L’allaitement rêvé: quand tout se passe bien

Dès le début de ma grossesse, je savais que je voulais allaiter mon enfant. Je ne savais pas combien de temps, mais je savais que je voulais essayer. J’avais en tête que ce n’était pas une partie de plaisir, surtout au début. Des histoires de gerçures, de bébé intolérant et de tétées interminables en tête, j’ai décidé de suivre un cours au centre périnatal de mon coin pour m’aider à comprendre. Déjà cela m’a aidée à démystifier les bases et on m’a aussi transmis des lectures sur le sujet. Je doutais encore un peu dans ma tête : est-ce que je vais voir assez de lait, est-ce que bébé va vouloir de mon lait? Mon chum, lui, était beaucoup plus optimiste que moi : « C’est un bébé, il a besoin de lait, tu as du lait, je ne vois pas ce qu’il y a de compliqué ». Sauf que j’avais en tête tellement de témoignages sur les difficultés de l’allaitement et trop peu sur les belles histoires. J’avais quand même espoir que tout se passe bien et puis si ce n’était pas le cas, je savais que j’allais pouvoir compter sur l’aide des sages-femmes qui assuraient mon suivi ou encore l’aide de ma belle-sœur qui est marraine d’allaitement. Bref, j’étais ambivalente, mais mon désir d’allaiter était bien présent.

 

Bébé est arrivé un soir de pleine lune. On a pris le temps de l’accueillir comme il se doit et quelque temps après sa naissance, il a eu faim. Je lui ai donné le sein et il a bu. Comme ça, facilement, tendrement, sans me faire mal. Il avait l’air d’aimer ça et moi, je n’en revenais pas, c’était confirmé : j’avais du colostrum! Quelques jours plus tard, j’ai eu ma montée laiteuse et je n’ai jamais manqué de lait, bien au contraire. Notre histoire d’allaitement s’est poursuivie tout simplement comme ça. Il demandait à boire, je lui donnais le sein et tout le monde était heureux. Je ne comptais pas les heures, la durée, les fréquences. J’étais simplement là pour lui quand il en avait besoin. On a aussi eu à s’ajuster un peu lui et moi, car j’avais un fort réflexe d’éjection, mais après quelques lectures sur Internet, tout s’est arrangé.

 

Je me souviens que très jeune, bébé avait sa petite routine. Il buvait très rapidement, quinze minutes maximum, puis il se reculait la tête en faisant un sourire et une petite goutte de lait coulait sur sa joue. Par la suite, il reposait sa tête sur mon sein et s’endormait. J’étais fascinée de le voir si paisible et bien comblé. Ajoutez à cela les hormones qui se rebalancent et voilà, j’étais en amour plus que jamais avec mon petit loup.

 

Son papa s’impliquait aussi côté allaitement. Il me supportait à 100 %, amenait bébé au besoin et prenait bien soin de m’apporter tout ce dont j’avais besoin lors des périodes d’allaitement plus intenses. Vous savez, ces périodes où j’avais l’impression, pas tellement fausse, de ne faire que ça de ma journée. Verre d’eau, téléphone, collation, émission de télé : mon conjoint m’aidait à être confortable dans mon cocon d’allaitement. Il me disait qu’il m’aimait, que j’étais une bonne mère, que notre fils était chanceux de m’avoir. Toute cette tendresse me permettait de garder le cap dans les moments plus difficiles comme les poussées de croissance ou les tétées groupées.

 

Même les nuits, étrangement, j’adorais nourrir mon enfant. Il n’y avait que lui et moi dans la pénombre, un moment privilégié où je sentais que j’étais là où il le fallait quand il le fallait. Je dois dire que côté sommeil, j’ai été gâtée les premiers mois. Dès sa naissance, bébé a bien fait la distinction entre le jour et la nuit. À trois semaines, il dormait déjà des sept heures en ligne, me permettant de bien me remettre de mon accouchement. Par contre, à partir de ses quatre mois, il a connu une période intense de régression côté sommeil, qui s’est poursuivie jusqu’à ses deux ans. Mon bébé qui faisait ses nuits depuis longtemps s’est mis à se réveiller aux deux heures. L’allaitement m’a permis de bien récupérer lors de ces périodes. J’ai découvert l’allaitement en position couchée et je dois dire que ça nous a bien sauvés. Lui et moi pouvions dormir beaucoup mieux et plus longtemps. Le manque de sommeil était difficile quand même, on s’entend, mais au moins, je pouvais me rendormir avant même qu’il termine sa tétée. J’assurais aussi les nuits seules puisque bébé voulait le sein; par contre, son père prenait la relève le matin venu.

