Tag infirmières

Le bébé seul dans sa chambre d’hôpital

Ma fille avait deux mois. Tout à coup, rien n’allait plus… Elle

Ma fille avait deux mois. Tout à coup, rien n’allait plus… Elle chignait, se tordait de douleur et pleurait sans arrêt. La théorie de la poussée de croissance a été vite écartée : elle refusait le sein en dehors de son horaire habituel. Elle avait pourtant été si calme et souriante depuis sa naissance… Pas de fièvre. Aucun autre symptôme. Juste un bébé en crise, un petit saule inconsolable. Je l’amène à l’urgence.

On arrive à l’hôpital. Pas trop bondé, étonnamment. Je tends ma fille de deux mois à l’infirmière du triage et lui dis : « Y’a vraiment quelque chose qui ne va pas! Je ne reconnais plus mon bébé. Elle n’arrête plus de pleurer. » J’essaie de ne pas avoir l’air trop paniquée. Mais à l’intérieur, j’ai totalement perdu mes repères. Je déteste les hôpitaux et il faut que mon feeling de maman soit fort en ti-pépère pour que j’y aille! L’infirmière a l’air zéro-convaincue. Pas de fièvre. Pas de symptômes. Elle fait des prises de sang « pour être bien sûre ».

Les résultats sanguins arrivent. Infection urinaire sévère. Les reins sont atteints. On lui donne une chambre. Ma petite poule a deux mois et est allaitée exclusivement. Je ne me pose aucune question et la suis dans la chambre qu’on lui a assignée. La « chambre » se résume à une pièce dans laquelle sont cordées quatre bassinettes, une dans chaque coin. Je me tourne vers l’infirmière et lui demande où je vais dormir… Parce que bébé boit aux deux ou trois heures et qu’il est hors de question que je la quitte des yeux de toute façon. L’infirmière me regarde, l’air désolée, et tente de me rassurer en me disant : « Attendez, je vais vous chercher une chaise. ». Je ne savais pas à ce moment-là que j’allais passer quatre jours à dormir sur cette chaise, à côté de mon bébé.

Dans la chambre, il y avait trois autres mini-patients. L’infirmière m’explique que ma fille se trouve dans la chambre des bébés de moins de trois mois. Notre premier co‑chambreur avait un mois et demi. Sa maman était avec lui. Notre seconde co‑chambreuse avait deux mois aussi. C’était un de ces bébés qui arrivent en paquet de trois (oui, oui, des triplets!) et ses deux autres sœurs avaient déjà eu leur congé de l’hôpital. J’avais peine à imaginer la maman à la maison avec ses jumelles, la tête et les bras pleins, mais le cœur bien vide de ne pas avoir tous ses bébés à la maison avec elle. Les grands-parents se relayaient pour veiller sur la petite triplette combattante et la visitaient tous les jours.

Puis, il y avait ce quatrième bébé. Celui en face du lit de ma fille. Il était branché par plus de fils que je pouvais en compter… Ses machines sonnaient l’alarme trop souvent… Les infirmières tentaient de se relayer pendant leurs pauses pour lui offrir une chaleur humaine. Il avait un peu moins de trois mois. Quand ma fille était endormie, je demandais si je pouvais le prendre aussi. Les infirmières me répondaient gentiment que malgré le gros coup de main que ça aurait pu leur apporter, les procédures interdisaient les parents des autres patients de toucher le bébé, pour assurer qu’il n’y ait pas de contagion. Ma fille avait une infection urinaire, pas la varicelle… Mais la procédure était la procédure.

