Le dernier voyage

Mon grand-père a rendu l’âme il y a deux étés, entre la démence le matin et la super-intelligence le soir. Il est décédé en paix, prêt pour un autre voyage, fidèle à ses habitudes de nomade. Il fait partie de ceux qui ont quitté, voire fui l’après-guerre en France pour vivre le fameux et inexistant rêve américain. L’Amérique, c’était nous. Nous allions devenir sa famille, sa lignée, son Canada.

Puisqu’il nous a quittés pendant l’été et que certains membres de la famille étaient absents, ses enfants ont décidé d’attendre l’arrivée de tous pour disperser ses cendres. Avec l’accord de ma grand-mère évidemment, qui venait de perdre son compagnon de vie et de voyage. Il fallait au moins faire un petit quelque chose. Il n’y avait eu aucune cérémonie, pas d’exposition, pas de chansons. C’est avec une impression de « que cé qu’on fait icitte » que nous nous sommes tous retrouvés par une grande journée d’automne sur la rive nord près de sa résidence, qui ne représentait pas même le dixième de sa vie. Ma pauvre grand-mère en peine le voulait près de l’eau pour lui rappeler le chalet qu’ils avaient eu et où ils avaient vu leurs enfants grandir. C’est  loin d’un moment magique et calme, sans les pieds pendants au bout du quai, sans flafla, que nous avons marché dans le petit sentier qui nous a menés à un endroit ordinaire, loin des grands chants harmonieux de l’église qui ouvre le ciel en deux.

Avant d’aller plus loin, je dois mentionner que mon grand-père était aimé et aimant. Pas des plus démonstratifs, mais il a su prendre soin de sa famille. Ce n’est pas par débarras que ses proches ont décidé de lui dire au revoir près d’un fleuve inconnu, mais plutôt par manque de choix. Grand-papa aimait les livres et les voyages. Sa vie était en quelque sorte dans la nature, comme ses vieux jours dans son chalet. Il était parfois plus près des éléments naturels que des humains. Plus près du bois de son chalet qui craquait et vieillissait au même rythme que lui, il était maintenant mort et dans l’air. Nous étions réunis à un endroit léger qui le représentait bien et ça allait à tout le monde comme ça. On le voyait tous planer d’un continent à l’autre à la recherche des meilleurs vins et fromages du monde. Une image qui rendait ma grand-mère heureuse, avec une certaine envie qui la travaillait d’aller le rejoindre déjà. Il fallait donc que son dernier repos reflète sa vie. Et même si le choix de disperser ses cendres s’est imposé de lui-même, je dois avouer qu’un certain flou subsistait dans nos têtes… Était-ce même permis de le faire? En fait, j’ai appris récemment qu’Alfred Dallaire Memoria offre, depuis quelques années déjà, d’accompagner les familles ayant choisi la dispersion. Ils ont même ouvert, cet été, un jardin dédié à la dispersion des cendres tout près de la résidence pour personnes âgées où habitait mon grand-père! C’est un magnifique jardin d’arbres et de fleurs, où coule une fontaine et où ma grand-mère aurait certainement aimé se recueillir.

Mais, nous voilà donc en cercle avec une musique classique grinçante qui s’étouffe sous le bruit des feuilles au sol. On se passe l’urne de mains en mains, ne sachant pas trop quoi faire. Ma tante, propose donc à chacun de prendre une pognée de cendres et de la lancer au sol de façon symbolique. L’endroit devait sûrement être plus important pour le dernier chien passé par là que pour nous. J’avais l’impression d’enterrer mon hamster. Mon père, aîné de la famille, s’est lancé en premier avec une bonne vieille blague de poudreuse. Ses frères et sœurs ont suivi. Ma pauvre grand-mère en peine a pris une belle grosse poignée qui s’est retrouvée partout sur elle avec le coup de vent. Les passants qui marchaient dans le parc auront ramené un peu de mon grand-père chez eux. Ils nous regardaient tous d’un air étrange, compatissant, intrigué.

Bref, la cérémonie s’est terminée avec un regard sur l’eau ou plutôt sur l’horizon et le sourire aux lèvres ; c’est la façon de notre famille de surmonter les étapes plus difficiles. C’est particulier, mais c’est nous. Un peu tout croche, mais avec plein d’amour, nous avons tourné la page de la belle vie remplie de mon grand-père. Ma grand-mère était triste évidemment, mais sereine et contente. Le plus important, c’était de nous savoir tous là. Coquette comme elle est, elle a même su trouver particulièrement joli le brillant que les cendres de mon grand-père laissaient sur son pantalon noir.

Ma grand-mère nous a quittés il y a deux semaines, entourée des siens, après que nous ayons tous pu venir lui dire au revoir. Elle est partie rejoindre son amoureux.

La cérémonie a eu lieu le 24 juin, chez mes parents, dans la cour arrière. Nous avons été bien chanceux qu’il vente un peu moins.

Pour ceux et celles qui souhaitent réaliser la dispersion des cendres d’un proche, Alfred Dallaire MEMORIA offre son expertise et sa sensibilité afin de vous accompagner selon vos souhaits dans un lieu qui vous est cher. D’ailleurs, pour répondre encore mieux aux besoins des familles, l’entreprise vient d’inaugurer son tout nouveau Jardin des mémoires qui permet des rituels de dispersion et des cérémonies anniversaires dans un lieu dédié où il est possible de laisser une trace et de se recueillir en toute saison. Pour plus d’info : Jardin des mémoires – Alfred Dallaire MEMORIA



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