On coupe dans le gras !
Quand j’étais petite, je chantais innocemment « Mon corps, c’est mon corps, ce n’est pas le tien ! » Parce que c’est MON corps, il ne regarde que moi. Si JE décide que tu n’y touches pas, tu dois me respecter. Si JE décide que mon corps est parfait comme il est, tu n’as pas à dire le contraire, sauf si tu es médecin et que tu veux mon bien (et que tu le dis bien). Et quand JE décide que mon corps me donne des complexes et que j’ai tout fait pour l’améliorer sans y parvenir, J’ai le droit de choisir la méthode forte : la chirurgie.
C’est ce que j’ai fait il y a deux ans. Jusqu’à mes trente-cinq ans, j’avais un métabolisme hyperactif qui brûlait plus que ce que je consommais. Pendant chaque grossesse, j’ai pris entre quarante et soixante livres. Pis pas en muscles, je vous le dis ! J’ai perdu tout ce poids comme une grande, sans régimes, juste (ne voyez pas en ce « juste » que c’était facile ! Ça m’a demandé des efforts et de la volonté) en mangeant sainement et en bougeant, et en accouchant ! Fierté. Jusque-là, la chirurgie esthétique n’était pas dans mes plans. Mais la bedaine et les seins y ont goûté. J’avais déjà des vergetures depuis l’adolescence, mais là, en plus, j’avais la peau molle, attirée avec beaucoup de conviction vers le centre de la Terre.
Je me suis informée : sites Internet des cliniques, personnes qui étaient passées par là, forums de discussion où je pouvais trouver des opinions honnêtes sur la chirurgienne que j’avais en mire. J’ai économisé. Ce n’est pas donné, une abdominoplastie et un redrapage des seins ! Mais bon. Je ne bois pas, même pas du café. Ma voiture date de 2009. Je ne mets pas la moitié de mon budget dans des cigarettes ou des restaurants. Donc, si on fait le calcul et qu’on s’y prend d’avance, avec un emploi stable et un peu de serrage de ceinture, on peut y arriver. 20 000 beaux dollars.
J’étais nerveuse de rencontrer la chirurgienne, mais je n’ai eu aucune surprise. Les interventions, les prix, la période de convalescence, les accessoires à acheter pour soutenir la peau découpée et recousue : tout était fidèle à ce que j’avais appris en faisant mes devoirs de recherche. Deux mois après, j’étais couchée sur la table de chirurgie. « Madame, vous semblez vraiment, vraiment calme ! Avez-vous des inquiétudes, des questions ? » Non. Je savais ce que je faisais. J’étais en santé. J’avais presque un mois de congé devant moi pour m’en remettre. J’avais attendu ce moment de retrouvailles avec mon corps si longtemps, j’étais prête. À moins de complications difficiles à prévoir, je me réveillerais avec un ventre et une poitrine très enflés, bleu-noir-mauve, des cicatrices à protéger, des sous-vêtements pas sexy pantoute à porter non-stop pendant au moins quatre à six semaines. Et contente de l’avoir fait.
L’opération a été un succès. J’ai récupéré rapidement. Mon mari a beaucoup aimé la version FFF de mes seins accrochés en dessous du menton (le temps que ça désenfle… parce que oui, messieurs, ça finit par dessouffler pour retrouver la taille voulue). Si ça avait été sa décision, il n’aurait pas fait l’opération. Il me répétait souvent qu’il me trouvait belle, peu importait la taille de mon ventre ou de mes seins et les vêtements que ceux-ci me permettaient de porter. Mais ce qui m’a surtout touchée, c’est qu’il a respecté ma décision. Il a vu que j’avais prévu les finances et mes congés pour que mon opération ne nuise pas à la famille.
Quand il est venu me chercher à la clinique le soir, il était très amoureux. Il était content de me retrouver. Il était aux petits soins avec moi, tout comme les enfants, sans me traiter en handicapée. J’ai dormi quelques nuits sur le divan inclinable du salon, puis j’ai pu retrouver mon homme dans notre lit, dans notre chaleur. Aujourd’hui, j’ai du gras de bedon et sur les hanches et je regrette de ne pas avoir insisté pour diminuer mes seins d’une taille pendant que c’était le temps. Mais le résultat est là. Mes mamelons n’embrassent plus mon nombril quand je me débrassière (vous savez, ce moment libérateur ?!). Le muffin top est beaucoup moins proéminent quand je porte des pantalons à taille basse (il paraît que cette merveilleuse mode [grrr…] est en train de faner). Je ne porte pas plus de bikini qu’avant parce que ce n’était pas mon but. Mais je suis plus à l’aise avec mon corps. Mon corps ressemble plus à celle que je suis en dedans. Et quand je m’entraîne et que je mange sainement, je sens qu’il y a un espoir réel d’avoir l’air d’avoir des abdos !
Et si un jour, je doute que ça a valu la peine, je vais rouvrir les photos du CD avant-après que la clinique m’a remis. Ça devrait faire disparaître les doutes assez vite. La chirurgie n’a pas fait disparaître tous les complexes et j’utilise encore une culotte rafermissante quand je porte une robe ceintrée. Mais pour moi, ça a fait comme l’épilation au laser: ça m’a enlevé l’obsession quotidienne de mon corps.
Eva Staire