Les réseaux antisociaux

Aujourd’hui, j’m’inquiète pour l’avenir de mes héritiers. Un peu. Philosophiquement parlant, on s’entend. Disons que c’est difficile pour moi, comme pour beaucoup d’entre vous, d’imaginer le monde dans lequel nos enfants vont évoluer plus tard.

Aujourd’hui, j’m’inquiète pour l’avenir de mes héritiers. Mais d’une chose en particulier : le futur du contact humain. De nos jours, on texte, on « courrielle », on gazouille, on achète en ligne, on « guichet-automatique », on commande à l’auto…on fait tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter l’autre. En fait, j’me rends compte que dans une journée type, je parle avec beaucoup de monde sans jamais les voir en personne. Tout ça, soit disant pour aller plus vite. Est-ce dire que rencontrer des gens et échanger avec eux est synonyme de perte de temps?

Si, aujourd’hui je m’inquiète de ça, c’est que toute cette technologie si souhaitée à l’époque s’est développée très rapidement et pourrit nos vies depuis environs vingt ans. Vingt ans, c’est très court. Et si ça continue d’avancer à cette vitesse-là, si on continue de se refermer sur soi-même, j’ai peine à croire que mes enfants vont vivre dans un milieu sain où l’entraide et la compassion feront partie de leurs valeurs profondes.

Je m’inquiète parce que j’ai l’impression qu’aujourd’hui plus tu comptes d’amis Facebook, plus t’es seul au fond. Parce qu’on est tellement branché sur nos réseaux antisociaux qu’on ne différencie plus la vraie vie de la vie virtuelle. Est-ce que celui qui flashe son 5 km de course sur Facebook est plus performant que celui qui n’en dit pas mot? Est-ce que ton repas goûte meilleur que le mien parce que tu le montres à tout le monde sur Instagram? Est-ce que tes enfants sont plus « cutes » que les miens parce que tu les exposes sans arrêt (et sans leur consentement!) sur le web? Et que dire de ceux qui se plaignent publiquement sur Internet dans le but qu’on s’intéresse à eux et qu’on les rassure?

Aujourd’hui, j’m’inquiète pour l’avenir de mes héritiers. Parce qu’aujourd’hui ce qui importe, c’est le nombre de clics, le nombre de « j’aime », le nombre d’amis. Et ça devient notre fierté; on essaie même de battre le compte de l’autre. Le but des jeunes c’est d’être connus, d’être lus, d’être vus par le plus d’inconnus possible. Et pour ça, ils sont prêts à tout. Des plus grands exploits aux plus grandes bassesses.

La vie n’est pas un concours de popularité. La vraie richesse n’est pas monétaire et n’est pas virtuelle non plus. Elle est humaine. Des amis, ça ne se cache pas derrière un clavier et des émoticônes pour prendre soin de toi. Ça se déplace, ça prend un verre, ça prépare un souper, ça écoute. Ça vit! Je sais qu’en fin de compte, c’est un problème terminologique; on ne devrait pas utiliser les mots « sociaux » et « amis » mais plutôt « virtuels » et « suiveux ». Moi, j’ai 721 suiveux sur Facebook, le réseau virtuel. On dirait que ça replace les choses. Non?

Je ne vous balance pas tout ça pour vous faire la morale; je fais exactement tous les comportements que je dénonce. Et j’en suis bien triste. Si j’en étais capable, je me débrancherais complètement de tout ça. Je suis nostalgique des répondeurs à cassette, des fax et des cartes postales. Je reviendrais avec joie aux temps où l’on n’était pas toujours disponible partout en tout temps. On n’avait pas peur de manquer quelque chose et quand on voulait prendre des nouvelles de quelqu’un, on l’appelait ou on allait le voir. Mais la vie tourne et on doit suivre la parade si on souhaite avancer avec elle. Mais où va-t-elle? C’est ce qui, parfois, m’inquiète. Mais ce que nous pouvons faire pour nos enfants, chers parents-lecteurs, c’est d’au moins leur montrer qu’ils sont plus importants que la dernière vidéo de chat diffusée sur YouTube; que leur demande d’amitié passera toujours devant celles de gens qu’on croise une fois aux années bissextiles. Quand vous rentrez à la maison, le soir, fermez donc vos téléphones et consacrez-vous entièrement à vos flos; ce sera bien plus bénéfique qu’être le premier à cliquer « j’aime » sur la photo de vacances de votre ami d’enfance que vous ne voyez plus depuis le secondaire.

Maintenant, je vous invite à partager ce texte sur vos réseaux; je serais ravi qu’il soit lu par un plus grand nombre de personnes que le plus récent billet d’Étienne Boulay. 😉



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