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L’humanicide continue. Texte: Nathalie Courcy

Geneviève. Nathalie.</spa

Geneviève.

Nathalie.

Anne-Marie.

Maryse.

Anne-Marie.

Michèle.

Annie.

Hélène.

Barbara. 

Maud.

Maryse.

Sonia.

Annie.

Barbara.

 

À ces 14 lumières forcées de s’éteindre le 6 décembre 1989, se sont ajoutées cette année Jasmine, Anne-Marie, Monique, Patricia, Madeleine, Cynthia, Mary… et tant d’autres. Des femmes tuées dans le silence. Parfois dans l’anonymat. Parfois dans la masse. Tant de femmes mortes pour rien. Juste parce que. Mortes sans. Mortes seules. Assassinées par des malsains. Tuées parce qu’elles avaient des seins? Tuées pour leur enlever tout le sens qu’elles donnaient au monde. 

 

Au Canada, une femme ou une fille est tuée tous les deux jours. 

Dans le monde, c’est une femme ou une fille qui est tuée par sa famille toutes les 11 minutes. 

Le temps d’écrire ce court texte, au moins deux humaines de sexe féminin ont été tuées par leur père, leur mère, leur frère, leur conjoint. 

Sans compter toutes les autres, tuées en dehors de leur famille. 

L’humanité peut-elle encore se permettre de perdre toutes ces âmes, toutes ces forces?

Poser la question c’est y répondre… en sachant que la solution n’est pas trouvée.

 

Les féminicides pleuvent. 

Les femmes pleurent. 

 

Chaque fois qu’on tue une femme, une fille, un enfant, un homme, aussi, on tue l’humanité. 

Et l’humanicide continue…

 

Nathalie Courcy

 

La Belle et la B̻te РTexte: Arianne Bouchard

Il était une fois, un homme vil et méchant, qui se nourrissait des

Il était une fois, un homme vil et méchant, qui se nourrissait des insécurités de qui avait le malheur de croiser sa route.

Il avait le regard vide et froid. Contrairement à bien d’autres regards en qui j’ai pu lire à livre ouvert, dans le sien, je n’ai rien vu d’autre que le néant. Dès notre première rencontre, j’ai eu froid dans le dos et j’ai eu ce sentiment inquiétant que cette histoire qui s’entamait n’aurait pas de fin heureuse.

Il y a dix ans, je n’aurais jamais imaginé le désastre que cette rencontre provoquerait dans nos vies.

Au tout début, il avait le mérite d’être convaincant dans ses mensonges et faux-semblants d’homme bienveillant. Il était drôle et il rendait ma mère, cette femme que j’aime plus que tout au monde, heureuse, comblée et souriante. Une belle ruse pour qu’elle se sente aimée et dépendante de lui, qui était tellement tout ce dont elle pouvait rêver. Il vivait comme un prince et avec lui, elle se sentait comme une princesse.

Puis, un fameux soir, aux douze coups de minuit, le prince ne se contenta pas de devenir un horrible crapaud, il devint un monstre, pire que toutes les histoires d’horreur qu’on vous raconte quand vous êtes enfant.

Je le sais, car à cette époque, j’étais moi-même encore une enfant, et j’ai tout vu.

Le silence était rompu.

On n’entendait plus que les cris qui déchiraient la nuit et les objets qui valsaient un peu partout.

On était bien loin du monde enchanteur de la Belle et la Bête tel qu’on connaît l’histoire, quand la Bête se déchaîna pour la première fois.

Il criait, il lançait des objets et surtout, il ruait ma mère de coups, tout en lui faisant sentir que c’était de sa faute et ô combien elle méritait tel châtiment. Elle n’était jamais suffisamment gentille, jamais suffisamment drôle, jamais suffisamment bonne pour lui.

Elle ne méritait pas son amour. Il ne la méritait tout simplement pas, mais comme l’amour rend aveugle, elle ne voyait pas la bête au fond de ce prince qui la faisait se sentir si aimée.

Après ce fameux soir de grande première, la Bête étant réveillée, plus question qu’elle ne se cache. Les cris, les bris d’objets qui se fracassent contre le mur, elle qui se fracasse contre le mur… cela devint une habitude.

Un cauchemar sorti du lit et qui vous garde éveillé, en haleine, et qui vous empêche de vivre.

Peu à peu, l’incroyable prince devenu bête éloigna la Belle de toute sa famille et de tous ses amis. Bientôt, elle se retrouva seule avec ses enfants dans sa prison dorée.

Du haut de mes douze ans, je ne pouvais rien faire de mieux que de me taire, tout en essayant de la garder en vie.

Chaque souffle, chaque parole… tout pouvait entraîner la Bête dans une colère effroyable.

Avec le temps, j’ai pris de l’assurance et j’ai pris conscience que rien ne l’arrêterait. J’ai réalisé que rien ne servait de me taire et de me cacher. Il fallait que je protège la Belle pour éviter que mon frère, mes sœurs et moi-même ne devenions orphelins.

J’ai donc commencé à riposter quand il l’insultait et à m’interposer quand il la rouait de coups.

Je ne réalisais pas la force qu’il pouvait avoir, jusqu’à ce que ses mains se posent sur moi, pendant que je venais au secours de ma douce princesse qu’il tentait encore une fois d’éliminer, les mains autour de son cou pour l’étrangler.

J’ai fait une rencontre peu amicale avec le mur, qui n’était pas aussi douillet que je ne l’aurais souhaité à cet instant.

Le cauchemar a duré pendant des années.

La Belle et nous tous étions prisonniers de la Bête. Il n’était pas toujours effroyable et donc, la princesse avait espoir qu’il redeviendrait un jour le prince des bons jours.

Comme l’espoir fait vivre, la Belle est restée aux côtés de la Bête, espérant peut-être un conte de fées. Ils se marièrent, ne vécurent pas heureux et eurent deux enfants.

Il y eut quelques moments de répit au cours des années qui ont suivi cette union et puis un jour, le dernier pétale a touché le sol, et la Belle a compris que c’était fini.

La bête a à nouveau attaqué.

Devant la petite fille encore innocente qu’ils avaient conçue et le reste de ma famille, il tenta une nouvelle fois de la tuer. Il allait l’attacher derrière la voiture et la traîner sur des kilomètres, mais fort heureusement, la Belle est sortie de son aveuglement et a appelé à l’aide.

Dix ans plus tard, vaincue et brisée, la Belle a choisi la vie. Elle s’est choisie.

Son histoire ne s’achève pas là, le meilleur est à venir pour elle… je l’espère du moins.

