Et si le tueur était votre enfant?
Il a un père et une mère, ce jeune homme. Ces mots résonnent dans ma tête depuis les récents évènements de Québec. Constamment. Juste ça. J’ai pratiquement toujours le même questionnement. Toujours cette même envie de comprendre où est la faille. Celle dans sa tête et celle de son cœur. La faille qui a fait en sorte qu’un jeune homme de vingt-sept ans sans histoire se radicalise et tue au nom de je-ne-sais-quoi… Un je-ne-sais-quoi beaucoup trop grand pour lui.
Oui, la peine pour les victimes et leurs familles. Oui, la douleur et le tragique de l’évènement. Mais je ne peux m’empêcher de penser à ces parents-là dans ce bordel sanglant. Ceux du suspect. Parce qu’à compter de maintenant, ils ne seront plus que ça pour plusieurs : les parents du tueur à la Mosquée de Sainte-Foy.
Peu importe ce qu’ils sont personnellement. Peu importe ce qu’ils ont accompli de bien. Le bénévolat. Le travail. Les dons. Les sourires. Les services rendus. Peu importent les efforts et tout l’amour qu’ils ont mis en leurs enfants. Ils sont les parents de l’enfant-tueur. Point. Et malheureusement pour plusieurs, ça efface tout le reste.
Pourtant, le reste importe dans un cas comme celui-ci. Le reste, ce sont les câlins, l’affection, l’amour qu’ils ont témoigné à cet enfant, les anniversaires avec des chandelles à souffler, les lifts à l’aréna ou à la piscine ou au terrain de balle, les vacances en famille, la course à côté du vélo lorsqu’on enlève les petites roues, les lunchs préparés chaque soir, les nez à moucher, les soirs à bercer… La liste est longue! Tous ces petits gestes répétés comme des automates parfois tellement ça fait partie du quotidien d’un parent et de son enfant. La vie.
Alors, elle est où, la faille? S’il a été aimé, entouré, choyé d’habiter chez ses parents et de poursuivre ses études universitaires, IL EST OÙ, LE PROBLÈME? Il n’y a pas de réponse, malheureusement. Il n’y a pas une seule chose qui cloche, ce serait trop simple.
Parents séparés difficilement, enfants adoptés, familles d’accueil à répétition, abus, TDAH… Les causes peuvent être nombreuses pour qu’un enfant vive plus de difficultés qu’un autre. Mais c’est lorsque tout est normal que ça chicote. Parce qu’on veut le meilleur scénario pour eux, mais parfois, même le meilleur scénario ne donne pas les résultats escomptés. Et là, on a l’impression d’avoir failli à notre devoir de parent. Alors que ce n’est probablement pas ça. Mais je ne m’avance pas plus dans l’analyse psychologique de la chose, c’est trop complexe…
Et maintenant, reste à vivre après cela. Reprendre le cours des choses, poursuivre. Pour nous, mais pour eux aussi. Pour nous avec cette tristesse de voir le monde s’entretuer ainsi, pour eux avec la honte d’être ces parents-là. Ces parents que plusieurs regarderont en se demandant où ils ont bien pu rater pour avoir un tel résultat. Alors que ce qu’on ne sait pas encore, c’est ELLE EST OÙ, LA FAILLE? Partout et nulle part, probablement à l’intérieur de lui. Peut-être sans raison.
Ce soir, bien que mes enfants soient mini (4-6-8 ans), nous avons discuté. Je ne suis pas entrée dans les détails des histoires de grands, puisque je n’ai pas eu de questions par rapport à cela. Mais j’ai cru bon leur rappeler qu’ils ont les mêmes droits que n’importe quel être humain à leurs côtés. Et vice versa. Mais que, malheureusement, ce droit n’est pas exercé partout ni pour tous. Et que tous méritent leur respect. En tout temps. L’inverse est aussi vrai. Que la couleur de la peau ne change rien au cœur qui bat à l’intérieur. Ni d’où l’on vient. Ni notre religion. Ni ce qu’on a vécu auparavant. Jamais. Pour aucune raison.
J’ose espérer avoir fait ma job de parent correctement. Tout comme l’ont probablement fait ces parents-là. Dans certains cas, les choses ne s’expliquent tout simplement pas. Il ne nous reste alors que la conviction d’avoir fait de notre mieux. Une mince consolation parfois. Mais nous ne sommes pas des superhéros, nous sommes des parents. Et eux ne sont pas des robots, ce sont nos enfants. Pensons-y bien avant de juger ou de condamner… Ces parents-là, ça pourrait être vous. Ça pourrait être moi. Même si nous avons fait de notre mieux.
Isabelle Rheault