 

Le temps a passé, mon bébé devenait grand et autonome. Notre histoire d’allaitement s’y est adaptée. Au départ, bébé n’avait même pas besoin de pleurer pour que je reconnaisse sa faim. Autour de deux mois, il était capable d’attendre quelque temps avant de recevoir son lait, puis au fil du temps nous sommes passés d’un allaitement à la demande à un allaitement à l’amiable, c’est-à-dire que l’allaitement était beaucoup plus réciproque et tenait compte de mes besoins comme des siens. Il faut dire qu’à ce moment sa survie ne dépendait plus de mon lait puisqu’il mangeait aussi. Je ne lui offrais plus systématiquement le sein, j’attendais qu’il me le demande et je me permettais de dire non si cela m’incommodait. Au fil du temps qui passait, je voyais que l’allaitement suivait aussi son développement affectif. Il buvait moins souvent, moins longtemps, et comprenait que j’avais aussi des besoins, que tout ne tournait plus autour de lui maintenant qu’il grandissait. Il apprenait que j’étais une personne distincte de lui et que j’avais mes propres besoins.

 

C’est comme ça, doucement, qu’un boire à la fois, nous avons continué l’allaitement. Je ne croyais jamais dire ça, mais finalement, notre histoire d’allaitement a duré deux ans, 25 mois pour être exacte. Si vous m’aviez dit avant que je devienne mère que j’allaiterais mon enfant jusqu’à deux ans, j’aurais probablement ri. Même s’il s’agit de la recommandation officielle de l’OMS (allaitement exclusif jusqu’à six mois, puis compléter l’allaitement avec la nourriture solide jusqu’à deux ans ou plus), il y a encore beaucoup de chemin à faire pour démystifier l’allaitement non écourté. On voit peu d’exemples dans notre quotidien, j’avais moi-même des préjugés sur le sujet. Sauf que même si le temps passait, je sentais que je faisais encore la bonne chose pour lui, je sentais qu’il en avait besoin et que cela n’empêchait en rien son développement de se poursuivre sainement, bien au contraire. Dans notre cas, c’était ce qu’il y avait de mieux.

 

Autour de deux ans, je sentais que la fin arrivait. À ce moment, il ne restait que les boires pour l’endormir. Son père et moi l’avons bien préparé et avons discuté avec lui de la fin « du lait de maman ». Lui-même était d’accord et voulait maintenant apprendre à s’endormir seul. La première nuit a été plus difficile, mais quand même beaucoup mieux que je croyais, puis il n’a plus jamais repris le sein.

 

Voilà que notre histoire d’allaitement est maintenant terminée et j’en garde un excellent souvenir. Bien évidemment ça n’a pas toujours été facile, j’ai été fatiguée, j’ai parfois eu l’impression qu’il allait téter jusqu’au cégep, j’ai été découragée, épuisée. Honnêtement, avec le recul, je crois que ça relève plus des conséquences d’être une mère que de l’allaitement en tant que tel. Aussi, ces périodes plus difficiles valaient vraiment la peine d’être surmontées quand je regarde l’ensemble du récit.

 

Pour moi, l’allaitement a été une super occasion d’apprendre à connaître mon bébé, de m’arrêter pour l’observer, de le découvrir. J’avais l’esprit tranquille, car je savais qu’il avait tous les nutriments dont il avait besoin pour grandir. Au-delà de ça, je lui fournissais aussi un repère de sécurité et de tendresse, le jour comme la nuit. Cela a contribué à forger un lien bien fort entre nous. Il savait qu’il pouvait compter sur moi.

 

J’écris notre histoire, car je veux signifier qu’il est possible que tout se passe bien dès le début. Si ce n’est pas le cas, il existe plusieurs ressources : centre périnatal, marraine d’allaitement, halte allaitement du CLSC, conseillère en lactation, IBCLC, etc. Malgré les ressources, je sais que des mamans ont essayé fort sans que cela fonctionne et je sais aussi que certaines, par choix, ont écarté l’allaitement au sein. Tout ça est évidemment bien correct aussi. Personnellement, l’allaitement a sauvé mon sommeil et ma santé mentale jusqu’à un certain point et non l’inverse. Est-ce que je crois que l’allaitement a permis de favoriser le lien d’attachement avec mon bébé? Oui. Est-ce que je crois que l’allaitement est nécessaire pour la création d’un tel lien? Non. Chacun sa vie, chacun son chemin.