C’est toutefois, la fin de mon récit, de mon cauchemar.

Cette histoire n’a rien d’un conte de fées. Le prince n’a même rien d’un prince et surtout il n’y a pas de fin heureuse.

Cette histoire s’achève seulement sur de profonds sentiments de regrets, parsemés de honte.

Chaque jour est un combat contre les souvenirs qui nous hantent.

Chaque jour est un combat pour recoller les morceaux de ce qui reste de nos vies brisées.

Chaque jour est une nouvelle page qui se tourne et peut-être que finalement, un jour, nous pourrons aussi avoir droit à notre happy end !

 

Arianne Bouchard

Une histoire de violence envers les femmes… Texte : Stéphanie Dumas

Ce matin, mon âme de femme a mal, ce matin je me sens écÅ“urée, fâchée et outrée face aux évÃ

Ce matin, mon âme de femme a mal, ce matin je me sens écœurée, fâchée et outrée face aux événements arrivés cette nuit-là près de chez moi. Les événements racontés ici sont réels. Toutefois, par respect, je ne donnerai pas de nom de personne ni de ville. Néanmoins, ils témoignent de la violence encore vécue par les femmes. Ils justifient la peur encore vécue par les femmes de nos jours.

C’était le 11 décembre, durant une soirée de grands vents. Tout a débuté par une étrange situation durant laquelle une femme inconnue tentait de forcer une porte pour pénétrer dans un logement qui n’était pas le sien. Après de longues minutes et de multiples tentatives accompagnées de cris, la police a été appelée sur place. La femme était alors retournée dans son logement. Jugeant la situation sous contrôle, la police a quitté les lieux en avisant les résidents que l’alcool serait la cause du comportement. C’est à ce moment que les choses ont dérapé. Des cris de femmes se sont mis à résonner dans l’édifice à logements. Les cris semblaient être des cris de détresse.

Encore une fois, la police fut appelée, mais cette fois-ci, la réponse fut toute autre. La réponse de l’agent répartiteur fut froide et sans écoute. Les mots prononcés furent les suivants : « Est-elle en danger ? Si elle est juste dérangeante, faudra vivre avec, on est débordés par ce vent. » Ce à quoi la personne ayant contacté le service du 911 répondit qu’elle ignorait si la femme était en danger, mais que les cris duraient depuis de longues minutes. La deuxième réponse fut tout aussi troublante, car l’agent répondit que « les policiers sont repartis suite à la tentative d’effraction par la femme, car ils jugeaient que c’était correct. On gère présentement des abris Tempo qui partent au vent, on n’a pas le temps… ». Faut-il donc comprendre que des abris Tempo sont jugés prioritaires face à une femme en possible détresse qui se fait battre par un homme imbibé d’alcool dans notre société ?

Les cris se sont calmés après plus d’une heure. Le lendemain matin, la nouvelle circula dans le bâtiment locatif selon laquelle la femme avait été transportée à l’hôpital au milieu de la nuit, le visage ensanglanté. Une personne ayant alors entendu de nouveau des cris s’était déplacée jusqu’au logement et avait constaté par elle-même que la femme était en détresse. Elle avait ainsi obtenu une réponse rapide des services d’urgence. Il est désolant de penser que cette triste fin aurait pu être évitée si le répartiteur ayant pris l’appel un peu plus tôt avait réagi autrement. Pire encore, c’est l’idée que la femme aurait pu être la victime d’un féminicide de plus en 2021.

La personne ayant pris des risques en allant vérifier elle-même si la femme était en détresse a reçu des menaces de mort. Nous ne savons pas si la victime a porté plainte contre son agresseur. Si aucune plainte n’est déposée, l’homme ne sera pas accusé et il n’aura pas de trace à son dossier. Il n’y aura donc eu que la douleur de cette femme.

Aujourd’hui, mon cœur de femme a mal…

 

Stéphanie Dumas

UN CALACS, MAIS QU’OSSÉ ÇA ? Texte : Cindy LB

Agression sexuelle, violence physique ou verbale, harcèlement psychologique… malheureusement, nou

Agression sexuelle, violence physique ou verbale, harcèlement psychologique… malheureusement, nous connaissons tous une personne qui a vécu une de ces situations. Nous connaissons certains organismes, les refuges pour les femmes vivant avec de la violence conjugale, mais qu’en est-il des femmes victimes d’agressions sexuelles ? Il n’y a pas beaucoup d’informations qui circulent à ce sujet, que ce soit pour avoir un soutien ou pour une personne avec qui parler. Ce que nous entendons, c’est : « Va porter plainte à la police. » Connaissant notre système de justice actuel (il y a présentement une tentative de changement, à suivre), les victimes, dont je fais partie, sont complètement découragées, perdues et se sentent abandonnées.

Première chose, je ne connaissais pas la ligne téléphonique d’aide pour les victimes d’actes sexuels : 1‑888‑933‑9007. Ce sont des intervenants spécialisés dans ce domaine, c’est confidentiel, bilingue, 24/7. J’ai téléphoné à plusieurs reprises et ils sont extraordinaires. En plus de leur écoute, ils conseillent et aident à trouver d’autres ressources d’aide. C’est justement une intervenante qui m’a fortement conseillé d’appeler un CALACS. Un quoi ? J’ai l’honneur de vous les présenter.

CALACS veut dire : Centre d’Aide et de Lutte contre les Agressions à Caractère Sexuel. Ce sont des intervenantes (femmes pour des victimes femmes) qui offrent plusieurs services : groupe de cheminement pour les femmes ayant subi une ou des agressions à caractère sexuel, cheminement individuel, soutiens aux proches, aides et référence téléphoniques, accompagnement auprès des différentes instances, elles font de la formation, de la prévention dans les écoles, de la lutte et défense des droits. Ces centres passent inaperçus, n’ont pas toute la reconnaissance qu’ils méritent. Je vais remédier à ceci maintenant.

Je viens tout juste de terminer le cheminement de groupe, 13 séances qui varient entre 1 et 2 heures, qui survolent plusieurs sujets (émotions, sexualité, intimité, honte, culpabilité, l’agression elle-même, etc.) Aucune femme n’est obligée de parler ou dire ce qu’elle ne se sent pas confortable de partager, c’est fait dans le respect et les limites de chacune. Il y a des règles bien établies dès le début, les intervenantes nous font remplir des formulaires de santé pour connaître les signes ou malaises qui pourraient survenir et être en mesure de donner les soins ou conseils pour nous aider. Par exemple, pour ma part, lorsque je vis des émotions trop intenses, je fais des crises d’angoisse très fortes, je peux perdre conscience, donc mon intervenante savait comment me garder dans le moment présent ou me ramener.

