Chroniques d’une violence ordinaire

Si je vous demandais ce que signifie le 25 novembre, nul doute que cela ne vous évoquerait pas grand-chose… sauf peut-être la Sainte-Catherine, pour ceux qui ont gardé en mémoire de vieilles traditions ! Et encore, pas sure que vous seriez nombreux à en connaitre le sens… Et bien, aujourd’hui, c’est…

 

La journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes

 

Ce sont les Nations-Unies qui en ont décidé ainsi, à la suite de l’assassinat des sœurs Mirabal en République dominicaine, en 1960, parce qu’elles militaient pour leurs droits. Les deux sœurs sont dès lors devenues les symboles du combat pour éradiquer les violences faites aux femmes partout dans le monde.

Cela fait donc presque 60 ans que tous les 25 novembre, partout dans le monde, la parole est donnée à toutes ces femmes qui subissent, au quotidien, des sévices, des tortures et de la violence sous toutes ses formes.

Et pourtant, encore, de nos jours, une femme est violée toutes les 23 secondes en Afrique ; et aux États-Unis, une femme est battue par son partenaire toutes les 15 secondes.

Mais aujourd’hui, je ne prends pas la tribune pour me faire l’écho de toutes ces histoires aussi violentes les unes que les autres.

En cette journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes, je veux simplement rompre le silence sur les réalités des femmes victimes de violence conjugale, ici, au Québec.

Aujourd’hui, je veux vous raconter une histoire d’une violence ordinaire. Cette violence, qui s’exerce au sein d’une relation amoureuse actuelle ou passée, et qui se manifeste par des comportements quotidiens, depuis les menaces verbales, l’intimidation, le harcèlement, les coups superficiels jusqu’aux blessures graves, en passant par l’agression sexuelle et la violence psychologique.

Ici, en cette journée du 25 novembre, je prends la parole pour dénoncer cette violence d’une dramatique banalité, et surtout impunément banalisée.

Aujourd’hui, je veux vous raconter une histoire d’amour qui n’en est pas. Une histoire sans « happy ending ». Une histoire qui ne fait pas rêver, mais plutôt réfléchir. Une histoire silencieuse que l’on voudrait continuer à taire.

Une histoire où les mots laissent des bleus. Autant que les coups. Car contrairement à ce que vous pourriez croire, l’homme n’a pas toujours besoin de frapper pour être violent. Et que la violence verbale et psychologique, même et surtout dans l’intimité du couple, reste de la violence.

 

Aujourd’hui, je vais donc vous raconter MON HISTOIRE

 

Tout a commencé par un coup de foudre, que j’ai pris pour de l’amour, à force de numéros de charmes, de poudre aux yeux, et de mots enrobés de chocolat amer… Un coup de foudre qui a consumé ma joie de vivre. Un coup d’amour qui a fait fondre mon estime de soi et ma confiance en moi.

Tout a commencé par une rencontre avec l’illusion de l’Idéal que je me faisais d’un homme. Un homme qui n’en avait que les habits d’apparat pour mieux me faire croire que j’étais SA femme idéale. Un homme qui de la définition n’en a que l’instinct reproducteur.

Tout a commencé par des promesses de conte de fées, une bague en diamant, une maison, des enfants… Des promesses d’engagement et d’amour toujours, pour le meilleur et pour le pire, que l’on ne s’imagine jamais… Parce qu’il est facile de croire et d’être séduite par la magie d’un monde quand on a grandi dans un monde sans magie.

Tout a continué par des promesses échues, de la manipulation au maquillage délavé, des tromperies déguisées avec des costumes usagés, mais surtout des tours de passepasse habilement maitrisés pour ne donner à voir en public qu’une pantomime amoureuse. Afin que personne ne devine le drame qui se jouait en représentation privée, une fois le rideau tombé.

Tout a continué par des paroles, arrosées de mots aussi tranchants qu’une guillotine, mais que j’ai bues chaque fois qu’il levait un toast au nom de notre amour. Puis, sont venues les remarques dénigrantes, brodées de sarcasme, servies avec des gants tellement blancs, que la préséance me contraignait à dire « Merci ». Ensuite, de tendres menaces ont commencé à s’inviter sous la couette du lit conjugale, le soir venu, pour que mon beau chevalier, toujours prêt à sortir son glaive, puisse me protéger, à corps défendant, dans une étreinte d’une pénétrante violence. C’est ainsi qu’au fil de la culpabilisation, je me suis tricoté une dépendance affective, qui, sans que je m’en rende compte, resserrait le nœud de cette relation suffocante.

Tout a continué par des bouquets de fleurs offerts d’une main, après que l’autre m’ait offert le pot. Parfois, le pot venait après les fleurs, avant même qu’elles aient le temps de se faner. Parfois, le pot venait sans fleurs. Mais sa meilleure arme restait le « Make up sexe » pour aiguiser les tensions laissées par le malaise de ses silences, pour combler le vide entre nous et surtout pour étreindre notre amour. Du sexe, comme dans un buffet libre-service, dont le mâle peut disposer à sa volonté, sans se préoccuper du consentement de sa proie. Ce sexe cinglant me prenait par devant, par-derrière, par-dessous, mais par-dessus tout, il prenait possession de mon corps, de ma tête, de mon être. Toujours sous couvert d’amour. Au point de me faire un enfant. Un bel enfant qui, au regard des autres, était une preuve d’amour. Cet enfant qui devait être le gage de sa volonté de cesser de me faire violence. Cet enfant qui finalement est la preuve de l’échec de cette épreuve d’amour.

 

Tout s’est terminé comme tout a commencé, par une illusion bien ficelée

 

Tout s’est terminé quand j’ai commencé à voir les ficelles de son jeu de dupes et à essayer de le démasquer.

Tout s’est terminé quand un coup du sort m’a présenté la mort. C’est alors que j’ai compris qu’il ne m’aimait pas et ne m’avait jamais aimé. C’est alors que j’ai appris à m’aimer et à me respecter. Parce que je veux l’amour sans la violence. Parce que la violence n’est pas de l’amour.

 

Tout s’est terminé quand je suis entrée dans le cycle de ma vie pour sortir du cycle de cette violence.

 



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