J’ai perdu mon bébé…

Nous avons deux filles. Nous les chérissons depuis leur naissance et même bien avant. Sans rentrer dans les détails, nous avons eu huit grossesses pour deux belles filles, exceptionnelles. Je dis « nous », puisque je considère qu’il s’agit d’un exploit d’équipe. Nos deux petits miracles, nous les avons voulus, attendus.

Lorsque ma fille aînée est venue au monde, j’étais le papa le plus heureux sur Terre. Fier comme un paon, j’attendais ce moment depuis un bon moment. Quel sentiment incroyable que de vivre cet instant où l’on met au monde un enfant. J’ai mis mon enfant au monde au sens figuré bien naturellement, mais j’étais présent, soutien incontestable du coéquipier, prêt à tout, même maladroitement, pour faire ce qu’il faut pour aider ma douce moitié pour quoi que ce soit lors de ce moment. La venue de notre belle fille n’a pas été de tout repos lors de ses premiers jours.

J’étais là. J’ai eu le privilège de m’occuper d’elle dès ses premiers instants. Allaitements, biberons, changements de couches, tout le kit qui vient avec un bébé. Notre petite caresse a passé ses premiers jours en confinement dans un incubateur. J’appelais cela « son désert du Sahara ». Après quelques jours, mon épouse a pu avoir son congé, mais pas bébé. Le titan en moi était en furie. Heureusement, nous avons eu un bon médecin qui a autorisé le congé de maman quand bébé serait prêt. Quelques jours ont passé et nous avons pu quitter l’hôpital et nous retrouver dans notre chez-nous avec notre poussière d’étoile, la première venue dans la famille.

J’ai eu l’occasion d’avoir ce beau congé parental avec ma fille puisque mon épouse était travailleuse autonome à cette époque et je ne pouvais lui transférer mes semaines de congé parental. Je crois que c’était au tout début du régime gouvernemental. J’étais déchiré pour mon épouse, mais heureux en silence pour moi. Je n’ai que de beaux et bons souvenirs de ce passage. Merci la vie de m’avoir permis de vivre tout cela.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis cela. Naturellement, j’écourte l’histoire puisque nous avons vécu de beaux moments jusqu’à maintenant avec elle. Lorsqu’elle avait deux ans et demi, ma fille aînée a eu une acolyte qui est venue au monde. Complice du crime, elle pouvait enfin avoir une partenaire pour faire ses folies et ses mauvais coups. Mon bébé fille est né au mois de décembre. On l’appelle notre bébé d’hiver. Elle a toujours chaud, elle aime jouer dehors tout le temps même lorsqu’il fait -1000 degrés, elle est un petit calorifère. À mes yeux, mes filles ont une belle relation de sœurs. Bien entendu, elles se chamaillent, se chicanent et se tombent sur les nerfs à l’occasion, mais je crois qu’il s’agit d’un passage temporaire.

Pour revenir à ma fille aînée, elle est maintenant à l’adolescence. Eh oui, en plein dedans. Je trouve cela parfois difficile en tant que Papa. Pour être franc, les trucs de filles, de femmes, je passe à côté. Je crois que par gêne ou maladresse, ma fille en parle plus avec maman, ce que je respecte et comprends. J’ai une chance immense d’avoir une épouse qui est une maman hors du commun pour mes deux filles. Elles sont entre bonnes mains pour tout ce qui concerne les questionnements d’une jeune fille qui sera, dans quelques années, une jeune femme.

De mon côté, je me sens un peu seul dans mon team, parfois. Le seul sur qui je peux me tourner est notre tortue et même lui, il ne jase pas trop. Ce que j’ai trouvé le plus difficile depuis l’adolescence de ma fille, c’est la fermeture, l’éloignement, les conversations restreintes et moins présentes que nous avions avant. Je me suis rendu compte avec le temps que tout cela était créé par moi et non par elle. Le fait de la voir vieillir m’inquiétait, me faisait peur. Voir grandir son enfant est vraiment superbe, mais chaque étape a son lot de contraintes. J’avais peur qu’elle ne m’aime plus. Que ma place dans son cœur soit réduite. Que les conversations que nous avions soient rendues monotones pour elle. Les sujets plus croustillants sur la sexualité, la puberté, les changements corporels ou autres, que j’avais crainte d’aborder, et bien, je ne les abordais tout simplement pas par peur de la rendre mal à l’aise. Ces barrières entre elle et moi, je les ai érigées moi-même.

Il y a bientôt deux ans, j’ai fait une dépression majeure. Cet évènement m’a permis de faire un arrêt temporaire sur un bobo qui laisse des cicatrices. Personne n’est à l’abri de cela, je dis bien personne. Quelques mois se sont écoulés et je répétais les mêmes erreurs qu’avant : manque d’écoute, opinion arrêtée sur divers sujets et conversations avec ma fille et j’en passe. Par contre, j’avais les outils pour m’en sortir. On grandit, on évolue, chaque jour.

Aujourd’hui, pour ma fille aînée, je m’intéresse, j’écoute et je prends le temps d’une véritable conversation. Je ne réponds pas tout de suite à ses commentaires, paroles ou questions, mais je prends le temps d’y réfléchir. On m’a appris que lorsque l’on écoute quelqu’un et que l’on réfléchit à ce que l’on va répondre pendant que l’autre personne nous parle, il ne s’agit pas d’une réelle écoute active et attentive. J’ai appris que dans l’écoute active, souvent, nous n’avons pas nécessairement besoin de répondre. L’autre personne qui nous parle veut une oreille à l’écoute, simplement.

Ma fille aînée est une jeune fille géniale remplie d’amour, avec plein de qualités et de défauts. Elle me ressemble beaucoup à plusieurs niveaux et je la comprends. Quand elle était plus jeune, j’étais son jouet. Avec le temps qui passe, je suis devenu, pas à pas, un parent aimant à l’écoute et un guide qui l’accompagne sur le chemin de la vie qui peut être cahoteux par moments et magnifique à d’autres heures.

Je croyais avoir perdu mon bébé, mais elle le restera, dans mon cœur de Papa, toute sa vie.

Merci la vie, merci parce que ma fille a choisi d’atterrir dans ma vie.

Elle m’apprend beaucoup sur moi, seulement en étant qui elle est.

Elle me ramène et m’offre un voyage à mes souvenirs d’enfance, seulement en me racontant ce qu’il y a dans sa tête, dans son cœur, ses joies, ses peines. Je me rappelle, moi, il n’y a pas si longtemps…..

Karl Wilky

 



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