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Inégalités et éducation

Je fais partie des personnes immensément chanceuses, car nous recev

Je fais partie des personnes immensément chanceuses, car nous recevons notre salaire en ces temps de confinement. Je suis enseignante. Je lis beaucoup de choses. Certains profs offrent des cours à distance, des travaux en ligne, font preuve de beaucoup de créativité. Je trouve ça génial, vraiment ! Tous les jeunes méritent d’être stimulés, d’apprendre et de continuer à se dépasser malgré la crise que nous traversons.

Par contre, bien que j’en étais déjà bien consciente, ça me fait voir d’un autre œil les énormes inégalités sociales entre les jeunes Québécois. J’enseigne dans un milieu dit « difficile ». Pour plusieurs de nos élèves, l’école est le seul endroit où ils mangent un repas complet, où ils sont écoutés, considérés et estimés. Ils n’ont pas tous accès à un ordinateur et à Internet (oui, oui, en 2020, c’est le cas, pour une minorité, mais on ne peut pas encore dire que c’est exceptionnel). Plusieurs, aussi, ont des parents aimants qui leur donnent tout ce qu’ils peuvent, mais leur réalité socioéconomique fait qu’ils doivent, à 13 ou 14 ans, prendre soin de leurs jeunes frères et sœurs, cuisiner, faire des courses, etc. Pour de nombreux élèves de notre école, les conditions à la maison ne leur permettent pas de poursuivre leurs apprentissages. Et je dis ça sans aucun jugement pour leurs parents. Ça fait des années que j’observe ces familles et je sais que ces parents font de leur mieux pour leurs enfants, pour leur offrir le meilleur. Aux yeux de plusieurs, le meilleur signifie « mieux que ce qu’ils ont eu et vécu ».

Les idées que j’ai lues concernant l’enseignement à distance et tout ce qui s’en approche sont remarquables, mais elles nécessitent des moyens technologiques qui semblent de base pour beaucoup, alors qu’ils ne le sont pas pour certains. Ces moyens exigent aussi un environnement propice aux apprentissages ; un environnement calme, un endroit où les jeunes peuvent se concentrer. Idéalement, la famille y joue un rôle en accordant de l’importance aux apprentissages, en soutenant les enfants de manière plus ou moins active. En fait, il est indéniable que dans la situation actuelle la situation familiale a un gros impact sur les apprentissages des jeunes.

J’aime le milieu dans lequel j’enseigne. Le lien humain y est très important et c’est en grande partie pourquoi je m’y épanouis. Nous devons travailler fort pour rendre nos élèves disponibles aux apprentissages, que ce soit en leur donnant confiance en les adultes desquels ils se méfient, en les aidant à calmer leur anxiété ou à mettre de côté, pour quelques heures, les soucis qui les envahissent à la maison, en leur permettant de reprendre confiance en eux et en leurs capacités, pour ne nommer que ces exemples.

Alors, j’avoue vivre des émotions contradictoires lorsque je lis sur le sujet, lorsque je vois des commentaires insinuant, subtilement ou non, que les profs qui ne se donnent pas la peine de faire de l’enseignement à distance ne sont pas créatifs ou même paresseux, alors que le bien-être de mes élèves me préoccupe tellement. Je suis partagée entre trouver ça merveilleux pour les élèves pouvant en bénéficier et être triste que ce ne soit pas réaliste pour notre clientèle qui paiera beaucoup plus cher ces semaines sans école. Ces semaines sans nourriture saine pour certains, sans douceur pour d’autres, sans stimulation intellectuelle ou même sans tenir un crayon pour plusieurs.

Et quand j’écris que je trouve ça génial, c’est sans ironie. Priver ceux qui en bénéficient ne rendrait pas plus accessible et réaliste l’enseignement à distance pour mes élèves. Je me réjouis donc sincèrement pour ceux qui reçoivent ce service.

