Tag journée internationale pour la violence à l’égard des femmes

Nous n’avions pas la même définition du mot amour

Recroquevillée sur moi-même, à laisser couler les larmes sur mes joues, je me vois encore en trai

Recroquevillée sur moi-même, à laisser couler les larmes sur mes joues, je me vois encore en train de mourir à petit feu. Quinze années   se sont écoulées depuis ma première histoire d’amour d’horreur.

J’avais tout juste 15 ans, j’étais une adolescente d’une bonne famille; je performais à l’école, j’avais un réseau social très fort. C’est alors que j’ai fait la rencontre d’un jeune homme de 21 ans, charmant, attentionné, respectueux. Du moins, c’est ce qu’il m’a fait croire.

Je l’aimais, c’était mon premier amour. J’étais prête à tout pour lui, je voulais cheminer avec lui. Les papillons dans mon ventre m’assuraient qu’il était mon grand amour, le vrai. J’y croyais.

 

“J’ai vite compris que lui et moi, n’avions pas la même définition du mot amour.”

 

Pourquoi disait-il m’aimer si c’était pour me blesser constamment ? Me blesser… Oui. Mais pas juste avec ses poings, pas juste avec ses pieds et pas juste avec des couteaux. Non. Me blesser avec les mots.

Onze ans plus tard, malgré mes cicatrices, c’est ma tête qui a encore mal. C’est avec elle que je dois dealer jour après jour pour vaincre mon anxiété, ma peur constante de tout. Ma peur de la mort principalement.

 

“Je vais te faire souffrir, petite pute.”

 

À tous les soirs lorsque je me couche, j’ai encore les images de la petite fille de 16 ans ligotée sur la voie ferrée. Je sens encore mon corps trembler, mon cœur battre à tout rompre et pensant vraiment être arrivée au chemin de non-retour. Je vois mes parents pleurer ma mort. Je te revois, toi et ton visage de satisfaction, me fixer droit dans mes yeux gorgés d’eau et de peur. Tes mots résonnent dans ma tête telles les cloches d’une église : « Je vais te faire souffrir, petite pute. » Puis j’entends le son du train qui approche. Je n’ai d’autres solutions que de fermer mes yeux et attendre. La bouche masquée d’un ruban, je ne peux crier.

Je ne sais pas si c’est la peur qui t’a gagné cette journée-là ou si c’est la raison, mais tu m’as détachée. J’ai eu peine à me tenir sur mes deux jambes pour regagner la voiture; j’étais complètement épuisée. Cette scène-là, elle me suit jour après jour. Une plaie comme ça, ça ne se referme pas aussi vite qu’une plaie physique.

Pourtant, j’en ai eu des plaies. J’en avais les bras remplis. Les jambes aussi. Tu te souviens ? Tu prenais un malin plaisir à aiguiser tes couteaux de chef en me fixant dans les yeux. J’en ai tellement esquivé des esties de couteaux pendant quatre ans. J’étais ton jeu humain de fléchettes. Heureusement pour moi, tu n’as jamais pogné le bull’s eye.

Quand j’essayais de partir, tu me retenais en me disant que t’allais changer. Puis moi bien, je te croyais. Je restais. J’y croyais parce que tu étais capable d’être si gentil, si doux… Mais ça, c’est quand que tu le voulais.

Des coups de poings, des coups de pieds, des couteaux plantés sur le bord de ma gorge, des menaces de mort, des abus sexuels… c’est tout ce que j’ai connu. En plus d’avoir perdu la majorité de mes amies qui voyaient bien que quelque chose ne tournait pas rond, je me suis isolée de ma famille. J’étais seule dans un appartement avec un gars instable, dans une autre ville, loin de tout. J’étais rendue à 17 ans. Je n’avais plus aucun repère. Je me sentais sale. Même si je partais, personne ne voudrait de moi. J’étais si affreuse, si maigre, si peu importante aux yeux de tous. En fait, c’était la vision que tu avais de moi et que tu réussissais à me faire croire.

Quand un petit être s’est installé dans mon ventre, tout s’est amplifié. Évidemment, ce bébé n’était pas planifié; je prenais religieusement ma pilule. J’étais dans une relation toxique, instable et dangereuse autant pour moi que pour le bébé.

 

“Je me sentais prête, enfin.”

 

Étrangement, je m’étais attachée très rapidement à cet enfant. Nous étions deux maintenant. C’était la meilleure raison pour moi de te quitter, de retourner dans ma ville près de mes proches et commencer une nouvelle vie avec un nouvel humain. Je me sentais prête, enfin. J’imagine que tu le sentais que je me détachais, je voyais à mon tour la peur dans tes yeux. Puis, tu as pris rendez-vous dans un hôpital d’une autre région, pour céduler mon avortement.

