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Un conte 2.0

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Je m’appelle Zoé, j’ai huit ans et toutes mes dents. Je suis une petite fille ordinaire, qui habite une maison ordinaire, au bout d’une rue ordinaire. Par contre, mes parents sont plutôt cellulaires…

Ils sont constamment fixés à leur téléphone. C’est l’extension de leur main, un truc mutant qui se serait greffé à leur corps; ils ne s’en séparent jamais. On dirait des aliens robotisés, programmés à distance pour baisser les yeux vers leur appareil toutes les cinq minutes. Au début, je trouvais ça très intéressant, drôle et même pratique, mais avec le temps, j’ai réalisé que les écrans, c’est vraiment néfaste…

Mon père, lui, il sait tout faire, grâce à des tutoriels vidéo; il répare mon vélo, la poignée ou les tuyaux. C’est pratique, mais il passe plus de temps à chercher le bon tuto qu’à bricoler. J’aimerais bien, parfois, m’installer avec lui pour changer les écrous et les vis, mais il doit suivre les instructions dictées par son téléphone.

Mes parents ont des centaines d’applications qui régissent leur vie. Ma mère compte les calories, établit les menus et organise l’agenda familial. Des alarmes retentissent toujours, il n’y a plus de place pour l’improvisation, la spontanéité, parce que tout est programmé, calculé, enregistré. Mon père aussi a une application pour tout : les rendez-vous, les horaires d’autobus et même pour commander la pizza. C’est vrai que c’est plus facile de pousser sur un bouton que de mettre les mains à la pâte, mais moi, j’aime bien cuisiner les pizzas!

Mon père est aussi connecté à une montre super intelligente, qui enregistre tous ses faits et gestes. Il sait combien d’heures il a dormi, son pouls, sa respiration et elle calcule même le nombre de pas qu’il fait dans une journée. Parfois, je me dis qu’il ferait plus d’exercice à venir jouer avec moi au soccer dans le jardin plutôt que de compter les pas entre son bureau et la machine à café.

Mon père, c’est mon superhéros, il est toujours prêt à dégainer son appareil pour retrouver notre chemin quand nous sommes perdus. C’est très pratique en voiture, mais moi, je rêve parfois de partir à l’aventure avec une carte. Vous savez, une vraie carte comme celle des pirates. On partirait tous les deux, j’indiquerais la direction, tourner à droite, non l’autre droite. On finirait notre trajet au bout de la rue en mangeant une glace, épuisés d’avoir tant tourné!

Ma mère, elle, vit dans un conte de fées moderne où son téléphone est comme le miroir dans Blanche-Neige. À coup de selfies, elle demande à ses centaines d’amis si elle est belle! Elle court après les likes et les commentaires pour se sentir plus vivante. Elle prend tout en photo pour immortaliser, pour échanger… Souvent, elle me photographie et balance ma face aux quatre coins du web. Je me sens virtuelle, elle oublie que je suis là en chair et en os devant elle. Ma mère a des millions d’amis, elle connaît tout de leur vie. Par contre, elle ne sait même pas le nom de la voisine du 10B qui a sauvé notre chat Patate l’été dernier.

Combien de fois, en pleine conversation, mes parents ont regardé le message qui venait d’arriver sur leur téléphone? Ils me donnent toujours l’impression que ce que je dis, c’est moins important, presque impertinent, que je suis ennuyeuse. Ils préfèrent lire un sms envoyé à la volée, plutôt que d’écouter la fin de mon histoire. Comment rivaliser face à leur appareil?

Moi, quand je passe quelque temps sur la tablette, on me dit que ce n’est pas bon pour mon développement psychomoteur… mais j’ai envie de crier : « Quel exemple me donnez‑vous?! » Et dans mon développement émotionnel, les émojis ne remplaceront jamais les câlins, les bisous. Les likes ne forgeront jamais ma confiance en moi, et les applications ne me rendront pas plus responsable…

Arrêtez pour une fois d’interdire les écrans aux enfants et regardez plutôt du côté des parents… Soyez nos modèles et déconnectez-vous quand vous êtes avec nous!

Merci à Marilou Demers pour l’illustration de ce conte

Gabie Demers

 

Les réseaux antisociaux

Aujourd’hui, j’m’inquiète pour l’avenir de mes héritiers. Un peu. Philosophi

Aujourd’hui, j’m’inquiète pour l’avenir de mes héritiers. Un peu. Philosophiquement parlant, on s’entend. Disons que c’est difficile pour moi, comme pour beaucoup d’entre vous, d’imaginer le monde dans lequel nos enfants vont évoluer plus tard.

