« Un papillon s.v.p. »

J’aime aller à l’épicerie avec les enfants. J’aimerais dire que c’est parce qu’on en profite pour nommer les différents fruits et légumes et discuter des saines habitudes alimentaires, mais la vérité, c’est qu’ils offrent des collations gratuites. Bref, ma plus jeune de quatre ans est trop occupée à manger et elle a moins l’envie de fuguer dans les rangées. La semaine dernière, je l’amène avec moi dans une épicerie que je ne nommerai pas. Mais pour vous aider à vous situer, c’est une épicerie où tout se vend en format géant et où ils vous cartent à l’entrée.

Chaque fois qu’on y va, ma fille attend impatiemment son moment préféré, celui où elle remet la facture pour que le commis la vérifie à la sortie. À chacun son passe-temps favori, ne la jugez pas. Chaque fois, à la caisse, elle s’empare de la facture en vitesse et la garde en sûreté jusqu’à la sortie. Devant la porte, elle la remet au commis avec une grande fierté. La plupart du temps, le commis la trouve adorable et prend une seconde supplémentaire pour dessiner un bonhomme, un cœur ou un sourire sur la facture avant de la lui remettre.

Cette semaine, ma fille anticipe son petit bonheur et me demande, tout sourire : « Maman! Penses-tu que la madame à la sortie va me faire un beau dessin sur la facture? La dernière fois, le monsieur m’a dessiné un bonhomme! » Elle est pleine d’espoir. Je lui réponds que je ne le sais pas, mais que si elle lui demande gentiment, peut-être qu’elle acceptera. Je sais bien qu’il n’y aura même pas de file d’attente à la sortie, en plein après‑midi de semaine.

On paie l’épicerie. Ma fille de quatre ans s’empare de la facture. Elle la presse dans ses petites mains et trépigne d’impatience. Comme je l’avais prédit, il n’y a pas un chat en file. Elle tend la facture à la dame devant la sortie et lui demande poliment si elle peut lui dessiner un papillon. Elle lui offre son plus beau sourire pour la convaincre.

Sauf que. La dame. C’était clairement pas sa meilleure journée. Elle avait l’air bête et je la soupçonne d’avoir fait la sourde oreille. Elle a pris la facture, fait un trait sec dessus et l’a redonnée rapidement à ma fille.

J’ai regardé mon enfant de quatre ans. J’anticipais la peine qui allait monter dans ses yeux et la déception qui allait apparaître sur son visage. Et là, ma fille a fait la seule chose à laquelle je ne m’attendais pas. Elle a regardé la facture, puis la dame. Elle lui a lancé un grand sourire et lui a dit, sur le ton le plus encourageant du monde : « Wowww madame! Vous êtes VRAIMENT bonne pour tracer une ligneeeee! Bravo madame! Merci! ». Et elle a quitté l’épicerie, satisfaite.

Ce jour-là, ma fille de quatre ans m’a donné une maudite belle leçon de vie. Parce qu’elle se contente de ce qu’elle a et trouve du bonheur partout. Pis des fois, au lieu de se complaire dans nos petits malheurs, on devrait aussi arriver à voir ces petites joies du quotidien. Et si on regardait la vie avec les yeux d’un enfant de quatre ans?

Joanie Fournier



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