C’est à reculons que je me suis présentée au rendez-vous. J’étais accompagné de ma mère, avec qui j’avais repris contact à l’annonce de ma grossesse. Tu n’as même pas eu les couilles de m’accompagner. Dans ma tête, je comptais garder le bébé suite à l’échographie dating. Finalement, la drogue que tu as mise dans mes verres pour me rendre malade à ne plus en finir, et ce en espérant que j’élimine le bébé naturellement, aura eu son effet. Ça et tous les coups, tous les objets que mon ventre a rencontrés en si peu de temps. Mon bébé était mort. Rien ne bougeait dans mon ventre, il n’y avait plus aucune vie. C’était de ta faute. Tu as tué mon bébé. Tu m’as tué en même temps. Je n’avais plus aucun espoir et tout s’est effondré autour de moi.

Suite à ces évènements, je suis retournée chercher mes effets personnels à l’appartement. Tu pleurais, je m’en souviens comme si c’était hier. Tu voulais que je revienne. Tu m’as même promis de me faire un bébé, que tu regrettais l’avortement. Je n’ai pas cédé. J’ai pacté mon linge et j’ai voulu franchir la porte. Un pas de trop… Encore. Tu t’es mis à me frapper au visage, tirer sur mon linge… pendant plusieurs longues minutes. Tu as réussi à me violer pour la dernière fois, même si je me suis débattue tout le long.

Je te détestais. Je voulais juste partir. Aurais-tu pu s’il-vous plait, juste me laisser PARTIR ? Jamais, j’ai fait allusion à te dénoncer, je voulais juste faire ça tranquille pour une fois. Puis comme tu voulais avoir le contrôle pour une dernière fois, tu m’as fait sortir. Je n’ai même pas touché à une marche du deuxième étage au rez-de-chaussée. Tu m’as jetée comme on lance un vilain sac de poubelle. Côtes fracturées, contusions multiples, coupures multiples et traumatisme crânien. Même le médecin n’y allait pas de main morte pour te nommer de tous les noms. Ça aura été long et pénible, mais je m’en suis sortie.

Aujourd’hui, je m’aime. J’ai un conjoint plus que compréhensif qui m’aime, mes enfants m’aiment et j’ai une famille extraordinaire. Je vis dans un cocon rempli d’amour, le vrai. Je vis dans un climat de tendresse, d’acceptation, de joie. Je travaille fort sur moi-même à chasser des démons, mais j’accepte de demander de l’aide. Je me suis choisie. Je me respecte. C’est possible de s’en sortir, même lorsqu’on n’y croit plus.

 

À toi mon enfant,

Merci.

Merci de m’avoir choisie. Merci de m’avoir sauvé la vie. Merci d’avoir compris que cette vie n’était pas saine, ni pour toi ni pour moi. Merci d’être mon ange depuis onze ans maintenant et de me protéger.

Je t’aime,

Maman

Chroniques d’une violence ordinaire

Si je vous demandais ce que signifie le 25 novembre, nul doute que c

Si je vous demandais ce que signifie le 25 novembre, nul doute que cela ne vous évoquerait pas grand-chose… sauf peut-être la Sainte-Catherine, pour ceux qui ont gardé en mémoire de vieilles traditions ! Et encore, pas sure que vous seriez nombreux à en connaitre le sens… Et bien, aujourd’hui, c’est…

 

La journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes

 

Ce sont les Nations-Unies qui en ont décidé ainsi, à la suite de l’assassinat des sœurs Mirabal en République dominicaine, en 1960, parce qu’elles militaient pour leurs droits. Les deux sœurs sont dès lors devenues les symboles du combat pour éradiquer les violences faites aux femmes partout dans le monde.

Cela fait donc presque 60 ans que tous les 25 novembre, partout dans le monde, la parole est donnée à toutes ces femmes qui subissent, au quotidien, des sévices, des tortures et de la violence sous toutes ses formes.

Et pourtant, encore, de nos jours, une femme est violée toutes les 23 secondes en Afrique ; et aux États-Unis, une femme est battue par son partenaire toutes les 15 secondes.

Mais aujourd’hui, je ne prends pas la tribune pour me faire l’écho de toutes ces histoires aussi violentes les unes que les autres.

En cette journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes, je veux simplement rompre le silence sur les réalités des femmes victimes de violence conjugale, ici, au Québec.