 

D’ailleurs, lorsque j’ai interpellé les collaboratrices de MFMC pour connaître brièvement leur expérience avec l’allaitement, voici ce qu’elles avaient à confier :

 

« J’ai allaité deux ans chacun de mes enfants! Sans me cacher! Liberté! Pas de biberons, pas de tracas et des enfants jamais malades! »

 

« Bébé allaité onze mois. Sevrage hyper progressif sur sept mois. Facile, facile! »

 

« Bébé 1 : Difficultés d’allaitement. Ma grande est née avec une anoxie cérébrale, septicémie, deux pneumothorax… Le séjour à l’hôpital a été difficile sur l’allaitement puisqu’elle a été gavée pendant une bonne période. De retour à la maison, je me suis pris une marraine d’allaitement. Avec son aide, j’ai réussi à allaiter dix-sept mois…

 

Elle s’est sevrée par elle-même puisque j’étais enceinte de mon deuxième.

 

Mon Bébé 2 est né préma de 25 semaines. Donc il a été gavé de mon lait maternel. L’allaitement n’a pas fonctionné, entre autres parce qu’avec bébé 1 qui n’allait pas à la garderie et la longue route entre la maison et le RoyalVic/Children, je n’ai pu aller voir mon bébé 2 qu’une journée sur deux. Donc aucune assiduité pour l’aider à téter. J’ai donc fait du tire-allaitement pendant neuf mois. Il a eu du lait maternel durant ces mois-là et j’en suis bien fière. Ça reste un allaitement malgré tout. »

 

Premier bébé : cinq mois

Deuxième : dix mois

Troisième : six mois

J’ai adoré mes expériences, c’était mes moments de tranquillité avec mes enfants.

 

J’ai allaité onze mois, elle a décidé d’arrêter par elle-même quand elle a commencé la garderie. Mon expérience : cauchemardesque au début, elle perdait trop de poids et mes mamelons étaient à moitié arrachés (désolée du détail dégueu), mon médecin voulait envoyer ma fille à l’hôpital, mais elle m’a fait confiance et je suis allée la voir tous les jours pendant deux semaines. Ma production n’augmentait pas assez pour les besoins de ma fille. J’ai donc pilé sur mon orgueil et j’ai fait l’allaitement mixe avec de la formule. Après, j’ai adoré mon expérience. Quand je vois les autres mamans allaiter, j’ai un petit moment de nostalgie du lien qu’il y a durant ce temps-là. 

 

Je n’ai pas allaité! Aucune de mes trois filles. Je n’étais pas à l’aise avec l’allaitement, mais les mamans qui allaitent ont toute mon admiration!

 

J’ai allaité pendant qu’on était à l’hôpital. Les seins en sang malgré le fait que je donnais bien le sein m’ont fait abandonner, je souffrais chaque fois. La deuxième fois, même chose. La troisième ne me faisait pas mal, mais mon lait ne sortait pas. L’infirmière m’avait dit que c’était la fatigue (ma deuxième avait seulement quatorze mois). Le seul moyen de me faire sortir du lait était de me plonger dans un bain chaud. Bref pour ma part, la douleur était tellement intense que je n’éprouvais aucun plaisir.

 

Je n’ai pas allaité mon premier du tout. La raison : je devenais agressive quand on me touchait les seins. Je détestais cela, même sexuellement. Le deuxième, j’ai tenté. Après vingt-quatre heures, mon fils pognait les nerfs à n’en plus finir, alors j’ai décidé de donner le biberon à lui aussi. Le doc m’a dit, un peu plus tard que mes mamelons sont trop plats, probablement. ET là pour le troisième, je suis en questionnement. J’ai vraiment aimé le fait qu’avec le biberon, je ne suis pas seule à m’occuper de ce côté-là. Que si mon bébé boit quatre fois dans la nuit, je n’ai pas toujours à me réveiller. J’ai aimé le fait que je ne me sentais pas jugée à l’hôpital puisque je n’allaitais pas. Puis mes enfants sont en parfaite santé, même quand ils étaient bébés. Voilà mon histoire.

