L’absence

 Je t’attendais. J’ai compté les jours et les nuits et je t’ai cherché partout, comme pleurait Cabrel. Je t’aurais décroché la lune et les étoiles. C’est ce qu’on dit quand on aime. C’est ce qu’on dit quand on souffre.

 

Tu étais de moins en moins là. Dans ta vie. Avec moi. Tu faisais preuve de présence, mais tu ne t’habitais plus. Tes yeux souriaient rarement. Ton visage ne s’éclairait plus comme le soleil. Comme avant. Avant quoi? Je ne sais pas. C’était différent. Tu survivais. Tu ne vivais plus. La mort t’avait trouvé à quelques reprises. Des humains t’avaient sauvé. T’en souviens-tu?

 

Tu t’es mis à travailler. Beaucoup. À t’étourdir. À ne plus penser. À ne plus souffrir. Je souffrais pour nous deux, car toi tu n’en avais pas envie. Moi non plus d’ailleurs. Mais ça me prenait au corps. Ma peau se flétrissait d’anxiété; l’urticaire m’envahissait tout comme de la mauvaise herbe. J’en avais perdu la voix. Je cherchais mon souffle. À bien y penser, je te ressemblais. J’essayais de survivre à la douleur. Au manque de toi. Je me suis faite belle. Et douce. Et rieuse. Puis après, j’ai crié et j’ai pleuré. J’ai même supplié pour que tu restes.

 

Ça n’a pas marché. Tu es parti.

 

Ce trou béant que tu laisses. Non pas derrière, mais en moi. Ce vide que je devrai apprendre à combler. Par moi. Par ce qu’il me reste. J’y arriverai. Mais pas tout de suite. Je me sens trahie et abandonnée. Des blessures de fin du monde. Des blessures de petite fille pas réglées. Elles me font mal à l’âme. Je me sens vulnérable et trop petite. Je me roulerai en boule, je me saoulerai dans mon salon et je te crierai toutes les bêtises du monde. Je rencontrerai peut-être d’autres hommes qui me rassureront un court moment dans la nuit. Je m’étourdirai.

 

Au final, je ferai comme toi.

 

Je t’ai tant aimé. Je t’aime encore. Je t’aime au corps. Je voulais que tu me choisisses. Être la première et la dernière de ta vie. Ce que j’étais, ce que je suis n’aura pas suffi. Je n’ai jamais été une bonne deuxième. Toujours une bonne première, mais pas pour toi. Je t’ai donc laissé partir. J’ai agité le drapeau blanc. J’ai signé la reddition.

 

L’amour fait du bien. L’amour transcende tout. L’amour fait vivre. Un jour, j’y croirai encore.

 

Isabelle Bessette

                                                                           

 

 

 

 

 



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