Ma fille, mon miroir
Ma belle grande fille,
Déjà, quand tu étais si petite, tu avais ces traits de caractère bien à toi. Certains diront que tu as toujours été dure d’approche, difficile à comprendre, super réservée, une vieille âme, une enfant plus capricieuse, etc. Mais tu as toujours choisi les personnes avec qui tu voulais être, celles avec qui tu te sentais rassurée. Si mini, avant même de parler et de marcher, tu étais habitée par plusieurs insécurités. «Bah, ça va passer, ce sont des phases», que j’entendais et que j’entends encore souvent. Mais non.
Il y a toutes ces petites choses en toi, qui font que tu es toi. Mais tu as aussi cette volonté de fer qui t’habite et cette conscience particulière.
À peine à quatre ans, tu me disais: «Moi j’aimerais ça être comme mon frère et ne plus être gênée. Je n’aime pas ça, moi, être gênée. Ça me fait de la peine.»
Tu évites trop souvent de demander de l’aide aux autres tant c’est angoissant pour toi. Alors tu as vite compris que c’était plus facile de tout faire toi-même. Maman le sait que depuis que tu es toute petite, tu as de grandes peurs. Et maman le sait qu’elles sont réelles ces peurs.
Mon amour, après avoir tellement lu sur le sujet, après avoir essayé par tant de moyens, j’ai dû demander de l’aide. Ouf… ça, ça a été dur pour la maman-Germaine-habituée de tout régler elle-même que je suis. J’ai pleuré, mais je l’ai fait. Je voyais bien que tes peurs grandissaient toujours et que tout devenait plus difficile. Même pour toute la famille, ça devenait compliqué. Cette année, tu as commencé l’école et en dedans de moi, il y avait une petite voix qui me criait que je devais t’aider à affronter tout ça, à affronter cette vie sans maman toujours à tes côtés.
Des changements, tu en as vécu plus qu’à ton tour. Notre vie folle des dernières années ne t’a pas aidée, ma pauvre poulette. Mais c’est aussi ça la vie, parfois : c’est fou. Je te l’explique avec des mots différents quand on se parle toi et moi, mais ton petit corps et ta tête sont envahis par ce qui s’appelle « l’anxiété ». Mélangée à tout ça, il y a aussi l’hypersensibilité, mais ça, on s’en reparlera. C’est inscrit en toi, ça fait partie de toi. Et il paraît que ce n’est pas le voisin qui t’a transmis ça. Plus je travaille fort pour t’aider, plus ça me pète en pleine face. Maman est si désolée, ma cocotte.
Je sais ce que c’est que d’avoir peur, et surtout, de ne pas les aimer, ces peurs-là. Qu’à la place, on essaie de tout contrôler pour les éviter.
Je le sais qu’on est faites fortes, tout le monde nous le dit, mais qu’en dedans, on se sent souvent tellement petites et faibles. Je n’avais jamais réalisé, avant, à quel point je portais ça en moi. Plus je te vois grandir, plus je sais dans quel monde je t’envoie.
Plus je comprends, aussi, certains de mes comportements. Et surtout, quand je te vois, je le sais tellement comment ça peut faire mal en dedans. Pour devoir t’aider convenablement, mon amour, j’ai dû et je dois encore me faire face à moi-même. Être maman, c’est aussi ça : voir notre reflet à travers notre enfant.
C’est admettre qu’on est imparfaites et nos enfants aussi. Parfaitement imparfaits.
Mais aussi, je suis tellement reconnaissante. Me faire face à moi-même, c’est un cadeau difficile, mais un cadeau précieux.
Être maman, c’est avoir la chance d’essayer de devenir une meilleure personne de jour en jour, pour toi, pour tes frères, pour papa, mais aussi, pour moi.
Merci d’être toi.
Merci de m’avoir choisie comme maman.
Merci d’être aussi merveilleuse.
Ensemble, on va continuer à travailler fort.
Ensemble, on va continuer à apprendre.
Caroline Gauthier