Aujourd’hui, j’m’inquiète pour l’avenir de mes héritiers. Mais d’une chose en particulier : le futur du contact humain. De nos jours, on texte, on « courrielle », on gazouille, on achète en ligne, on « guichet-automatique », on commande à l’auto…on fait tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter l’autre. En fait, j’me rends compte que dans une journée type, je parle avec beaucoup de monde sans jamais les voir en personne. Tout ça, soit disant pour aller plus vite. Est-ce dire que rencontrer des gens et échanger avec eux est synonyme de perte de temps?

Si, aujourd’hui je m’inquiète de ça, c’est que toute cette technologie si souhaitée à l’époque s’est développée très rapidement et pourrit nos vies depuis environs vingt ans. Vingt ans, c’est très court. Et si ça continue d’avancer à cette vitesse-là, si on continue de se refermer sur soi-même, j’ai peine à croire que mes enfants vont vivre dans un milieu sain où l’entraide et la compassion feront partie de leurs valeurs profondes.

Je m’inquiète parce que j’ai l’impression qu’aujourd’hui plus tu comptes d’amis Facebook, plus t’es seul au fond. Parce qu’on est tellement branché sur nos réseaux antisociaux qu’on ne différencie plus la vraie vie de la vie virtuelle. Est-ce que celui qui flashe son 5 km de course sur Facebook est plus performant que celui qui n’en dit pas mot? Est-ce que ton repas goûte meilleur que le mien parce que tu le montres à tout le monde sur Instagram? Est-ce que tes enfants sont plus « cutes » que les miens parce que tu les exposes sans arrêt (et sans leur consentement!) sur le web? Et que dire de ceux qui se plaignent publiquement sur Internet dans le but qu’on s’intéresse à eux et qu’on les rassure?

Aujourd’hui, j’m’inquiète pour l’avenir de mes héritiers. Parce qu’aujourd’hui ce qui importe, c’est le nombre de clics, le nombre de « j’aime », le nombre d’amis. Et ça devient notre fierté; on essaie même de battre le compte de l’autre. Le but des jeunes c’est d’être connus, d’être lus, d’être vus par le plus d’inconnus possible. Et pour ça, ils sont prêts à tout. Des plus grands exploits aux plus grandes bassesses.

La vie n’est pas un concours de popularité. La vraie richesse n’est pas monétaire et n’est pas virtuelle non plus. Elle est humaine. Des amis, ça ne se cache pas derrière un clavier et des émoticônes pour prendre soin de toi. Ça se déplace, ça prend un verre, ça prépare un souper, ça écoute. Ça vit! Je sais qu’en fin de compte, c’est un problème terminologique; on ne devrait pas utiliser les mots « sociaux » et « amis » mais plutôt « virtuels » et « suiveux ». Moi, j’ai 721 suiveux sur Facebook, le réseau virtuel. On dirait que ça replace les choses. Non?

Je ne vous balance pas tout ça pour vous faire la morale; je fais exactement tous les comportements que je dénonce. Et j’en suis bien triste. Si j’en étais capable, je me débrancherais complètement de tout ça. Je suis nostalgique des répondeurs à cassette, des fax et des cartes postales. Je reviendrais avec joie aux temps où l’on n’était pas toujours disponible partout en tout temps. On n’avait pas peur de manquer quelque chose et quand on voulait prendre des nouvelles de quelqu’un, on l’appelait ou on allait le voir. Mais la vie tourne et on doit suivre la parade si on souhaite avancer avec elle. Mais où va-t-elle? C’est ce qui, parfois, m’inquiète. Mais ce que nous pouvons faire pour nos enfants, chers parents-lecteurs, c’est d’au moins leur montrer qu’ils sont plus importants que la dernière vidéo de chat diffusée sur YouTube; que leur demande d’amitié passera toujours devant celles de gens qu’on croise une fois aux années bissextiles. Quand vous rentrez à la maison, le soir, fermez donc vos téléphones et consacrez-vous entièrement à vos flos; ce sera bien plus bénéfique qu’être le premier à cliquer « j’aime » sur la photo de vacances de votre ami d’enfance que vous ne voyez plus depuis le secondaire.

Maintenant, je vous invite à partager ce texte sur vos réseaux; je serais ravi qu’il soit lu par un plus grand nombre de personnes que le plus récent billet d’Étienne Boulay. 😉