Il était une fois, une petite fleur du nom de rose qui se retrouva sur une
Il était une fois, une petite fleur du nom de rose qui se retrouva sur une petite chaise noire, dans un corridor vide d’un hôpital désinfecté. Pas beaucoup de bruit. Une patiente qui sort d’un bureau. Un médecin qui prend le dossier de la rose. Elle écrit dessus. C’est long, c’est trop long. La petite rose a les mains moites. Le cœur qui bat plus fort que jamais. La gorge s’assèche. La rose se dit : « Ben voyons, je suis trop jeune pour être une rose ». Elle entend son nom. Elle entre tout doucement dans le bureau qui lui fait redouter le pire. On lui demande si elle a déjà eu ses résultats. Non, personne ne lui a parlé depuis dix jours. C’est alors qu’une bombe se largua sur elle. « Madame Larouche, je n’ai pas de bonnes nouvelles pour vous. Vous avez le cancer du sein ». Ouf, c’est alors que la rose devint une vraie rose.
La rose, c’est moi. J’ai appris depuis quelques jours qu’un intrus s’est introduit dans mon sein. Je ne l’ai pas invité, mais il est entré par effraction. J’ai toujours eu peur de lui, depuis mon plus jeune âge. J’avais peur que ce soit contagieux quand ma marraine dormait dans mon lit. Quand elle quittait, je voulais laver mes draps, car t’sais, à 7 ans, il est possible qu’on pense que le cancer se donne comme ça! Ensuite, les années ont passé et j’ai toujours fait l’autoexamen de mes seins. Toujours! Mais, il régnait toujours une grande angoisse. En février, j’ai même demandé à mon médecin de vérifier, car je ne savais pas pourquoi je capotais. Mais, tout était beau, aucune bosse.
Le mois de juin est arrivé, ma fête aussi. Là, j’étais pas folle. J’étais certaine qu’un truc étrange était dans mon sein droit. Une bosse que je n’avais jamais vue dans le passé. Deux jours ont passé sous l’angoisse totale. On me répétait : « Ben voyons Karine, c’est rien, juste une petite bosse, capote pas ». Pas convaincue du tout. J’ai décidé d’appeler le médecin, même si en temps de COVID, je n’avais vraiment pas envie de me rendre dans une clinique. Mon médecin a essayé de faire un diagnostic par téléphone, mais elle s’est bien rendu compte qu’elle ne pouvait pas examiner ladite bosse à travers le téléphone.
Le lendemain, je suis déjà dans son bureau. Elle regarde et constate que c’est vrai, j’ai une bosse. Mais elle n’est pas inquiète du tout. À mon âge, 34 ans, il est très fréquent que des kystes se développent dans la poitrine. Elle me dit qu’elle ne peut pas prendre de risque. Mammographie et écho sont prescrits. Elle me précise encore qu’elle n’est pas inquiète, mais que parfois, il y a de mauvaises surprises.
À peine une semaine plus tard, je teste la mammographie. Bon, j’ai un peu l’impression qu’on fait de mes seins des galettes, mais ce n’est pas si mal. Par contre, ma bosse est haute, pas trop loin de la clavicule, pas évident de la mettre dans le lot des photos. La petite dame réussit tant bien que mal à joindre la bosse à la photo de famille. Je quitte le bureau. J’ai déjà mon rendez-vous quatre jours plus tard pour l’écho. Dans la même journée, on m’appelle pour me dire que la radiologue veut me voir le lendemain. Je lui précise que j’ai déjà un rendez-vous, mais elle ne l’avait pas vu. Alors on le garde comme il était.
Le lundi, je me présente pour mon écographie. La dame ne m’apparaît pas des plus sympathiques, mais elle semble connaître son travail. Elle m’examine et à la fin me dit que je dois faire une biopsie en me disant seulement « en échographie, c’est soit noir, soit blanc mais toi, c’est gris. » Le stress embarque vraiment beaucoup.
Le vendredi suivant, j’ai déjà la biopsie. Là, on me dit de relaxer, ça ne semble pas être rien de cancéreux, mais on procède tout de même à la biopsie. Environ dix jours plus tard, la clinique du sein m’appelle et me dit qu’ils rencontrent toutes les patientes qui ont fait la biopsie. Donc j’ai un rendez-vous quatre jours plus tard. J’ai commencé à stresser encore plus à ce moment. Surtout que mon médecin ne me donnait pas de nouvelles.
Finalement, j’ai réalisé que mon sixième sens avait été très fort. Que malgré qu’on me dise que je stressais pour rien et que j’étais folle, m’écouter a été la meilleure chose qui soit. Un mois est passé entre ma découverte et le résultat. Je considère que ça a été très rapide. Que grâce à tous les choix que les professionnels ont fait, j’ai un stade moins avancé. Je n’ai pas encore tous les détails du cancer qui s’est incrusté, mais j’ai confiance que je m’en sortirai.
Je ne vous cacherai pas que les premiers jours ont été semblables à ceux que j’aurais vécus si je m’étais fait frapper par un 53 pieds. Un choc! J’ai pleuré, pleuré encore. J’ai imaginé ma vie se terminer. J’ai cherché comment le dire aux enfants, car oui, j’ai trois enfants (11, 5 et 2 ans). Je me suis imaginé ne pas les voir grandir. J’ai découvert de merveilleux groupes sur Facebook de gens qui ont passé par un chemin semblable. Je me suis un peu calmée, j’ai profité du temps où j’allais encore bien pour faire des activités que j’aime. J’ai discuté avec une femme pas beaucoup plus vieille que moi qui est passée par là. Elle m’a fait du bien avec son positivisme.
Je ne suis pas encore avancée dans le processus. Je ne connais même pas les traitements que j’aurai à l’heure où j’écris ce texte. Mais je peux confirmer que d’en parler à répétions, que de vivres ma peine et mes frustrations m’ont aidée dans l’acceptation. Je ne suis pas « heureuse » de vivre cela, mais je me dis que même si je n’ai pas choisi d’avoir cet intrus, je choisis l’attitude que j’aurai face à lui.
Pour toutes les roses qui me liront, je vous envoie une belle dose d’amour et de courage. Pour les autres, profitez de votre santé, elle est précieuse plus que vous ne le croyez.
Karine Larouche