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La parole tue à petit feu, mais elle fleurit aussi après la pluie – Texte : Eva Staire

Je vais commencer ce texte par un souhaite très fort, le souhait de donner l’espoir qu’il peut

Je vais commencer ce texte par un souhaite très fort, le souhait de donner l’espoir qu’il peut réellement avoir une lueur au bout d’un fucking long tunnel. Je n’aurai pas la langue dans ma poche. Ça va être cru par moments, mais c’est promis, la pluie éteint le feu.

  • Habille-toi, mets-toi une veste. Si tu te fais violer, ce ne sera pas de ma faute.
  • As-tu vu la paire de boules qu’elle a pour son âge ?

Je n’étais qu’une enfant lorsque j’entendais ces phrases à mon égard.

  • Tu es tellement laide et grosse, parle-moi pas !
  • Viens ici, j’ai besoin d’un étui à crayon pour mon stylo, dit-il en le mettant entre mes seins.
  • Est-ce que je peux monter le mont Everest ?
  • Tiens, une paire de ciseaux, ça va être plus facile pour te couper les veines.

J’avais 12-13 ans lorsque les jeunes de mon âge me criaient ses paroles lourdes de conséquences.

J’ai longtemps cru que les gens avaient raison. J’essayais d’être discrète en leur présence pour ne pas les déranger. Difficile d’être discrète avec ma shape. C’est ce que je me disais. Ils avaient tous réussi à jouer dans ma tête. Je n’arrivais plus à voir des ciseaux sans penser à faire glisser la lame sur mon poignet. Me préparer pour l’école était interminable. Je me changeais pas moins de dix fois avant de choisir comment j’allais m’habiller. « Ah non, trop décolleté, trop moulant, trop coloré… » Je me demandais toujours ce que les autres allaient penser de moi. L’intimidation peut être invisible à l’œil nu, mais n’est pas pour autant indolore pour la personne qui la subit.

À l’âge de 13 ans, j’ai eu la chance de rencontrer un garçon merveilleux. La phrase qu’il aimait me répéter régulièrement c’est « On s’en fout des autres ». J’ai pris du temps pour vraiment assimiler ses mots, mais cette phrase a fini par résonner très fort en moi. Enfin des paroles qui fleurissent et non qui m’affaiblissent.

Encore aujourd’hui, dix ans plus tard, il lui arrive de devoir me rappeler de m’en foutre. Je ne suis pas guérie de toutes les blessures qui m’ont été infligées, mais il y a plusieurs cicatrices qui me rappellent d’où je viens. J’ai appris à respecter la femme que je deviens et à choisir ceux qui méritent de jouer un rôle dans ma vie.  C’est lorsque je regarde mes trois enfants dans les yeux que je vois de la lumière. Oui, oui, d’la lumière au bout du tunnel. Ce tunnel que j’ai finalement réussi à traverser en gardant mon souffle beaucoup trop longtemps. Je respire enfin la liberté et je commence à fleurir.

Et toi, en quelle fleur souhaites-tu grandir ?

Eva Staire

Ma peau malade

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J’ai honte de ma face. Je le sais, je ne devrais pas. Mais j’ai honte pareil. Ma peau boutonneuse, cicatrisée, craquelée, enflée, infectée, je la trouve dégueu. Ben oui. Je l’ai écrit. J’étais tannée de le dire juste devant mon miroir.

En fait, je le dis dès que je passe devant un miroir, mais je ne me regarde même plus dans la glace, sauf pour me badigeonner de fond de teint. J’ai beau dire à mes enfants de s’accepter comme ils sont, de se trouver beaux, de ne pas laisser le jugement des autres les affecter… je ne suis plus capable de m’en convaincre moi-même.

Après plus de trente ans à souffrir d’acné, je pense que j’ai le droit, hein, d’être à boutte?

J’ai tout essayé : les méthodes de nettoyage appropriées (pas trop souvent, juste assez, avec les bons produits non comédogènes), les produits en vente libre, les produits gardés secrets par le pharmacien, les traitements médicamenteux pendant six mois ou un an (ceux pour lesquels il faut signer des promesses de se protéger avec trois pouces de condoms parce qu’un bébé pondu pendant le traitement naîtrait avec un bras dans le front), les antibiotiques topiques, les antibiotiques oraux… Jusqu’à date, mon meilleur allié, c’est l’huile d’arbre à thé.

J’ai évidemment réduit le stress et l’impact des polluants extérieurs. J’ai modifié mon alimentation, je rencontre une nutritionniste, j’hydrate ma peau et je bois beaucoup d’eau. Contraception ou pas, ça revient, cette affaire-là. Pas mal trop vite! J’ai à peine le temps de réparer ma peau et mon estime après une crise acnéique que ça me saute à nouveau dans le visage, comme une vieille corneille frue dans un pare-brise sur l’autoroute. Ça démange, ça s’accroche. Je dois être attachante, mais je préférerais prendre mes distances avec ces bactéries-là. Mes complexes gonflent aussi vite que les bosses dures sur mon menton.

Depuis des mois que je me dis que je devrais bien écrire ce texte. Des mois que je me dis que je ne dois pas être la seule à vivre avec une maladie de peau qui persiste. L’acné, on dit souvent que c’est la bête noire des adolescents, mais rendu à l’âge adulte, personne n’en parle. Pas parce que ça n’existe pas, juste parce que c’est presque aussi tabou que le salaire qu’on gagne. Si on n’en parle pas, personne ne va le remarquer, n’est-ce pas…

Et là, j’ai décidé d’en parler. On ne devrait pas avoir à se cacher la face malgré notre acné. On ne devrait pas avoir honte de notre peau malade. On ne devrait pas hésiter à aller chercher de l’aide pour la soigner.

Ce n’est pas une maladie dangereuse, bien sûr. Mais elle laisse tout de même deviner des problèmes sous-jacents (stress, débalancement hormonal, intestins qui fuient, etc.). Sans compter ses effets secondaires : les traces évidentes qu’elle laisse sur la peau ad vitam eternam, l’estime personnelle en chute libre, le refus de sortir de la maison, le retrait (ou le rejet) social, l’augmentation du stress… et la roue tourne.

Si vous avez des super trucs qui ont sauvé votre face, on est preneurs!

Nathalie Courcy