Je me considère comme très chanceuse, cette année tout particulièrement. J’ai des groupes que j’adore, vraiment ! Les meilleurs depuis un bout de temps. Je travaille avec des ados éveillés, curieux, drôles, généreux et empathiques. Oui, ils nous donnent des défis ; oui, ils ne sont pas toujours matures, mais n’est‑ce pas ça, être ado ? Je m’ennuie d’eux, sincèrement. Je pense à eux tous les jours. J’espère vraiment les revoir avant l’été, que notre année n’est pas déjà terminée, que nos chemins ne se sont pas croisés si brièvement. Ce n’était pas assez. Je n’ai pas fini avec eux, j’ai encore beaucoup à leur apprendre, à leur apporter. Et, surtout, je n’avais pas fini d’apprendre d’eux.

Si quelques‑uns d’entre vous me lisent, je vous aime. Vous êtes géniaux et vous irez loin. N’en doutez pas. On ne sait pas combien de temps cette crise durera, mais nous serons là pour vous après. Nous vous accueillerons et continuerons à vous accompagner dans vos apprentissages et dans cette phase si intense qu’est votre adolescence.

À bientôt j’espère ! (Restez chez vous !)

Jessica Archambault

 

Non déterminé

C’était partout dans les médias il y a quelques jours, vous avez

C’était partout dans les médias il y a quelques jours, vous avez sans doute vu cette nouvelle passer : un parent canadien a obtenu de pouvoir apposer la mention « non déterminé » sur la carte d’assurance maladie de son bébé, à l’endroit où il devait indiquer le sexe de l’enfant.

J’ai lu la nouvelle, moi aussi. J’ai posé mon café (froid) et je me suis sérieusement demandé : « Est-ce que c’est quelque chose que j’aurais fait, moi, comme parent ? » À froid, comme ça… Non. Mes enfants sont nés mâles ou femelles, tout comme ils sont nés blancs et canadiens, en janvier ou en août. C’est un fait, c’est tout.

Mais en y réfléchissant plus longtemps, même si, a priori, je ne vois pas trop pourquoi j’aurais choisi de ne pas associer de sexe à l’identité légale de mes petits, et que ça me semble une façon compliquée de transmettre nos valeurs (notamment parce que le pronom neutre désignant une personne sans utiliser de genre en français est encore au stade de suggestion et donc encore bien trop loin de passer dans le langage usuel. Faudrait y penser avant longtemps, d’ailleurs. Maintenant serait un bon moment, je dis ça de même), je dois admettre que… je comprends un peu le fondement de la démarche.

Je veux dire, si on avait été classés biologiquement selon la couleur de nos yeux ou notre groupe sanguin, est-ce que ces choses seraient, justement, le fondement de notre identité sociale? Est-ce que la société aurait des attentes différentes entre un B+ et un A–? Est-ce que le 0– serait moins bien payé ? Est-ce qu’on aurait attendu d’un A+ qu’il ne joue pas avec quoi que ce soit de jaune, couleur réservée aux AB– ? Aurait-on attendu jusqu’au milieu du vingtième siècle pour accorder le droit de vote à tous ceux portant un rhésus négatif, alors que ceux nés avec un facteur rhésus positif l’auraient eu depuis toujours ?

Sauf qu’en même temps, la couleur de nos yeux, c’est sur notre permis de conduire. Notre groupe sanguin est dans notre dossier médical. La nature nous a faits biologiquement différents, à plusieurs niveaux. Il peut être utile que ce soit au moins noté, ne serait-ce qu’à des fins d’identification. Et il serait un peu hypocrite de faire comme si la différence physique n’existait pas. Mais reste que le problème est là. À mon très humble avis, le problème se trouve bien plus dans le carcan encore trop rigide dans lequel on fait évoluer nos enfants, souvent sans même s’en rendre compte, selon leur genre. Le problème se trouve dans le fait que l’avancée de la neutralité est encore loin d’avoir fini son chemin.

Le problème c’est qu’encore en 2017, un garçon et une fille n’auront pas les mêmes regards portés sur eux, les mêmes attentes de la part de leur entourage, parfois carrément pas les mêmes droits, selon l’endroit où ils sont nés.

Abolissons les inégalités, laissons les enfants être qui ils veulent, peu importe ce qu’ils ont entre les jambes au moment de la naissance. Peu importe ce que ça peut vouloir dire et ce que ça peut impliquer par rapport à leur entité personnelle, sociale et sexuelle tout au long de leur vie : laissons-les être totalement EUX. C’est ça, le véritable combat à mener.

Zabethe Boucher