire plus de dix fois que je répétais les mêmes choses : « C’est quoi que tu ne comprends pas!? Je ne comprends pas moi‑même ce que tu ne comprends pas! As‑tu fait des démarches? Comme ça, je vais pouvoir comprendre ce que tu ne comprends pas! Ce n’est pas compliqué à comprendre, me semble! Je veux JUSTE savoir ce que tu ne comprends pas! »

Pendant mes répétitions incessantes, je les voyais flétrir devant la charge de leurs questionnements. Plus on s’obstinait sur le niveau d’incompréhension, plus elles se couchaient le nez dans leurs cahiers et plus mon ton montait. Incapable de voir autant de mollesse devant moi.

À force de répéter et répéter, et de sentir que ça bouillait tranquillement pas vite en moi, que le presto allait évidemment sauter sous peu, je me suis arrêtée. Au beau milieu de ma cuisine, j’avais arrêté. Seule ma respiration rapide meublait mon cerveau. Sous ce tempo, je me suis mise à les regarder, les trois. Dans la salle à manger, mes trois étudiantes couchées sur leurs cahiers. Lasses de travailler. Pu de jus dans leur corps et encore moins dans leur cerveau.

J’ai dû rester plantée là un bon cinq minutes, incapable de dévier mon regard d’elles. Je perdais cinq minutes de mon précieux temps. Mais ce qui se tramait dans ma tête allait probablement me permettre d’en sauver mille par la suite.

Au diable le souper, on mangera cramé, mais c’est dehors qu’on allait régler la situation une fois pour toutes! Un peu déstabilisées, elles ont descendu l’escalier du balcon à ma demande pour se retrouver sur le côté de la maison avec une mère qui semblait semi‑éreintée, semi‑heureuse. Un mélange qui aboutissait sûrement, pour elles, à la folie passagère.

Pieds nus sur le ciment du patio, l’air hébété, leurs paires d’yeux qui se croisent, les haussements d’épaules pour se dire qu’elles ne comprennent pas ce qui se passe, et le silence. Je leur ai demandé de respirer. Respirer un bon coup. Ce que j’allais leur démontrer méritait d’être compris une fois pour toutes.

Et j’ai sorti le boyau d’arrosage. J’ai bien cru voir trois petits pas de recul de peur. Comme si elles pensaient que j’allais les arroser. Mais bon. L’idée de rafraichir leur esprit n’était pas loin, mais loin de mon objectif de leur apprendre la leçon du boyau d’arrosage.

Je suis comme ça, moi. Pour apprendre, j’ai parfois besoin de visuel. Besoin de faire des liens pour assimiler les informations. Ce n’est pas par manque d’intelligence. Seulement que j’apprends différemment. Mon cerveau combine les associations et ça se range plus aisément dans les petits tiroirs de mon cerveau. J’ose, à ce moment, m’imaginer que les trois êtres en avant de moi apprennent de la même façon, sinon, ma leçon allait certainement déraper. Au pire, elles auraient pris l’air qui semblait leur manquer dans le cerveau pour poursuivre leurs tâches.

Me voilà donc, boyau en main, à ouvrir le robinet pour laisser jaillir l’eau fraîche. Rien de palpitant. De l’eau qui sort du boyau. Je plie le boyau et, là encore, rien de palpitant. Pu d’eau qui sort du boyau. Je ne dis rien en manipulant ce que j’ai entre les mains. Je les regarde. Je m’exécute indéfiniment à exercer le même mouvement jusqu’à ce que l’une d’entre elles me demande ce que je fais.

Et c’est à ce moment‑là que mon discours entre en scène…

« Le boyau, c’est votre corps. Votre colonne vertébrale. Ce à quoi est rattaché votre cerveau. L’eau qui sort du boyau, c’est votre énergie. Votre connaissance. Lorsque le boyau est droit, l’eau en sort abondamment. Avec puissance. C’est rafraîchissant! Lorsque je plie le boyau, tout cesse. Un mince filet parvient à peine à couler. »

J’ai repris le mouvement avec le boyau. Laissant jaillir l’eau abondamment.

« Le boyau, c’est toujours votre corps. Bien assise à la table, vous permettez aux connaissances de se rendre à votre cerveau. L’énergie est fluide. Vous respirez profondément. »

Je pliai net le boyau pour que l’écoulement cesse.

« Le boyau, c’est encore et toujours votre corps. Couchées sur la table, vous empêchez l’énergie, les connaissances de se rendre à votre cerveau. Votre respiration est coupée. »

J’ai refait le mouvement sans mots. J’ai fermé le robinet et rangé le boyau.

Mes trois élèves devant moi. Toujours incertaines et sans bruit. J’ai fait volteface et je suis retournée à mes chaudrons. Mes élèves me suivant. Elles ont repris leurs tâches, le corps droit et en respirant en silence.

Je ne sais pas si c’est le fait d’avoir respiré dehors ou ma leçon du boyau qui a fait son effet, mais les jours suivants, je n’avais qu’à énoncer le mot « boyau » et les petits corps se redressaient en prenant une grande respiration, yeux clos, pour reprendre l’énergie manquante. On venait d’établir une règle : « Je ne peux pas t’aider à comprendre et à faire entrer tes connaissances, si tu ne permets pas à ton corps d’accueillir ce qui s’en vient. »

Mylène Groleau