Aujourd’hui, je veux vous raconter une histoire d’une violence ordinaire. Cette violence, qui s’exerce au sein d’une relation amoureuse actuelle ou passée, et qui se manifeste par des comportements quotidiens, depuis les menaces verbales, l’intimidation, le harcèlement, les coups superficiels jusqu’aux blessures graves, en passant par l’agression sexuelle et la violence psychologique.

Ici, en cette journée du 25 novembre, je prends la parole pour dénoncer cette violence d’une dramatique banalité, et surtout impunément banalisée.

Aujourd’hui, je veux vous raconter une histoire d’amour qui n’en est pas. Une histoire sans « happy ending ». Une histoire qui ne fait pas rêver, mais plutôt réfléchir. Une histoire silencieuse que l’on voudrait continuer à taire.

Une histoire où les mots laissent des bleus. Autant que les coups. Car contrairement à ce que vous pourriez croire, l’homme n’a pas toujours besoin de frapper pour être violent. Et que la violence verbale et psychologique, même et surtout dans l’intimité du couple, reste de la violence.

 

Aujourd’hui, je vais donc vous raconter MON HISTOIRE

 

Tout a commencé par un coup de foudre, que j’ai pris pour de l’amour, à force de numéros de charmes, de poudre aux yeux, et de mots enrobés de chocolat amer… Un coup de foudre qui a consumé ma joie de vivre. Un coup d’amour qui a fait fondre mon estime de soi et ma confiance en moi.

Tout a commencé par une rencontre avec l’illusion de l’Idéal que je me faisais d’un homme. Un homme qui n’en avait que les habits d’apparat pour mieux me faire croire que j’étais SA femme idéale. Un homme qui de la définition n’en a que l’instinct reproducteur.

Tout a commencé par des promesses de conte de fées, une bague en diamant, une maison, des enfants… Des promesses d’engagement et d’amour toujours, pour le meilleur et pour le pire, que l’on ne s’imagine jamais… Parce qu’il est facile de croire et d’être séduite par la magie d’un monde quand on a grandi dans un monde sans magie.

Tout a continué par des promesses échues, de la manipulation au maquillage délavé, des tromperies déguisées avec des costumes usagés, mais surtout des tours de passepasse habilement maitrisés pour ne donner à voir en public qu’une pantomime amoureuse. Afin que personne ne devine le drame qui se jouait en représentation privée, une fois le rideau tombé.

Tout a continué par des paroles, arrosées de mots aussi tranchants qu’une guillotine, mais que j’ai bues chaque fois qu’il levait un toast au nom de notre amour. Puis, sont venues les remarques dénigrantes, brodées de sarcasme, servies avec des gants tellement blancs, que la préséance me contraignait à dire « Merci ». Ensuite, de tendres menaces ont commencé à s’inviter sous la couette du lit conjugale, le soir venu, pour que mon beau chevalier, toujours prêt à sortir son glaive, puisse me protéger, à corps défendant, dans une étreinte d’une pénétrante violence. C’est ainsi qu’au fil de la culpabilisation, je me suis tricoté une dépendance affective, qui, sans que je m’en rende compte, resserrait le nœud de cette relation suffocante.

Tout a continué par des bouquets de fleurs offerts d’une main, après que l’autre m’ait offert le pot. Parfois, le pot venait après les fleurs, avant même qu’elles aient le temps de se faner. Parfois, le pot venait sans fleurs. Mais sa meilleure arme restait le « Make up sexe » pour aiguiser les tensions laissées par le malaise de ses silences, pour combler le vide entre nous et surtout pour étreindre notre amour. Du sexe, comme dans un buffet libre-service, dont le mâle peut disposer à sa volonté, sans se préoccuper du consentement de sa proie. Ce sexe cinglant me prenait par devant, par-derrière, par-dessous, mais par-dessus tout, il prenait possession de mon corps, de ma tête, de mon être. Toujours sous couvert d’amour. Au point de me faire un enfant. Un bel enfant qui, au regard des autres, était une preuve d’amour. Cet enfant qui devait être le gage de sa volonté de cesser de me faire violence. Cet enfant qui finalement est la preuve de l’échec de cette épreuve d’amour.

 

Tout s’est terminé comme tout a commencé, par une illusion bien ficelée

 

Tout s’est terminé quand j’ai commencé à voir les ficelles de son jeu de dupes et à essayer de le démasquer.

Tout s’est terminé quand un coup du sort m’a présenté la mort. C’est alors que j’ai compris qu’il ne m’aimait pas et ne m’avait jamais aimé. C’est alors que j’ai appris à m’aimer et à me respecter. Parce que je veux l’amour sans la violence. Parce que la violence n’est pas de l’amour.

 

Tout s’est terminé quand je suis entrée dans le cycle de ma vie pour sortir du cycle de cette violence.