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Couper le cordon

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Elle est là, juste là. La fin que je redoutais tant, le début d’une autre aventure qui m’implique un peu moins au quotidien.

C’est la fin de ta petite enfance, le début de ton enfance. C’est l’heure de la rentrée scolaire, ta première.

 Je disais souvent à la blague que ce jour n’arriverait jamais, que j’allais trouver le bouton « pause » bien avant. Cependant, je n’ai pas fait exception aux autres parents il faut croire, je ne l’ai jamais trouvé moi non plus.

Selon plusieurs spécialistes de la petite enfance, tout se joue avant cinq ans. Je veux que tu saches, mon fils, que maman et papa ont joué le match de leur vie pour réussir à t’emmener là où tu devais être aujourd’hui. Tu es là, déjà si grand, et pourtant. Je sais que tu es prêt et que c’est l’ordre des choses, mais on a oublié juste une petite chose… préparer maman.

Ta petite enfance, nous l’avons passée soudés l’un à l’autre. Que ce soit avec moi, avec papa ou juste dans le local d’à côté au CPE. J’ai eu l’immense privilège d’assister à pratiquement tous tes moments de vie depuis que je t’ai mis au monde. Malheureusement, toute bonne chose à une fin, et nous en sommes là. Il est venu pour moi le temps de couper le cordon et de te laisser passer devant moi. Je vais ralentir le pas et me placer derrière toi, pour que je te laisse tracer ta route et pour t’aider à te relever quand tu vas tomber.

Même si je pleure quand tu portes ton sac à dos fièrement ou encore en pleine rencontre à l’école (ouin, pas fière), je veux que tu saches que maman pleure un peu de tristesse, mais surtout de fierté. Te voir grandir est le plus beau privilège qui m’est offert, mais chaque nouvelle étape est un douloureux rappel que le temps qui passe ne reviendra jamais.

Tu as eu la vie que je voulais t’offrir durant ta petite enfance, parce que je pouvais contrôler à ma façon notre temps à nous. Maintenant, je sais que je dois laisser ma place à quelque chose d’aussi gros et d’aussi important.

Fonce mon grand, ne regarde pas derrière parce que de toute manière, il faut avancer. Les moments passés sont imprégnés en nous et ça, même le temps ne peut nous l’enlever. Je n’avais pas prévu que ce serait aussi difficile de te voir grandir, les émotions qui y sont reliées sont toujours aussi contradictoires pour moi.

La seule chose qu’il faut que tu saches, c’est que malgré le temps qui passe et les étapes qui se succèdent, tu restes mon bébé.

Marilyne Lepage

La mère poule

Oui

Oui, je suis une maman poule et je l’assume pleinement. Dites merci à mon anxiété. Telle une vraie maman poule, je dois toujours avoir mes enfants à l’œil. Je porte une attention particulière à ma couvée. J’aime me sentir en contrôle de tout, ça me calme. Je vous entends déjà dire que je dois couper le cordon. Je vous jure que j’essaie très fort.

Mais là, c’était impossible. Mes deux plus vieilles ont eu une invitation à une fête d’amie. Jusque-là, tout allait bien. C’est lorsque j’ai vu l’heure de la fête, de 18 h 30 à 11 h. Oui, le lendemain matin! Mes filles allaient découcher. Une première, pour elles et pour moi. Si je leur accordais la permission. Et j’ai succombé, j’ai dit oui.

Jusqu’au fameux soir, je me trouvais bonne. Je gérais bien. Mais le soir venu, c’était une tout autre histoire. Premièrement, j’ai envoyé papa les reconduire. Pourquoi? Parce qu’en route, j’aurais trouvé mille et une raisons pour ne pas les laisser dormir là. Je me connais, j’aurais pu aller jusqu’à inventer un fantôme vivant dans la maison. Mes filles très froussardes et anxieuses auraient choisi « par elles‑mêmes » de ne pas y dormir. Avant de me coucher, j’ai même déposé le téléphone sur la table de chevet dans l’espoir qu’il sonne parce que mes filles avaient changé d’idée.

Alors je me suis retrouvée en pleine nuit, à regarder les heures s’égrainer. À en vouloir à l’homme de si bien dormir, malgré l’absence de nos filles, malgré mon angoisse. Je me suis fait les scénarios les plus horrifiants. Si jamais elles font un cauchemar. Qui les consolera? Finalement, je ne les connais pas, ces parents-là. Ce sont peut-être des trafiquants d’enfants. Lorsque j’arriverai demain matin, il n’y aura plus personne dans la maison et je ne reverrai plus jamais mes filles. Qui sera là? Peut-être y aura-t-il un pédophile. Et si, et si, et si.

J’aurais voulu pouvoir secouer le sablier du temps, dans l’espoir de le faire passer plus vite. Que la nuit cède enfin sa place au matin. J’ai déjeuné avec un nœud dans l’estomac. J’attendais que l’horloge affiche enfin 8 h.

Heureusement pour moi, nous avions quelque chose de prévu le dimanche, un voyage à Québec. Nous avions donc averti que nous passerions plus tôt que le fameux 11 h.

8 h. J’ai sauté dans la voiture. Suivre les limites de vitesse était un véritable combat. J’ai stationné la voiture. La fenêtre de la maison était ouverte. J’ai entendu les cris de joie et de plaisir de mes filles. Quel soulagement! Elles étaient toujours vivantes.

Je les ai vues sortir de la maison en courant. Elles sont venues vers moi avec le regard brillant, en me disant : « Maman, on a réussi à dormir toute la nuit ». J’ai compris qu’elles avaient leur petite appréhension. Que je leur avais apprise. Une belle leçon. Elles sont capables de vivre, un peu, sans maman.

J’ai eu un petit pincement au cœur. J’ai dû accepter de les voir grandir. J’ai dû accepter qu’elles aient de moins en moins besoin de moi.

Est-ce que la prochaine fois sera plus facile?
Je vous jure que non.

Mélanie Paradis

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