Confidences d’une ex-BABI

Je suis née en 1984 et j’étais ce que l’on nomme aujourd’hui un BABI (Bébé Aux Besoins Intenses). À l’époque, ce thème n’était pas encore popularisé pour décrire les petits bébés qui, comme moi, pouvaient hurler pendant des heures, voulaient constamment être dans les bras, avaient un sommeil en dents de scie et étaient très réactifs. Mes parents ont fait de leur mieux et ont fini par faire du cododo, en cachette bien sûr, pour que je puisse enfin fermer l’œil quelques heures en lignes. Ils se sont armés de patience et d’amour pour me porter à tour de rôle jusqu’à ce que le temps passe et que je vieillisse.

Aujourd’hui, je suis encore intense. J’ai appris à vivre avec ma sensibilité, mais il y a une foule de petits détails qui trahissent mon intensité. Par exemple, des fois, je me mets du vernis à ongles et en peu de temps, il finit par me rendre folle. Je ne sais pas trop comment expliquer ça, parce qu’en général, je ne sens pas trop mes ongles, mais je peux vous jurer que je sens très bien le vernis qui est dessus et qu’il faut qu’il parte là, là, maintenant! Quitte à le ronger pour l’enlever. Ça me fait ça pour les mains, mais pas les pieds, un autre mystère de la vie.

Même chose avec mes bracelets, boucles d’oreille et autres bijoux. Je finis toujours par les perdre parce que je les enlève un peu partout pour la même raison que le vernis. Aussi, je suis pas mal toujours habillée en mou… ou en mou chic quand je travaille. Les pantalons extensibles, les chemises amples, j’adore! Sinon, je me sens prise, inconfortable, j’étouffe, je panique. La princesse au petit pois… Je ne comprends pas comment les autres princesses font pour ne pas sentir le petit pois sous la pile de matelas! J’ai déjà soulevé mon matelas parce que j’étais inconfortable et j’y avais trouvé un crayon, ce mini intrus qui m’empêchait de dormir!

Ah ! Pis les émotions, parlons-en! Je n’en ai pas, moi, de petites peurs. Quand je fais le saut, je fonds à l’intérieur. Genre un jour, je me séchais les cheveux et le séchoir à fait un mini bruit d’explosion, il venait de rendre l’âme. Tout le monde dans la pièce riait, moi je ne trouvais pas ça drôle du tout! J’avais eu méga peur! Même chose pour les émotions positives. Ado, j’ai déjà eu la larme à l’œil en réalisant que chaque bout de gazon était unique… oui, oui ! J’ai presque pleuré tellement je trouvais ça beau, moi, du gazon!

Plus je vieillis, plus je fais la paix avec ce côté de moi. Ma sensibilité me sert dans mon travail et dans mes relations. Je ne suis pas tout le temps en train de chigner, je vous dirais même que j’oublie que je suis intense à ce point-là. C’est juste en l’écrivant ici que je réalise. J’ai maintenant du pouvoir par rapport à cela : je peux parler de ce que je vis et je peux agir quand je suis inconfortable. Je suis donc en mesure d’être calme et disponible. J’ai aussi consulté dans le passé et j’y suis retournée récemment pour faire la paix avec cette sensibilité et m’en faire une alliée. Par contre, quand j’étais un mini bébé sans paroles et sans pouvoir, je comprends que je capotais. Essaie de dire ça, qu’il y a un cheveu qui te gosse entre tes deux orteils quand tu ne peux ni parler ni bouger adéquatement.

À tous les parents de petits BABI, je suis désolée pour toutes les fois où vous êtes sortis de la pièce plutôt que de devenir agressifs, parce que ça rend fou un bébé inconsolable, pour toute la culpabilité et les remises en question, pour toutes vos tentatives d’adaptation pour survivre à cette réalité. J’espère que vous êtes bien entourés, j’espère que vous ne doutez pas de votre capacité à être de bons parents, j’espère que votre entourage ne vous bombarde pas de suggestions et de recommandations non sollicitées. Et finalement, je vous remercie de votre patience et de votre dévouement. Tenez bon, apparemment que notre sensibilité est également gage d’intelligence vive, de créativité et de grande passion pour la vie!

 

Roxane Larocque



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