Au début de la thérapie, je ne savais pas à quoi m’attendre, j’avais la culpabilité, la honte et la colère au max. Je souhaitais être capable de vivre avec mon agression et ne plus ressentir autant d’angoisse. J’ai vite réalisé que mes objectifs étaient très hauts. Puis, les séances ont débuté, je ne voyais pas trop où les sujets que nous abordions allaient nous amener, à un point tel que j’avais presque oublié pourquoi j’étais là. Chaque sujet est très intéressant et aide dans la vie de tous les jours ; puis vient « Le récit ». Nous devons raconter notre agression avec les détails que nous sommes à l’aise de dire, et les semaines suivantes, la colère est abordée. Les trucs donnés pour évacuer cette colère peuvent être surprenants et très satisfaisants. C’est fou ce qu’une nouille de piscine peut défouler. À la fin, j’ai compris que les sujets du début étaient pour préparer le terrain pour le gros de la job. La dernière journée, il y a le bilan, où nous célébrons tout le chemin parcouru.

Je souhaitais ne plus ressentir d’angoisse ou de peur en pensant à mon agression. Non seulement j’y suis arrivée, je suis très ouverte à parler de mon agression et je veux m’impliquer pour la cause. J’ai plusieurs projets en tête comme une série de livres pour enfants qui explique le consentement et d’autres sujets relatifs aux agressions. Tous ces beaux projets et ambitions ne viennent pas de nulle part, tout vient de la confiance que mes intervenantes et femmes de mon groupe m’ont transmise. Ces femmes qui travaillent jour après jour avec des femmes brisées, traumatisées et perdues ne baissent jamais les bras. Elles travaillent sans arrêt pour améliorer le processus et trouver de nouvelles méthodes pour nous aider. Elles suivent des formations pour rester à jour ou tout simplement parce qu’elles veulent en apprendre plus pour mieux aider. Ça n’arrête pas là, non, elles font de la sensibilisation auprès des enfants et adolescents, organisent des marches pour continuer à faire avancer les droits des femmes, des victimes. Ah ! Sans oublier qu’elles accompagnent certaines femmes qui décident de confronter leur agresseur ou de porter plainte à la police tout au long du processus. Comme si ce n’était pas assez, elles gardent contact avec certaines femmes qui ont terminé leur thérapie depuis longtemps et continuent de les aider si nécessaire. Est-ce que je suis la seule à être essoufflée ? Elles font tout ça avec le plus beau et le plus sincère des sourires.

Ces centres sont essentiels, ces intervenantes sont essentielles. Les agressions sexuelles sont encore trop taboues et très mal comprises. Énormément de fausses informations et perceptions circulent. « Ben là, as‑tu vu comment elle était habillée ? Elle l’a cherché. » « Un gars, ça ne peut pas contrôler ses pulsions. » « Ouin, mais elle n’a pas dit non, elle n’a rien fait. » « Des fois, non veut dire oui. »

*La fille, ça se peut qu’elle veuille juste se sentir belle. Elle n’a pas une affiche qui dit « agresse-moi ».

*Un gars qui a appris le respect et le consentement va accepter si la fille change d’idée.

*Même si un non n’a pas été prononcé à voix haute, le fait de figer signifie un non.

*Non veut dire non. Point à la ligne.

Un CALACS change une vie, change des vies. Tu reprends le contrôle de ta vie. Tu comprends certaines choses. Ton futur est plus beau. Tu as des outils pour t’aider tout au long de ta vie. Tu peux contacter à nouveau ton intervenante en cas de besoin. Surtout, tu comprends que tu es une VICTIME, que ce n’était PAS de TA faute et que TU N’ES PAS SEULE.

Merci au CALACS L’Ancrage des Laurentides, merci à mes intervenantes.

Cindy LB

 

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Ligne téléphonique Info-Aide violences sexuelles :

1‑888‑933‑9007

 

Regroupement des CALACS du Québec (pour trouver celui le plus près) :

http://www.rqcalacs.qc.ca/

 

CALACS L’Ancrage des Laurentides et pour faire un don :

https://calacslancrage.ca/

https://calacslancrage.ca/faire-un-don/

 

 

Les gars, si on prenait soin de vous maintenant? Texte : Annick Gosselin

Dans les médias et sur les réseaux sociaux, on parle énormément de la violence faite aux femmes

Dans les médias et sur les réseaux sociaux, on parle énormément de la violence faite aux femmes et des mesures mises en place pour les aider. C’est très bien ainsi, on veut que ça cesse. Mais n’est-il pas temps de s’adresser aux hommes, d’instaurer des programmes d’aide pour eux et de les soutenir en amont, avant que ça dégénère?

De tous les temps, l’image qu’on a eu d’un homme, c’est qu’il doit être fort et le pillier de sa famille. Un homme, ça ne peut pas « flancher ».  Quand tu es un homme, un vrai, tu endures, tu ravalles et tu continues ton chemin, souvent jusqu’à ce que ça déborde en violence conjugale ou en problèmes de dépendance, notamment.

Il est temps que la société investisse pour eux et qu’on leur donne les bons outils afin qu’ils puissent apprendre à gérer adéquatement leurs émotions, accepter qu’ils ne vont pas bien et qu’ils doivent aller chercher de l’aide lorsque nécessaire.

Les femmes ont dû se battre dans plusieurs domaines afin d’atteindre l’égalité sociale et économique des hommes. Mais je crois qu’il est temps que les hommes, en ce qui a trait à leur santé mentale, aient droit au même traitement que les femmes et que nous en fassions une priorité, un choix de société.

Il nous incombe à tous d’en parler et d’être sensibles aux signes qui démontrent qu’un homme ne va pas bien. Faire preuve d’empathie, de compréhension et lui faire savoir qu’il doit demander de l’aide, c’est aussi de notre responsabilité. Il est si facile de faire comme si on ne s’en rendait pas compte et de continuer à vivre dans notre individualité quotidienne. Quand on sait qu’un gars vit quelque chose de difficile, c’est quoi de prendre de ses nouvelles? De l’écouter? D’aller boire un verre ou un café avec lui? T’sais, juste lui faire sentir qu’il n’est pas seul. Ça peut faire toute la différence quand tu ne vois plus la lumière au bout du tunnel.