Je repense à ce bébé, des années plus tard, et j’ai encore mal à mon cœur de maman. Durant les quatre jours de notre séjour, les infirmières et les médecins l’ont ramené à la vie plusieurs fois. Et il était si seul, dans son grand lit froid. La quatrième journée, sa mère lui a rendu visite. Elle est restée vingt minutes environ, s’est informée de son état, sans même le prendre, et est repartie en me parlant du carnaval auquel elle allait assister. J’étais sidérée. Le cœur en miettes. Je ne pouvais pas comprendre. La nuit, en berçant ma fille, je chantais plus fort pour qu’il m’entende. Je me disais qu’il avait besoin d’entendre une voix rassurante, pleine d’amour. Il aurait mérité des câlins à l’infini et de l’amour à profusion. Il avait tous les soins nécessaires, mais sans maman, rien n’est plus pareil… Je racontais mes histoires plus fort, pour que ma voix porte jusqu’à lui. Juste pour qu’il sache qu’il n’était pas seul.

Loin de moi l’idée de juger les actions de la mère. Elle aussi méritait un bébé en santé, rose et tout sourire. Elle était peut-être trop fatiguée ou peinée pour venir… Elle avait peut-être déjà entamé son deuil… Je ne suis pas là pour juger ses compétences parentales ni sa volonté.

Je lève mon chapeau aux infirmières, qui donnaient à ce bébé tellement de soins, tout en étant empathiques et chaleureuses. Elles lui ont donné tout ce qu’elles pouvaient, à travers les contraintes d’horaires et de procédures.

Je ne saurai jamais si ce bébé a survécu. Selon les bribes d’informations que j’entendais, je ne pense pas que ce soit le cas… Je suis revenue chez moi, après quatre jours à dormir sur une chaise, à manger des sandwichs froids et à prendre des douches très sommaires… Et la première chose que j’ai faite, malgré l’heure tardive ce soir-là, c’est prendre mes enfants sur mes genoux, les bercer et leur chanter une berceuse. Parce qu’on ne sait pas ce que la vie nous réserve, et qu’à travers les crises de bacon et les dégâts de lait, on a parfois tendance à oublier la chance qu’on a. La chance de pouvoir serrer nos enfants si forts dans nos bras. La chance de les voir respirer, marcher, courir et découvrir la vie. La chance de pouvoir leur montrer à quel point on les aime. La chance d’être une maman.

Savourez votre chance. Bonne fête des Mères.

Joanie Fournier

 

Mon cœur saigne!

Mon cœur saigne... Oui, à chaque fois que je pense aux coupures dans notre réseau de la santé mo

Mon cœur saigne… Oui, à chaque fois que je pense aux coupures dans notre réseau de la santé mon cœur saigne. Il saigne, parce que d’abord je me sens comme un numéro, littéralement comme le numéro 61 888. Mon coeur saigne, encore plus, parce que je trouve que ce sont les clients qui en souffrent le plus. Tout d’abord, je n’aime pas dire clients. Ce sont plutôt les mamans, les papas, les enfants, les bébés, bref toutes les familles que je côtoie chaque semaine. Ce sont ces mères, qui m’appellent en urgence le soir à 21h00, celles qui ont accouché la veille et qui sont sorties le lendemain. Ce sont ces mères, qui ont quitté leur maison avec un beau ventre rond et qui y sont revenues trop rapidement avec un beau bébé tout neuf. Ces familles ne sont pas toutes prêtes à vivre l’arrivée de ce petit être cher. Souvent ces parents ont suivi les cours prénataux, ont lu sur le sujet et ont navigué sur les différents forums de discussion, mais la rétention de l’information en période prénatale est estimée à environ 5% et celle immédiatement après l’accouchement est aussi de 5%. Il manque donc un gros 90% de choses à savoir lors de la sortie de l’hôpital. Normalement, le CLSC prend le relais de 24 à 72 heures. Ce sont donc les infirmières qui doivent pallier. Elles se rendent à domicile afin de tenter de compléter l’information que les mères ont reçue en période prénatale. Malheureusement, ces infirmières ont un temps très limité avec les nouveaux parents. Elles doivent faire preuve de rendement et laisser de côté une partie de leur empathie. Ce sont ces infirmières, qui entrent dans l’intimité des familles, ce sont elles qui ne peuvent pas élaborer autant qu’elles le voudraient sur les questions qui leur sont posées, parce qu’elles ont 2 ou 3 autres familles à voir dans la même journée. De plus, les visites ne doivent pas dépasser les 60 minutes « règlementaires ». Tout ça, c’est sans compter la paperasse à remplir, les tableaux, les statistiques et j’en passe.

