Sa vasectomie

Chéri mari a bien passé presque deux ans avec son fameux papier. Celui qui le conduisait vers l’abattoir de la preuve absolue de la masculinité. Vous avez bien compris, la fameuse requête pour une vasectomie. Couper le canal famille, cut the balls, passer au bistouri bref, voilà que chéri a fini par appeler….

Certains hommes courent vers cette contraception en courant dès que la cloche sonne intérieurement que là, c’est terminé la famille. Moi, mon amoureux aurait eu une équipe de soccer si j’avais eu le four qui tournait rond. Pendant des années, il a patiemment attendu que je ressente l’envie de nous replonger dans l’aventure. Mais malgré mon désir d’enfanter présent, celui de ne pas avoir la capacité psychologique de perdre un autre petit ange, lui, était plus fort. Mais après plusieurs années, il a accompli son deuil.

Nous étions assis dans le bureau du médecin pour la première consultation. Le docteur a demandé : « Et si un de vos enfants décédait, est-ce que votre décision d’aujourd’hui serait différente? » Et mon tendre époux de répondre : « Rien ni aucun autre enfant ne pourra remplacer une ou l’autre… » La date fatidique fut fixée.

Ce matin-là, j’étais probablement plus nerveuse que lui. Quand je suis fébrile, j’ai tendance à ne pas être la meilleure version de moi-même. Comprenez, j’étais là pour le soutenir, lui tenir la main et tout. Mais je n’avais pas le sourire facile et j’étais à l’intérieur de moi. Oui, car voyez, ce matin-là, j’avais peur qu’il regrette. Peur qu’il ne le fasse que pour moi. Que cela le change à jamais, qu’il finisse par m’en vouloir. Alors dans le stationnement, je lui ai demandé à nouveau s’il était en paix avec ce qu’il s’apprêtait à vivre. Lui, son évolution était bien complète et il m’a confirmé sa motivation d’aller jusqu’au bout.

Assis dans cette salle d’attente remplie d’hommes qui s’en vont volontairement mettre un terme à leur capacité d’enfanter, je regardais celui qui m’avait choisie. Un gars si bon qui, par amour pour moi, pour nous, faisait ce choix. J’étais émerveillée par sa résilience et sa capacité d’aimer. Il m’a expliqué à nouveau comment cela se passerait et à quoi m’attendre à sa sortie. L’infirmière l’a nommé…

Le temps est alors devenu mon pire ennemi. Je suis un peu beaucoup control freak avec ceux que j’aime. J’ai comme le feeling que je dois être près d’eux, de lui quand ils vivent des trucs inconfortables. Alors les dix minutes où il m’a parlé sont devenues quinze, puis vingt minutes. Dans ma tête, il y avait des flammèches. Enfin, après un temps interminable, l’infirmière m’a convoquée.

Je suis entrée dans la cabine, il était couché, mes yeux ont croisé les siens. Il allait bien. Il souffrait un peu, mais tout s’était bien passé. Nous avons respecté le temps d’attente sécuritaire, puis nous sommes partis.

Bien sûr, mon Superman m’a offert de conduire… Euh… non, mon homme! Tu es copilote! Retour à la maison sans problèmes. Petit roupillon, bonne bouffe, jusqu’à présent mon patient était coopératif. Jusqu’à ce que les enfants arrivent.

Mes beaux-parents ont pris soin de notre marmaille et venaient nous les ramener. Mais il faisait chaud (nous étions en juillet). Chéri a donc décidé qu’il voulait aller souper chez ses parents. À bout d’arguments (et en même temps, c’était son corps!), nous sommes partis. On n’avait pas fait la moitié du chemin que là, il réalisait que ce n’était pas une bonne idée. La douleur devenait vive. Arrivé chez ses parents, il ne souhaitait plus qu’être dans son lit, glace incluse. On ne s’est pas éternisés, je vous le garantis! Il a compris que les consignes n’étaient pas faites pour rien.

Bref, les jours qui suivirent ont été un peu plus calmes et il s’est calmé le pompon. Les mois passent et là, il faut bien aller passer le spermogramme qui prouvera que la procédure est un succès. Mais ça, ça veut dire que c’est pour vrai…

 

Martine Wilky

 



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