Un jour, tu ne croiras plus au père Noël

Ma belle cocotte d’amour,

Du haut de tes 4 ans, je te regarde aller en cette période festive. Tes yeux pétillants ne mentent pas: jusqu’au plus profond de toi, tu portes ce précieux héritage qu’est la magie de Noël. Tu t’émerveilles au moindre son de grelots espérant toujours le voir arriver sans prévenir.

Je te l’ai dit au moins 1000 fois. Il ne passera pas avant que tu sois profondément endormie dans la nuit du 24 au 25. Mais toujours, je sens cette attente qui te brûle et qui te fait espérer le voir apparaître à tout moment.

Je crois même t’avoir aperçue, le nez collé à la fenêtre scrutant le ciel à l’affût de son gros traîneau rouge. Ne me dis pas que tu n’y penses pas, je t’ai aussi vu embrasser sa photo. C’est définitivement le grand amour!

Et moi, je ne fais rien pour te décourager. Je sais que ça te passera avec les années. C’est bien ce qui me rend triste. Savoir que tu vas laisser ce concentré de magie qui t’habite se diluer au fil du temps.

Ne me dis pas que ça n’arrivera pas. Je suis passée par là avec tes frères. C’est OK, c’est la vie qui suit son cours, mais reste que lorsqu’ils ont cessé de croire, tu étais déjà dans nos vies à t’émerveiller. Que me restera-t-il de cette magie quand tu seras en âge de comprendre que ce n’était que de la poudre aux yeux?

Au fond, je réalise que ce n’est pas tant le fait que tu crois ou non qui m’attriste. C’est que j’ai peur de me retrouver confrontée à ma propre capacité à générer de la magie. Depuis 14 ans, mes Noëls sont ponctués de petits yeux qui brillent, de lutins et de poudre de fée des étoiles. Avec tes frères, puis avec toi, c’est si facile d’y croire. J’ai peur de devenir cynique et amère. J’ai peur de ne plus savoir quoi faire pour égayer la maisonnée pendant l’avent.

Paraîtrait-il qu’on n’en meurt pas . Que les choses changent, mais qu’on emmagasine suffisamment de magie pour continuer et perpétuer les traditions au grand dam de nos ados exaspérés. Mais ça aussi, c’est la vie. Il me faut passer par là pour qu’un jour, alors que ma réserve de magie commencera à se fatiguer, je puisse me recharger via mes petits-enfants. Je serai alors vieille d’âge, mais éternellement jeune dans mon coeur. Je vivrai une douce nostalgie du temps où tu t’émerveillais au moindre son de grelots lorsque je verrai ma petite-fille faire de même.

Mais ça, tu ne le sais pas ma cocotte et c’est très bien ainsi. Je t’écris ces mots aujourd’hui, non pas pour que tu saches tout, tout de suite, mais bien pour qu’un jour, lorsque tu seras toi-même confrontée à cette réalité, tu puisses savoir que ta maman est jadis passée par là et qu’au fond, je puisse te rassurer en te disant que la magie ne meure jamais réellement.

Marie-Josée Guérin



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