Le terrain est toujours plus vert chez le voisin
Le terrain est toujours plus vert chez le voisin : c’est connu! D’aussi loin que je me souvienne, j’ai envié les autres. Leurs beaux terrains verts m’ont toujours semblé plus invitants que le mien, couvert de mauvaises herbes et de garnotte.
Petite, j’enviais mes voisines d’en face parce qu’elles avaient des poupées des New Kids On The Block et pas moi! Vers la fin du primaire, je jalousais tellement ma camarade de classe, qui semblait avoir tous les talents, que j’avais confectionné une poupée vaudou à son effigie pour rééquilibrer un peu les choses (rassurez-vous, ce fut complètement inutile! Aucun enfant ne fut blessé ni maltraité!) Au secondaire, je détestais les filles minces, populaires et habillées à la dernière mode. Adulte, j’ai trouvé injuste de voir mes copines aller à l’université, tomber enceinte avant moi, se faire construire de grosses baraques, voyager à travers le monde, etc.
Et puis, j’ai compris…
Tu sais, ton couple de voisins, ceux qui habitent la grosse maison, avec le beau spa, le gros garage, le magnifique aménagement paysager et les deux voitures de l’année stationnées à l’avant? Et bien ce qu’on ne sait pas, c’est que ça fait maintenant dix ans qu’ils essaient en vain d’avoir un enfant : un enfant qui ne s’achète pas.
Pis tu sais, ton ami Facebook, celui qui rayonne de zénitude, qui publie quotidiennement de belles pensées positives, qui ne s’accroche pas dans les valeurs superficielles et matérialistes, qui semble si serein et épanoui? Et bien ce qu’on ne sait pas c’est qu’au fond, il se sent comme un échec monumental; il se remet en question constamment. Les belles citations qu’il publie, il espère y croire un jour, mais il n’est pas rendu là.
Pis tu sais, ton amie parfaite, celle qui peut manger tout ce qu’elle veut sans prendre une once de gras, qui fait trois demi-marathons par année, qui avait perdu son poids de grossesse un mois seulement après l’accouchement ? Et bien ce qu’on ne sait pas, c’est qu’elle s’entraîne de façon compulsive et se fait vomir tous les jours. Elle cache des barres de chocolat qu’elle mange en cachette et quand elle se regarde dans le miroir, son reflet la rend malade.
Pis tu sais, la petite famille parfaite que tu côtoies à l’aréna? Le beau petit couple, avec trois enfants, toujours aussi amoureux après dix ans? Celui qui fait plein d’activités en famille, qui habite une mignonne petite maison et qui se promène toujours main dans la main? Et bien, cette famille-là, c’était la mienne. Ce que vous ne saviez peut-être pas, c’est qu’on n’était plus amoureux depuis longtemps, qu’on parlait de séparation toutes les semaines et qu’on ne se touchait plus depuis des mois. Le papa souffrait d’un problème de santé mentale, il découchait de temps en temps sans dire à la maman où il était, et la maman s’endormait en pleurant TOUS les soirs.
On voit constamment défiler des statuts Facebook et des photos où on « tague » le bonheur. Devant ces étalages de réussites et de bonheur sans nuages, on en vient à penser que tout le monde est plus heureux que nous. Mais sait-on ce qui se passe réellement dans la vie des autres? Et de toute façon, est-ce vraiment important? Le bonheur du voisin vient-il vraiment ternir le nôtre? Nous avons tous notre lot de malheurs, petits et grands. Les apparences peuvent être trompeuses.
Donc la prochaine fois que vous trouverez le terrain plus vert chez le voisin, arrêtez-vous. Il s’agit peut-être de gazon synthétique ou peut-être que des petits vers blancs s’y cachent. Prenez plutôt le temps d’arroser et de nourrir le vôtre!
Steph Nesteruk