Épuisement à l’horizon!

En tant que parents, soyons honnêtes, on est pas mal tout le temps à la course. Qu’on travaille à l’extérieur ou qu’on se dévoue à temps plein à nos petits monstres chérubins, la vie, ça va vite. Les nuits sont courtes, les rendez-vous se succèdent, les microbes nous collent au derrière, les activités et les fêtes d’amis se multiplient. Sans compter les devoirs des plus vieux, les commissions (faut bien nourrir cette marmaille-là et leur trouver des vêtements pour remplacer le pantalon qui a de l’eau dans la cave et les souliers troués), les lifts par-ci, les imprévus par là…

Mais à un certain moment, il faut savoir faire « WO! Les nerfs! » avant de péter au frette. À go, on se regarde dans le miroir de notre conscience pour détecter les signes que la broue qu’on a dans le toupet est en train de se transformer en guimauve toxique.

          Tu fais comme dans la toune des BB et tu sales ton café. Le lait dans l’armoire est aussi un bon indicateur.

          Tu pars travailler avec ton linge à l’envers. Quoique… j’ai déjà enseigné toute une journée avec mes poches arrière de jeans en avant… et chaque mois, je « teste » mes collègues pour savoir s’ils se rendront compte que je porte mon chandail à l’envers, ou deux souliers différents…

          Tu oublies encore plus de choses qu’avant. Les clefs, le cellulaire, le lunch sur le comptoir, c’est de la petite bière. Si tu es rendu à oublier où tu habites (et qu’il n’est pas 4 heures du matin après une soirée trop arrosée), il est peut-être temps de faire un long, long dodo. On va faire un test. Complète les phrases suivantes : Je m’appelle _____. Je suis né le _____. Mes enfants s’appellent _____ et leurs dates de naissance sont le _____.

Et la question qui tue : J’ai rencontré mon conjoint/ma conjointe le _____. Si tu as répondu correctement à tout ça, ça ne veut pas nécessairement dire que tu n’es pas à bout. Ça veut juste dire que tu es une femme.

          Tu perds tout, en commençant par ta propre personne. Dans une période de ma vie où j’avais deux emplois à temps plein, j’ai passé deux heures à chercher ma voiture dans les rues de Limoilou à la fin de ma double journée de travail. C’est aussi pendant cette période que je suis rentrée au travail sans chaussures… après avoir conduit pendant vingt minutes. Perdue, la médame.

Ça peut être plus subtil : sacoche, papiers importants, carte de crédit ou d’assurance-maladie (toujours quand tu en as désespérément besoin). Ce faisant, tu perds aussi beaucoup de temps à chercher et à t’en vouloir.

          Tu souris moins et moins facilement. Les super chatouillis magiques de ton plus jeune t’impatientent. Les blagues douteuses de ton chum ou de ta blonde te font soupirer (pour vrai). À bien y penser, tu ne te souviens même plus de ton dernier fou rire digne de décrocher un dentier. Faudrait y remédier.

          Tu attrapes toutes les bibittes qui gravitent à l’intérieur des vingt kilomètres qui t’entourent. Rhume, grippe, gastro, bronchite, feu sauvage s’agrippent à toi comme des sangsues. Tu savais que tu avais un immense pouvoir d’attraction (dont tu doutes de plus en plus à force de voir tes cernes se creuser), mais de là à magnétiser les virus de tout acabit…

          Tu t’endors partout. Rien de mieux que de te réveiller au bout de la ligne de transport en commun à minuit et d’être obligé de revenir chez toi à pied parce que c’était le dernier autobus… fait vécu! Si tu t’endors derrière le volant ou sur un chantier de construction avec une scie à chaîne dans les mains, arrête. Va te coucher. Là maintenant tout de suite. Pas des blagues. Entre une sieste de deux heures et une sieste éternelle… le choix est évident.

          Ou au contraire, tu ne dors plus. Trop de listes de tâches urgentes en tête. Moins de sommeil = plus de stress = plus d’insomnie = sommeil plus agité = plus de fatigue = plus de stress… Oui, tu peux prendre un somnifère quelques soirs pour t’aider à retrouver une routine de sommeil normale. Mais le but, ce n’est pas de prendre des pilules, c’est de dormir de façon saine. Si tu ajoutes du yoga, de la méditation, une tisane à la camomille, un diffuseur d’huile essentielle de lavande, une lecture relaxante avant le dodo ou quelques soirées sans écran, tu vas probablement arriver au même résultat. Si tu élimines des tâches de ton horaire, que tu les reportes à plus tard ou que tu les délègues (à des collègues, à ton conjoint, à tes enfants, à une compagnie d’entretien…), tu te coucheras avec la tête plus légère.

          Parfois, de plus en plus souvent, tu te surprends même à penser, pendant un millionième de seconde, que tu ne t’en sortiras jamais. Que la montagne est trop haute pour toi. Que tu n’es pas équipée pour l’affronter. Que tu ferais mieux de tout laisser tomber. Que tu ne vaux rien…

Si tu es rendu là, ce n’est plus juste de la broue dans le toupet que tu as, c’est de la boue dans le cœur, du béton sur les épaules. C’est peut-être le temps de laisser tomber un ou deux engagements avant de te laisser tomber toi-même? Une mise en question de tes priorités, de tes buts à court, moyen et long termes serait sûrement appropriée. Quelques discussions sincères avec ton conjoint, tes parents, des amis de confiance, ton patron, un psychothérapeute… ça semble nécessaire à mettre au programme de ton horaire déjà trop chargé. C’est un choix que tu dois faire.

En avoir beaucoup (trop) sur les épaules, ça peut faire un bout. On passe tous par là. Période de pointe au travail, fin de session à l’école, épidémie de gastro à la garderie, nouveau-né qui pleure toutes les nuits, enfant ou parent hospitalisé : des circonstances peuvent expliquer un rush ponctuel.

Mais attention : si ça devient chronique et qu’on vit constamment sur la corde raide de l’épuisement, ce n’est plus seulement à cause de raisons extérieures. Ça devient une question de choix. Même si on se répète « J’ai pas le choix ». On a toujours le choix. STOP, avant que la vie trouve une façon plus raide de te forcer à arrêter.

Nathalie Courcy



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