Pensées multicolores — Texte : Audrey Boissonneault

Jour 589 ; 3 h 57.

Encore des minutes à retirer à mon sommeil « réparateur ». Les guillemets prouvent à leur façon l’ironie de la réelle signification qui, en fait, se retrouve à jongler par ci et par là, en compagnie de cauchemars ou bien des rêves sans aucun bon sens.

J’ai cherché pour comprendre, trouver d’où tu sors. Foutu problème à dormir. Foutue tête qui n’arrête jamais de ramoner chacune des pensées qui s’y trouvent.

Jour 590 ; 1 h 16

C’est parti pour une autre nuit. Les yeux fixés à mon plafond, j’essaie d’ignorer le feu qui prend forme au bas de mon ventre. Je n’arrive même plus à différencier l’inspiration et l’expiration. Mon souffle est si rapide, mais si faible à la fois. Malgré la froideur de ma peau, aucune couverture n’arrive à rester sur celle-ci. Les tremblements ainsi que les mouvements brusques l’amènent loin de moi.

THEARTIDOTE | ARTWORK BY @PEDROTAPA.

Jour 591 ; 2 h 4

Je me revois petite fille souriante, gênée, mais sans une once de stress qui parcourait son esprit, au fil des journées. Le temps filait et les problèmes s’ajoutaient jusqu’à ce que le trop-plein soit arrivé, puis tout déboulait. Pas un ou deux ni trois. Parfois, dix à la fois. Les yeux remplis d’eau, la courbe de mon sourire s’abaissait tout comme mes fossettes.

Jour 592 ; 0 h 47

L’intérieur de mon corps est victime de violentes secousses. On annonce à mon oreille une dure tempête dans les heures à suivre. Quatrième journée de la semaine et aucune nuit sobre de douleurs psychologiques. Épuisée, de toutes les façons possibles. Au travers de tout ça, il y a, seulement, l’idée de ne jamais arriver à être complètement heureuse. Finir sa vie à avoir cette boule noire qui ne se cache pas loin de toi, celle qui t’attaque de sa petite voix afin de te faire entendre que tu ne seras, jamais, assez.

Jour 593 ; 5 h 38

Les sueurs froides et les orteils recroquevillés, je me retrouve, assise, au milieu de mes draps. Shit, une autre nuit de gâchée, il faut croire. Tu le revoyais, sur son lit de mort. Sa présence, son caractère, sa personne. Puis, encore une fois, tu n’as pas pu t’empêcher de penser. Lorsque le battement de cœur deviendra une ligne droite, enfin tu seras quelqu’un d’apprécié. Tu rassembles tes cheveux avec l’élastique te coupant la circulation au poignet, avant de t’étendre à nouveau puis de supplier le défunt de t’aider à franchir le cap de ta journée.

 

Je pourrais continuer des jours, des semaines, des mois et bien plus encore. Pourtant la seule demande qui jure au bout de mes lèvres, est d’avoir la paix. Celle au fond de mon être, de mon esprit et de mon corps. Il existe tant de façons d’être éveillé par l’anxiété. J’ai toujours dit que chaque concept de ce monde était rempli et idéalisé par un arc à ciel de couleur. De mon point de vue, même les sujets les plus sombres sont ceux qui dégagent le plus de ressentiments.

En analysant la profondeur de mon anxiété, elle me démontre certains problèmes de confiance et de calme. Une perte de joie et de positivité. Ne pas savoir assimiler l’équilibre de la croissance et la stabilité au travers du temps.

Le bleu, le vert et le jaune se jumellent avec chacun de leurs émois. J’en viens à me demander, peu importe la noirceur de ta douleur, pourquoi on nous demande de se l’imaginer en thérapie si ce n’est pas l’authentique signification? Pourquoi se concentrer sur un semblant de vérité ? Pourquoi continuer à s’arracher le cœur en s’imaginant que l’univers est fait que d’une seule nuance ?

Et si, au lieu, on utilisait les pigments de nos souffrances pour en faire de l’art…

Audrey Boissonneault



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