Pour nos petits garçons, nos petits hommes en devenir, on a la chance de changer les futures mentalités. Il faut leur enseigner dès le plus jeune âge que c’est correct de ne pas toujours bien aller. Arrêtons de leur mettre la pression du gars fort et parfait. Montrons-leur l’importance d’avoir des émotions, donnons-leur le droit de les exprimer et les outils pour les gérer adéquatement.

Messieurs, on vous soutient. Vous avez le droit de tomber au combat, de trouver la vie difficile. Mais il n’y a rien que le temps n’arrange pas. Allez chercher de l’aide de votre famille, d’un ami, d’un collègue ou d’un professionnel, mais ne restez surtout pas seuls à porter tout le poids de vos difficultés sur vos épaules.

Annick Gosselin

La forcenée — Survivre à la violence conjugale. Texte : Eva Staire

À toi qui passes après moi et à qui je ne peux pas parler, de peur de te mettre en danger. Jâ

À toi qui passes après moi et à qui je ne peux pas parler, de peur de te mettre en danger. J’espère que ce message se rendra jusqu’à toi et jusqu’à toutes les autres…

 

Il n’a pas de nom, pas de visage, pas d’identité propre. Il s’invente une existence dans laquelle il est un héros parmi les zéros. Son histoire repose sur des illusions et un décor en carton. Mais là d’où tu es, tout semble presque parfait.

Il est brillant, éduqué, méthodique. Il est rarement grossier en public. Il prend garde à ne pas laisser de traces ou de marques : il a maintes fois répété chacun des tours qu’il a dans son sac. Son cirque en dupe plusieurs, y compris ceux qui croient connaître ses vraies couleurs.

Il s’oppose aux règles en imposant les siennes, toujours changeantes, toujours aériennes. Il y a longtemps que tu as choisi de dire comme lui et pourtant, tu as chaque fois l’impression de t’enfarger dans les fleurs du tapis. Le noir est blanc, le blanc est noir, et soudainement tout devient gris.

Il transforme tes élans et ton énergie en confettis, te met en garde contre ta famille et tes amis. Les orages sont de plus en plus fréquents, et tu te surprends à espérer toujours plus longtemps que reviennent enfin les bons moments.

Il fait dans la dentelle : il sème le doute juste après t’avoir dit à quel point tu es belle. Il te découpe l’âme au bistouri et arrive même à te faire croire que c’est joli.

Il te tord un bras pour pouvoir te baiser comme un roi. Un roi vaniteux qui n’en a que pour sa satisfaction, celle d’avoir réussi à te faire jouir avant de se vautrer dans son propre plaisir.

Si tu avais repoussé ses avances, il t’aurait fait la gueule ou un tas de remontrances. Un oui pour acheter la paix, c’est un non qui n’a pas trouvé le respect.

Tes repères foutent le camp, tu te surprends à douter de ton propre jugement. Dans ta tête, tout s’embrouille et se dissout : de peur de te noyer, tu t’accroches à son cou, à ses coups. Des coups pendables et des coups bas, que bien souvent tu ne comprends pas.

Il passe ton identité au broyeur et tu le suis à quatre pattes pour ramasser derrière lui les morceaux du casse-tête qu’est devenue ta vie. Tu tentes de recoller les pots cassés alors qu’il te les lance par la tête au fur et à mesure, en feignant du bout des lèvres de s’excuser.

Il réduit ton existence en mille miettes, puis te demande de les balayer sous la carpette. Même qu’à l’occasion, tu t’appliques à essayer d’en tirer des leçons.

Un mal à l’endroit, un mal à l’envers, il te tricote une camisole de force pour te garder prisonnière. Toi, tu camoufles les bleus invisibles qui se multiplient dans ton esprit, tu gardes la tête haute et tu souris.

Tu te pratiques devant le miroir, pour que personne ne devine que tu pleures chaque soir. Tu es devenue tellement convaincante avec le temps que tu te crois encore par moment.

Tu expliques, tu t’excuses, tu pardonnes et tu l’amuses, mais souviens-toi que tu ne seras jamais plus qu’un trophée ou un divertissement, au même titre que vos enfants.

Le jour où tu sentiras le monstre en toi devenir si puissant que tu douteras de ta capacité à le maîtriser, souviens-toi bien que tu n’es pas en train de devenir folle. Et quand tu te mettras à rêver de cette balade en voiture avec ta progéniture, celle qui se terminerait dans le ravin pour que la spirale prenne fin, FUIS ! Sauve ta peau et suis ton instinct.

Rappelle-toi que cette pulsion de vie, de survie, n’est pas celle d’une forcenée, mais bien celle d’une FORCE NÉE.

Eva Staire

 

SOS Violence conjugale : Ensemble pour un monde sans violence

1 800 363-9010 — 24/7

Par texto : 438-601-1211

 

Rebâtir : Consultations juridiques sans frais pour les personnes victimes de violence conjugale et de violence sexuelle

1 833 732-2847 (1 833 REBÂTIR)

Ce drame si pr̬s РTexte : Nathalie Courcy

J’habite à deux heures de Montréal, épicentre des crimes au Québec. J’habite dans une grande

J’habite à deux heures de Montréal, épicentre des crimes au Québec. J’habite dans une grande ville somme toute pas mal tranquille. Dans un quartier sécuritaire. Et pourtant, bang ! Ce qui a tous les airs d’un drame familial (lire : le meurtre de deux enfants innocents suivi d’un suicide) a eu lieu à cinq minutes de chez moi. Cinq. Petites. Minutes. Allons-y avec un cliché : ça n’arrive pas qu’aux autres. Ça n’arrive pas qu’ailleurs. Ça arrive dans notre cour, dans notre quartier, dans notre communauté.

Les détails liés aux décès seront révélés avec le temps et l’enquête. Tout porte à croire que des signes clairs avaient été vus et rapportés aux autorités. Les services et les soins arrivent toujours trop tard quand il y a des morts, de la violence, des menaces. Tout simplement parce que dès qu’il y a une menace, un geste ou une parole de violence, un meurtre, il y a déjà des dégâts. Il y a déjà une demande d’aide qui n’a pas été faite ou entendue.

Le résultat aujourd’hui est permanent : une maman, des grands-parents, des voisins, des amis ont perdu des humains qui leur étaient précieux. Des vies ne se poursuivront pas. Tout un quartier est choqué. Une province soupire : « Encore ? Quand ça va arrêter ? »

Une humanité pleure.

Est-ce qu’on peut laisser les enfants en dehors de ça ? Est-ce qu’on peut préserver la vie et même l’honorer ?

