Croire en une confiance oubliée – Texte: Shanie Laframboise

La chance de se faire détruire, nous l’avons tous déjà volontairement prise en osant offrir à certaines personnes l’accès à l’arme la plus puissante que l’on possède : notre confiance. Peut-être n’ont-elles aucune intention de s’en servir, mais notre cœur affligé nous rappelle la souffrance de notre corps qui nous est revenu trop souvent brisé. Et puis, nous avons conscience qu’il est fort possible qu’elles nous blessent encore, par accident, comme un vase fragile perdant toute valeur une fois tombé et dont on ne tarde pas à se débarrasser. 

On l’apprivoise pas à pas, on donne notre confiance goutte à goutte, mais il ne suffit que d’un faux pas pour la perdre par litres. Par peur de faner telle une fleur si fragile qui ne repoussera pas perpétuellement, on se console en se disant qu’il vaut mieux vivre dans l’indépendance pour dissimuler la réalité de notre crainte d’accorder cette confiance. Il nous est donc plus facile de nous masquer la vérité pour nous protéger d’être une fois de plus atterré en un claquement de doigt par une déchirure qui perdure. Une fois que le mal est fait, alors que ceux qui la méritaient le moins en ont abusé, nous refusons trop souvent notre confiance à ceux qui la méritent le plus. Nous nous mentons à nous-mêmes en évitant nos besoins de croire et d’être compris, par peur d’offrir ce que nous possédons de plus intime : l’accès à notre cœur. 

C’est vrai, parfois, la peur d’investir dans la déception s’estompe et on retrouve l’espoir de pouvoir croire. On croit qu’elle peut durer, on croit qu’elle peut nous accompagner ainsi qu’elle peut nous relever, et ce, jusqu’à tant qu’on retombe les pieds sur terre et qu’on se rappelle que la confiance est éphémère. Elle réussit à nous faire espérer, jusqu’au moment où on se la fait enlever par le temps qui la fait filer entre nos doigts. Parce qu’on la souhaite plus que temporaire, on tente d’agripper de toutes nos forces le mince fil la retenant, celui qu’on voit glisser et qu’on sent nous échapper, jusqu’à ce qu’on le brise plutôt qu’il soit. 

Parce que toute cette dite confiance se change en méfiance, on cohabite avec le vide de notre solitude en essayant de se relever d’une chute dont on n’aurait jamais envisagé la possibilité. Il nous semble parfois plus facile de s’éloigner et de se détacher des autres que de devoir assumer des décisions sur lesquelles on n’a pas de contrôle et qui nous donnent l’impression de tomber dans le vide sans savoir où nous allons atterrir. Cessons de nous cacher le fait qu’il nous est plus facile de crier haut et fort notre solidarité et de nous répéter que tout va bien aller, alors qu’au fond nous cherchons à fuir l’évidence de nos vies isolées. À quoi bon se mentir à soi-même en tentant de se convaincre qu’on vit ensemble dans l’humilité, alors qu’on arrive à peine à distinguer notre authenticité et qu’on vit tous repliés faute de se sentir incompris ? Rendons-nous à l’évidence qu’à la place d’affronter nos souffrances, on s’étourdit sans prendre le temps de s’arrêter pour réaliser que nous passons à côté de la possibilité de se libérer de ce papier que l’on tente de défroisser. À force de vouloir se protéger pour éviter d’exposer notre vulnérabilité, on n’a plus personne à qui se confier pour guérir la honte et la culpabilité de notre château de cartes qui s’est écroulé. Parce que c’est l’une des rares choses qui n’a pas de valeur monétaire, on n’a plus le temps et la patience à lui consacrer. Et si, au fond, c’était l’investissement le plus profitable ?  

Le risque de remettre l’entièreté de ce que l’on est entre les mains qui se tendent à nous est difficile à accepter, mais personne ne cherche à cesser de vivre par peur de mourir, alors pourquoi cesser de s’ouvrir par peur de souffrir? Le moment où nous oserons nous révéler sincèrement et en toute intégrité sera fort probablement celui où naîtront les plus belles confidences créant des liens d’une inexprimable puissance. On n’a pas à ouvrir le ventre du mystère pour essayer de deviner où cela va nous mener et pour réaliser que c’est cette simple beauté qui nous fera redécouvrir le bien-être que l’on a oublié. 

 

Shanie Laframboise 



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