 

Quatorze mois avec une téterelle.

 

Magique. Formidable. J’ai allaité mes trois filles en moyenne huit mois chacune.

 

J’ai allaité mon aîné un gros cinq jours. Pas de montée de lait, bébé qui perd du poids, panique générale : envoie la grand-mère acheter de la préparation et des biberons! Je n’ai jamais eu de montée de lait. J’aurais aimé allaiter, mais ce n’était pas primordial pour moi. Je me suis battue longtemps pour fabriquer mes enfants, j’avais décidé que si l’allaitement ne fonctionnait pas, je ne me battrais pas contre mon corps cette fois-ci. Mais j’avoue que ça m’a fait un gros pincement quand même, que ça non plus, mon corps ne veuille pas le faire.

 

J’ai allaité mes jumelles douze heures. Je n’arrivais carrément pas à les placer au sein, rien à faire! J’ai essayé de tirer mon lait à l’hôpital, on arrivait à 1,5 ml aux trois heures… à diviser en deux bébés! Go pour les biberons, sans aucune miette de culpabilité, ça a bien fonctionné pour le premier. (Veuillez noter que j’ai dû placer la langue de ma première puce autour de la tétine de son biberon à l’aide de mon petit doigt pendant près de huit mois! Ça a grandement ajouté à ma non-culpabilité de m’être sauvée de tout ce trouble après coup.) Je n’ai jamais eu de montée de lait.

 

Mon petit dernier : non-allaitement parfaitement assumé, j’ai les mamelons plats, des seins immenses, des problèmes hormonaux et je n’ai pas eu de montée de lait à mes deux derniers accouchements : infirmière, apportez-moi un biberon! Sauf que… huit jours post-accouchement… méga montée de lait! Dans un seul sein, mais quand même, y’avait du lait! Mets bébé au sein le plus possible (complété avec un biberon parce que je ne fournis pas), je tire mon lait entre chaque tétée. Je ne fournis pas du tout, en une journée, j’arrive à tirer 15 ml. Mon bébé buvait 90 ml aux 1 h 30 à trois jours, y’a comme un sérieux manque à combler. Au bout de trois jours, j’arrive pour le boire de nuit : plus une goutte! Mon sein est complètement dégonflé, y’a rien, rien, rien! Rien non plus le lendemain, c’est fini. J’ai ragé contre mon corps qui avait envie de me faire de faux espoirs sur un truc que j’avais complètement mis de côté dans ma vie. Mais j’ai aussi fini d’accepter complètement que je n’aie tout simplement pas allaité aucun de mes enfants… et que ce n’était pas grave pour autant.

 

Parce que, même si le lait maternel est indéniablement l’aliment le plus adapté au bébé humain, l’important, c’est de les nourrir et de les aimer, ces bébés-là! Et surtout, il est bon de se rappeler que, même si l’allaitement favorise le peau à peau, le biberon ne l’empêche pas, bien au contraire!

 

À ma première : trois semaines. Ma fille est née et elle ne tétait pas. Juste avant de quitter l’hôpital, l’infirmière d’expérience lui a mis un doigt dans la bouche et elle a commencé. Par contre, elle ne prenait pas comme il faut, les premiers temps je devais utiliser une seringue. Ma fille dormait beaucoup. Tellement qu’il fallait que je la réveille (ça me prenait 1 h), essayez de la faire boire, me décourager et aller me recoucher pour ensuite mettre un cadran et recommencer. Après trois semaines, j’étais engorgée, une mastite arrivait, fièvre, je pleurais quand je l’allaitais tellement ça faisait mal. J’ai regardé mon chum et j’ai dit : « Go à la pharmacie chercher des biberons, je ne suis plus capable. » Il lui a donné un biberon, elle a bu en championne, on s’est séparé les nuits, la joie était revenue!

À mon deuxième : trois mois. Il buvait bien, mais je ne suis pas quelqu’un qui adore les grosses chaleurs l’été. On avait de la visite pendant quelques jours à la maison, une canicule, pas d’air conditionné et j’ai arrêté : je ne m’endurais plus. J’ai continué de tirer mon lait quelque temps. 

  

Roxane Larocque



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