On ne peut pas tout mettre sur le dos de la pandémie. La violence existait avant, elle existera après. Mais est-ce possible que l’isolement, le stress, les difficultés économiques, les dépendances aient rendu une partie de la population à ce point désespérée que la vengeance et la mort leur apparaissent comme des solutions ?

Je remarque que plusieurs sont plus extrémistes qu’avant dans leurs opinions et leur façon de s’exprimer. N’y a-t-il plus de place pour les nuances ? Pour la bienveillance ? Pour la patience ?

Time-out d’adulte. La méthode du retrait, ce n’est pas que pour les enfants. On s’éloigne de la situation, on respire, on cherche des solutions, on va chercher de l’aide et on revient dans la société seulement quand on est capable de s’exprimer avec respect.

Afuuu ! Afuuu ! Inspire, expire, repeat.

 

Nathalie Courcy

Promets-toi de t’aimer en premier… Texte : Sophie Barnabé

Ma fille, t’as l’droit d’avoir peur quand t’écoutes les nou

Ma fille, t’as l’droit d’avoir peur quand t’écoutes les nouvelles… parce que c’est vrai que c’est souvent épeurant. On frissonne chaque fois qu’on entend des mots définissant trop de maux qui n’ont malheureusement rien de nouveau. Les mots marquants prononcés trop souvent : abus, violence, féminicide… Des amours qui ont mal viré, des souffrances jamais avouées, une détresse insoupçonnée. J’aimerais savoir exactement quoi t’dire pour t’éviter de tomber dans les bras d’un homme qui aime mal. J’me sens parfois dépassée et maladroite pour t’en jaser… Je remercie le ciel. Ça ne m’est jamais arrivé.

J’imagine que pour en arriver là, c’est souvent sournois… Tranquillement, il y a des rires jaunes, des petites insultes ici et là, puis un « pardonne-moi »… Du mépris écrasant, des cris à 2 pouces du nez, une main trop serrée sur un bras menacé, puis un « je t’aime tellement ». T’sais ma fille, l’amour qui t’rabaisse, l’amour qui t’fait mal, l’amour qui te draine, l’amour qui t’culpabilise, c’est pas d’l’amour ça, ma fille. J’te jure, c’est pas ça l’amour.

On manque de doigts pour compter les féminicides des quatre derniers mois. Dix, crisse ! Le même nombre qu’on compte normalement trop de fois en une année. Ça me serre en dedans en pensant à tout ce qui peut se passer derrière les portes closes et qu’on n’entend pas aux nouvelles.

Mais quand on aime, c’est tellement fort ! Quand il décide qu’il t’emprisonne, il est tellement fort… On te sensibilise, on te crie tes droits, mais au-delà des paroles, on l’sait toutes que l’amour enivre, l’amour rend aveugle. J’ai envie de t’dire : « Ouvre les yeux avant qu’ils n’aient le réflexe de se fermer devant le poing que tu penseras mérité ».

Je regarde ce qui te valorise, les modèles que tu admires, ce qui te fait rire, les rêves auxquels tu aspires… Entre ma coolitude et ma bienveillance, je ne sais parfois plus quoi penser. Entre ce qu’on te dit et ce qu’on te montre, il y a un monde… J’ai peur que la pression sociale et les messages que ta génération t’envoie t’aspirent comme une vague de fond. Quand on parle d’amour, de couple et de respect, c’est censé être beau, c’est censé te gonfler le cœur et te décrocher un sourire. Pourtant, on te dit quelque chose, mais on t’en présente une autre. J’te comprendrais si t’étais mélangée…

T’es de cette génération où les meilleures danseuses sur TikTok sont celles qui se penchent par en avant, les fesses dans les airs et qui zignent comme le fait ton chien. Quand ce sont elles, tu trouves ça bien, mais quand c’est ton chien, tu interviens. T’es de cette génération où le bestial semble normal et où la pudeur est synonyme d’ennui. Rappelle-toi qu’une relation saine est consentante. Ma fille, promets-toi de dire non quand t’as envie de te fermer les yeux parce que ce que tu fais juste pour lui plaire ne te rend pas fière…

T’es de cette génération qui envoie des photos explicites à des gars qui les montrent allègrement à leurs chums qui s’excitent. Comme si la notion d’intimité s’était évaporée. C’est pourtant tellement beau cette complicité… T’es de cette génération exposée à tant de vulgarités qu’elles en deviennent des banalités. Ces « c’est pas grave » et ces « y’a rien là » imprégnés comme l’encre d’un tatouage dans ton cerveau se traduiront comment dans ta maison une fois la porte fermée ? Rappelle-toi qu’une relation saine est riche de moments complices. Ma fille, promets-toi de ne pas tout partager ce qui est normalement réservé à l’amoureuse intimité !

Tu es de cette génération qui absorbe des infos et des images à la chaîne, sans rien remettre en question. Ta vie défile à vitesse grand V, un rythme qui t’empêche de te déposer. Tu suis la parade parce qu’elle te dicte ce que tu crois être la normalité. T’as beau te faire répéter combien l’amour c’est fort, combien les caresses sont douces, combien le respect est primordial, mais j’avoue que quand tu m’entends rire avec mes copines en disant qu’on rêve toutes d’un Christian Grey, ça s’peut que, faute de discernement, tu penses que c’est le modèle de relation convoité… Mea Culpa… Rappelle-toi qu’une relation saine est stimulante. Jamais contrôlante. Ma fille, promets-toi de te questionner quand tu sentiras ta liberté emprisonnée !

Tu es de cette génération pour qui l’image parfaite est plus importante que la souffrance que tu pourrais garder secrète. Quand je regarde les réseaux sociaux, tout le monde y met de belles photos… Y’a pas une femme qui s’affichera avec des doigts tracés sur ses bras. La fille qui s’est fait crier qu’elle était une ostie d’conne ou une salope par son chum n’en parlera pas sur le bord d’la machine à café. Elle passera pourtant ses moments de silence à se demander ce qu’elle a fait pour le provoquer… Ma fille, promets-toi de te confier quand t’auras envie de mentir pour embellir ta vie par peur que ça empire.

Ma fille, t’es à l’âge où tu rêves d’avoir un chum comme si sans ça, t’étais rien… T’es à l’âge où t’es prête à tout pour te faire aimer, où t’es prête à tout pour ne pas être rejetée… T’es à l’âge où tu passes des heures devant le miroir pour plaire plus aux autres qu’à toi… Rappelle-toi qu’une relation saine, ma fille, ça part de l’amour que tu as en premier pour toi.