Par manque d’effectif, nous avons déshumanisé les suivis postnatals. En fait, je ne devrais pas dire par manque d’effectif, mais plutôt par manque de budget. Des infirmières dévouées pour leur travail, il y en a des milliers. Si elles ont choisi ce métier, c’est avant tout parce que c’est plus qu’une vocation pour elles. Il s’agit plutôt d’un besoin profond d’aider, de supporter, d’écouter et de soigner. Elles doivent être polyvalentes et avoir une panoplie de connaissances sur plusieurs sujets. Elles doivent souvent jouer le rôle de nutritionnistes, de psychologues, de travailleuses sociales, etc. Elles ont la capacité de s’adapter en jouant le rôle d’un caméléon dans les différentes situations dans lesquelles elles se retrouvent.

Qu’arrive-t-il lorsque l’infirmière quitte la maison après leur courte visite et que l’allaitement de la patiente ne se passe pas très bien et que le bébé affamé hurle sa vie? Je vais vous le dire ce qui arrive moi. Ce genre de situation engendre des parents désespérés, qui font des appels à l’aide de tous bords, tous côtés. Ils appellent info-santé, se rendent à la pharmacie, retournent sur les forums de discussion et j’en passe. Dans le meilleur des scénarios, ils finissent par trouver un numéro d’urgence d’une ressource communautaire en allaitement la plus près. C’est régulièrement à ce moment-là que le téléphone sonne chez moi. Oui, parce que moi de jour, je suis l’infirmière qui fait les visites à domicile et de soir je suis la conseillère clinique dévouée de l’entraide maternelle qui répond aux appels d’urgence. Je les écoute, je les rassure et parfois je les visite en urgence. Si je ne peux pas me déplacer personnellement, j’essaie de leur trouver une marraine d’allaitement disponible ayant sensiblement vécu les mêmes problématiques. Malheureusement, certains parents en perte de moyens, ne connaissant pas les ressources communautaires en allaitement, se tournent trop souvent vers le fond d’une armoire pour récupérer l’échantillon de lait en poudre reçu gratuitement à l’hôpital gracieuseté d’une compagnie pharmaceutique riche à craquer.

Donc, pourquoi ces parents en arrivent-ils là ? Ils sont dans cette situation, parce que le personnel de l’hôpital et du CLSC est surchargé, parce que les formations en allaitement des infirmières sont pratiquement inexistantes et parce que le réseau communautaire est appauvri. Voilà pourquoi ! Lorsqu’on parle de couper les visites postnatales à domicile et les cours prénataux, mon cœur saigne encore plus. Aux yeux du gouvernement, ce ne sont pas des services essentiels. Grave erreur! Est-ce qu’il faut attendre que l’hospitalisation des bébés augmente parce qu’ils ne sont plus allaités faute de support ? Ou encore que le taux de dépressions postnatales et que l’isolement social de nos familles augmentent ? Notre système de santé souffre et nos services communautaires en allaitement sont toujours aussi pauvres. Si seulement notre gouvernement pouvait comprendre qu’en coupant directement les services postnataux et le support en allaitement, ces coupures entraîneront plus de coûts sur le moyen et le long terme. Les Américains ont déjà fait plusieurs études sur les coûts de santé qu’ils épargneraient si davantage de bébés étaient allaités pour au moins 12 mois. Les études révèlent que plus de 9 milliards de dollars par année pourraient être sauvés. Alors, oui moi je crois que le support aux familles est important pour un gage de réussite au niveau de l’allaitement et de la santé de nos touts petits, mais aussi au niveau des compétences et du support aux parents.