Sophie Barnabé

Mes parents volés — Texte : Nathalie Courcy

Papa ? Maman ? Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus…

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Papa ? Maman ? Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus…

D’habitude, j’aime ça les autos de police et les ambulances, je trouve ça cool… mais là, il y en a partout devant la maison. Je ne comprends pas ! Les gyrophares sont allumés, il y a trop de bruits partout. Plein de gens en uniforme qui entrent et sortent sans arrêt de la maison. Et vous, vous êtes où ?

Papa, je t’ai vu sortir de la maison tantôt… Tu avais les mains derrière le dos. La tête penchée. Cachée dans quelque chose qui ressemble à de la honte. J’ai aperçu tes yeux sortis des orbites, mi-enragés et mi-affolés. Tu avais peur de quoi ? De toi ?

Maman, je t’ai vue sortir de la maison tantôt… Tu étais couchée sur un genre de lit avec des roues. Tu étais escortée par deux personnes en uniforme, comme une princesse. C’est peut-être pour ça qu’une lueur blanche te survolait. Mais maman, tu me dis toujours de ne pas mettre mes couvertures sur ma tête, tu as peur que ça m’empêche de respirer. Des draps blancs te recouvraient des pieds à la tête. Je voyais juste tes doigts dépasser, figés dans le temps. Qu’est‑ce qui va t’arriver si tu arrêtes de respirer ? Qu’est-ce qui va m’arriver, à moi ? Maman ? Tes protecteurs m’ont empêché de m’approcher de toi même si je leur ai crié que je voulais juste enlever le drap de ton visage. Ils ne le savaient pas, eux, que tu étais en danger.

Papa, maman, je suis tellement habitué d’entendre vos cris, vos insultes, les assiettes se casser sur les murs. Je suis tellement habitué de me cacher derrière le divan pour ne pas voir le couteau pointé et le fusil prêt à tirer. Je suis tellement habitué d’avoir peur… mais là, j’ai peur de ne plus vous revoir. Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus…

J’ai vu le noir de la rage sur un visage et le blanc de l’effroi sur l’autre. J’ai vu du rouge sur les murs, sur le tapis, sur ta robe, maman. Et sur tes mains, papa. J’ai vu la couleur de mon vomi qui sortait en jet tellement mon corps a accusé le choc durement. Ne me chicanez pas, je n’ai pas pu me retenir. Toi non plus, papa, mais ce n’est pas pareil. Je vais ramasser et tout nettoyer. Je vais même ramasser vos éclats de verre, à défaut de pouvoir ramasser vos éclats de voix. Et ton crâne éclaté, maman.

Papa, maman, il y a une dame ici. Elle dit qu’elle me veut du bien. Elle veut m’amener ailleurs, mais je ne veux pas. Vous m’avez toujours dit de ne pas parler aux inconnus et surtout de ne pas les suivre. Alors je ne parlerai pas tant que vous ne serez pas revenus, et je ne la suivrai pas. Jamais. Nulle part. Ils ne sauront rien de moi tant qu’ils ne vous ramèneront pas.

La madame m’a apporté un toutou, vous imaginez ? Comme si elle n’était pas au courant que tous les kidnappeurs ont des bonbons et des toutous pour attirer les enfants. Je ne me ferai pas prendre par ses ruses. Je vais me cacher, comme vous me l’avez appris et s’il le faut, je vais me sauver. Déjà que des gens vous ont volés, ils ne me voleront pas. Je serai le fort familial et je vous attendrai ici. Jusqu’à ce que vous reveniez. Vous ne pouvez pas m’abandonner, n’est-ce pas ? Je suis votre enfant, après tout. Vous êtes mes seuls parents, j’ai besoin de vous. Où êtes-vous ?

Je vois des rubans jaunes partout. Je ne sais pas lire, mais les lettres noires sur les rubans racontent un cauchemar d’enfant, j’en suis sûr. À côté de toute cette action autour de la maison, vos chicanes de couple, comme vous les appeliez, étaient presque tranquilles. Presque sécurisantes. Ou peut-être pas ? Au moins, je savais à quoi m’attendre. Ça criait, ça frappait, ça pleurait, puis ça se calmait, ça s’excusait et ça m’envoyait dans ma chambre plus tôt que d’habitude. Toute la nuit, je vous entendais respirer, c’était rassurant. Je savais que vous étiez là. Et au matin, il y avait des fleurs sur la table. Si je pars de la maison, je ne verrai pas papa déposer le bouquet de fleurs, et je ne verrai pas si maman a pu dissimuler tous ses bleus et toutes ses plaies. Peut-être que tu ne pourras pas sortir de la maison pour longtemps, hein? Papa m’a déjà expliqué que les voisins pourraient jaser, s’ils voyaient ta peau arc-en-ciel.

Papa, maman, mamie et papi viennent d’arriver. Je les vois par la fenêtre, mais je ne vous vois pas, vous. Ça m’inquiète : l’ambulance est partie, mais il y a encore plein d’autos de police. Je ne sais pas où ils vous ont amenés. Je ne sais pas pourquoi ils vous ont amenés. Loin de moi. Et j’ai peur qu’ils amènent aussi papi et mamie. La dame me dit qu’ils sont là pour moi. Mais vous, vous êtes où ?

Je vais aller dormir chez papi et mamie pour la nuit. Je reviendrai demain pour ne pas vous inquiéter. Je suis allé les rejoindre devant la maison, ils ne voulaient pas entrer. Je pense qu’ils avaient peur que le ménage ne soit pas fait. C’est vrai qu’avec tout ce rouge, le plancher n’est pas très invitant. La dame m’a pris dans ses bras pour me sortir de la maison, je n’ai pas eu à marcher dans les flaques rouges ni à ramasser mon vomi. J’espère qu’elle tiendra sa promesse et qu’elle le nettoiera. Sinon, papa, tu seras en colère contre moi. Je n’aime pas quand tu te fâches contre moi. Mais j’aime encore moins quand tu te fâches contre maman. Je n’aime pas l’entendre pleurer toute la nuit et toute la journée. Toi papa, tu ne le sais pas, parce qu’elle se tait dès qu’elle entend tes pas dans la maison. Je pense qu’elle ne veut pas que tu t’inquiètes pour elle. Elle sait que tu l’aimes, tu le lui répètes tellement souvent ! Sinon, pourquoi tu voudrais toujours savoir où elle va et avec qui ? Tu la veux pour toi tout seul parce qu’elle est comme ton trésor le plus précieux, c’est ça? Elle est si belle, ma maman ! Tu ne veux pas la partager, tu ne voudrais pas qu’on te la vole.

Mais papa, moi non plus, je ne voulais pas que tu me la voles. Dans quelques années, je comprendrai que toi, tu as volé ma mère, ma seule maman, ma maman que j’aimais tant. Dans quelques années, j’entendrai des discussions murmurées, je surprendrai des regards de pitié. On m’expliquera ce qui s’est passé ce jour-là. Je comprendrai que toi, tu as été amené dans un endroit pour les voleurs de mamans. Je lirai dans les nouvelles des mots que j’aurais voulu ne jamais lire à propos de toi, à propos de ma maman. Meurtrier, assassin, violence conjugale, tuée, poignardée à plusieurs reprises, laisse derrière elle un enfant orphelin. Prison à vie. Prison pour qui ?

Papa, tu m’as volé ma maman, mais tu m’as aussi volé mes parents. Avais-tu pensé que toi aussi, tu disparaîtrais de ma vie en faisant disparaître la vie de ma maman? Moi, j’étais trop petit pour comprendre ce qui se passait. Mais les gens en uniforme, le voisin qui a alerté la police, la dame qui m’a apporté le toutou, eux, ils le comprenaient. Je pense même que papi et mamie l’avaient compris depuis longtemps, mais ils n’ont rien dit. Ils avaient peur, eux aussi.

Monsieur, tu m’as volé mon enfance, ma naïveté, ma joie. Tu m’as emprisonné loin de vous.

Mais tu n’as pas réussi à me voler ma vie. D’accord, ça ne sera pas facile de quitter ma maison, mon école, mon quartier, ma ville, de changer de famille plusieurs fois, de me départir de mon identité de fils de meurtrier, d’enfant orphelin, de laisser aller ma culpabilité : et si j’avais crié, j’aurais pu t’arrêter, j’aurais pu la sauver… Pas facile de me défaire de ce que j’ai vu, entendu, ressenti, pendant toutes ces années de silence et de violence.

Ça ne sera pas facile d’aller au cimetière pour enterrer ma maman et tout en continuant de te chercher. On me dira que tu as fait quelque chose de très méchant et que tu es en punition. Si tu avais su à quel point j’allais passer ma vie à tout faire pour éviter de faire des choses méchantes ! J’avais si peur des punitions… mais j’avais surtout peur d’être comme toi.

 

Urgence 9-1-1

Tel-Jeunes

Cycle de la violence conjugale

SOS Violence conjugale

Violence conjugale, Gouvernement du Québec

Centre d’aide aux victimes d’actes criminels

Educaloi – Violence conjugale

 

Les gars, faut que ̤a arr̻te! РTexte : Etienne Boulay

Je pense qu’après 7 féminicides en 6 semaines, y’est temps quâ

Je pense qu’après 7 féminicides en 6 semaines, y’est temps qu’on ait cette discussion-là, entre gars. Évidemment, ce message-ci ne s’adresse pas à tous les hommes. Mais si :

Ça t’arrive de prendre du temps dans ta journée pour essayer de rentrer dans le compte Facebook de ta blonde pour savoir à qui elle parle, c’t’à toi que je m’adresse.

Si aussitôt qu’elle a le dos tourné, tu fouilles dans son téléphone cellulaire pour savoir si elle te trompe, c’t’à toi que je parle.

Si t’es le genre de gars qui lui demande de se changer parce que tu trouves que son kit est trop révélateur… c’t’à toi que je parle.

Si tu lui dis que sa famille pis ses amis, c’est de la marde pis qu’elle est chanceuse en maudit de t’avoir toi… parce que t’sais sans toi, elle en arracherait pas mal. Qu’elle serait rien. Si tu tasses tout le monde autour d’elle petit peu par petit peu… c’t’à toi que je parle.

Si quand t’es pas d’accord avec elle, tu hurles ou tu fesses dans le mur pour lui faire peur, pour qu’elle te donne raison… c’t’à toi que je parle.

La violence physique c’est une chose. Mais faut pas oublier sa petite sœur, la violence psychologique. Elle est sournoise. T’as peut-être même l’impression qu’est pas si pire que ça. Mais si tu ne fais rien pour la combattre, cette petite sœur-là, elle finit par grandir pis éventuellement, elle rejoint l’autre.

Pis j’en entends déjà me dire qu’il y a des femmes aussi qui agissent comme ça. Ben oui, c’est vrai. Mais y’a un rapport de force ici, on se contera pas de menteries. C’est quand la dernière fois que t’as entendu dire qu’un homme a été tué dans une histoire de violence conjugale ? C’est sûr que c’est déjà arrivé, mais si on sort les statistiques, je pense pas que ça va être proche. On se comprend, hein ?

Gère tes insécurités mon gars. Gère ta dépendance affective. Gère ton estime de toi. Tu mérites d’être fier de toi quand tu te regardes dans le miroir. T’as un problème. Pis y’a juste toi qui peux le régler. Y’a pas une femme au monde qui va pouvoir le faire à ta place.

Des fois, on va se le dire aussi, c’est que tu projettes sur ta blonde ton propre comportement. C’est pas parce que toi tu fais des trucs par en arrière qu’elle fait comme toi. On se comprend ?

Si quand tu parles à tes chums, tu te plains que ta blonde, c’t’une folle. Pis que ton ex aussi c’t’une folle. Pis que l’autre d’avant aussi, c’était une folle, devine quoi ? Y’a un dénominateur commun ici. C’est toi le problème. Pis tant que t’en auras pas conscience et que tu l’auras pas réglé, ta prochaine blonde pis l’autre d’après aussi, tu vas trouver qu’elles sont folles.

Tu peux pas traiter ta blonde d’une façon devant les gens pis à porte fermée, la traiter autrement. Ou être cool avec elle 95 % du temps pis l’autre 5 %, la traiter comme d’la marde. C’est sérieux ces comportements-là : même si ça arrive pas souvent. Même si c’est juste une fois de temps en temps : « Ah… c’est parce que j’étais fatigué. Ah… c’est parce qu’elle a dit quelque chose qu’il fallait pas. C’est parce que je vivais du stress ». Non mon gars, c’est parce que tu sais pas comment gérer tes émotions.

Je le sais, on est mal faits des fois, les gars. C’est peut-être le bagage qu’on traîne des générations passées : toutes les émotions négatives, on les vit toutes sous forme de colère.

T’es triste ? « Je suis en tabarn* ». Non t’es pas en tabarn*, t’es triste.

T’es déçu ? « Je suis en maudit ».

T’es insécure ? « Je suis en maudit ».

Être tough, c’est pas de lever le ton pis de lui imposer tes désirs pis ta vision. C’est pas de la blâmer pour tes insécurités pis le bagage que tu traînes. Être tough, c’est admettre que ça va pas. Admettre que t’es pas bien. Ça se peut que tu sois pas heureux avec elle. J’ai été dans une relation ultra toxique, vécu toutes sortes de frustrations, de déceptions et d’injustices. Après un bout à me faire vivre ça pis à pas être fier de moi après des chicanes, j’ai décidé de me choisir. J’ai décidé de me respecter. Ça se peut que tu ressentes toutes sortes d’émotions négatives pis que tu sois malheureux quand t’es avec elle. Y’a rien ni personne qui t’empêche de la laisser pis de sacrer ton camp.

Être tough, c’est pas facile. Parce qu’être tough, c’est se responsabiliser. Arrêter de la blâmer pour TES problèmes. T’es responsable de tes actions. T’es responsable de tes réactions. Pis t’es responsable de la gestion de tes émotions.

Des gars tough, avec des backgrounds pas faciles, qui ont été élevés dans des environnements malsains, j’en connais. C’est aussi des gars qui ont brisé le cycle de violence dans lequel ils ont grandi. Pis ils sont devenus des hommes : des maris, des chums, des papas encore plus extraordinaires grâce à leur vécu.

Pour tous les bons gars qui écoutent, je peux pas vous blâmer de ne pas vous sentir concernés. Mais voici où et comment on a besoin de vous. Si vous soupçonnez un de vos chums d’agir de la sorte, faut que vous lui parliez. Le message, le changement, y vont arriver pour vrai quand on n’acceptera pas qu’un autre gars agisse comme ça. Vous ne le laisseriez jamais parler de même à ses enfants hein ? Ben c’est la même chose pour sa blonde. Si quelqu’un traitait votre mère comme ça ? Ou votre sœur ? Ou votre fille ?

Regardez-vous dans le miroir ce soir, pis soyez francs avec vous-mêmes.

Parlez à vos chums

Parlez à vos garçons.

Aux Alouettes, on avait une règle : « If it’s one of us, it’s all of us. » Si c’est un de nous, c’est chacun de nous. Si on sortait un soir et qu’un des nôtres se mettait dans la marde, peu importe la situation ou l’attitude de marde d’un gars, c’était la faute de tout le monde. Parce que c’était notre job de se protéger mutuellement. Ben là, c’est le temps de faire la même chose comme société.

Va chercher de l’aide si t’en as besoin, ça presse.

Des ressources, il y en a à travers la province au complet. Suffit d’une petite recherche Google et le tour est joué.

Urgence  9-1-1

SOS violence conjugale 1 800 363‑9010

À cœur d’homme 1 877 660‑7799

Fédération des maisons d’hébergement pour femmes

Dans la région de Montréal :

Centre de ressources pour hommes de Montréal 514-355-8300

Faut que ça arrête.

Toi, ce poison insidieux – Texte : Annick Gosselin

Il m’aura fallu des années pour comprendre ce qui m’arrivait. J

Il m’aura fallu des années pour comprendre ce qui m’arrivait. Jamais je ne me serais doutée que j’en serais victime. Pendant si longtemps, j’ai cru à tort que je n’étais pas tolérante, que j’avais mauvais caractère et que c’est ce qui faisait en sorte que je me sentais constamment en colère contre toi.

Chaque fois que tu buvais, c’était le même manège. Tu te transformais en un vrai monstre.  Les insultes et les remarques destructrices étaient régulières, tu prenais même plaisir à me ridiculiser devant tes amis, comme si ça te donnait un super pouvoir.

Mais le jour où tu as commencé à avoir ce comportement avec nos enfants, que tu les rabaissais et les dénigrais, j’ai su que c’était inacceptable et je suis devenue une vraie lionne pour les protéger de toi. Malgré tout, j’ai supporté tes insultes encore et encore, en espérant que tu allais changer et que j’arriverais à sauver notre famille. Même si au fond, je savais que cela n’arriverait pas. Trop de colère et de méchanceté t’habitaient.

C’est mon entourage qui m’a fait comprendre quel manipulateur tu étais et que toutes ces années, j’avais été victime de violence psychologique de ta part.

La révélation a été un choc. Comment MOI, j’ai pu être aveugle à ce point? Comment j’ai pu en arriver à accepter de vivre cela? Néanmoins, je devais continuer pour nos enfants et surtout ne pas te laisser gagner, malgré le fait que j’étais pas mal abimée psychologiquement, je devais me reconstruire.

Je pensais bien qu’avec la séparation, le pouvoir que tu avais de me faire du mal cesserait enfin, mais je me suis grandement trompée. Tu te servais de ce que j’avais de plus précieux pour me faire mal, nos enfants. Je devais toujours tout accepter, car sinon, c’est sur eux que ton venin retombait. Et comme je ne voulais pas qu’ils souffrent, j’acceptais tout en me fermant et en encaissant, encore et encore.

Ça a été long pour que j’aie le courage de te faire face, que j’arrête d’accepter l’inacceptable.  Et un jour, j’ai trouvé la force. Certes, j’étais fière d’avoir tenu mon bout et de m’être respectée. Mais chaque combat que je te livrais me laissait dans un état de colère et de détresse psychologique incroyable, car tes attaques étaient profondes. Il me fallait, chaque fois, quelques jours pour m’en remettre.

Nos enfants ont grandi, ils sont devenus adultes. Mais comme nos obligations subsistent tant que les études ne sont pas finies, c’est long, très long avant de ne plus t’avoir dans ma vie. J’ai dû constamment supporter tes excès de colère et tes attaques gratuites quand tu ne voulais pas t’impliquer ou payer une facture. La discussion avec toi est impossible. Confrontation et attaques, c’est tout ce que tu connais.

Évidemment, c’est toujours quand je m’y attends le moins que tu frappes le plus fort. Me libérer de ton emprise m’aura pris de nombreuses années, mais maintenant c’est fini. Je prends la décision de me respecter en me libérant de ta présence toxique dans ma vie.

J’ai dû en venir à te bloquer comme contact dans mes courriels, mes SMS et sur les réseaux sociaux. Cette violence psychologique, même ponctuelle, fait mal et est inacceptable. La semaine dernière, c’est la dernière fois de ta vie que tu me traitais de connasse.

Annick Gosselin