La Belle et la Bête – Texte: Arianne Bouchard

Il était une fois, un homme vil et méchant, qui se nourrissait des insécurités de qui avait le malheur de croiser sa route.

Il avait le regard vide et froid. Contrairement à bien d’autres regards en qui j’ai pu lire à livre ouvert, dans le sien, je n’ai rien vu d’autre que le néant. Dès notre première rencontre, j’ai eu froid dans le dos et j’ai eu ce sentiment inquiétant que cette histoire qui s’entamait n’aurait pas de fin heureuse.

Il y a dix ans, je n’aurais jamais imaginé le désastre que cette rencontre provoquerait dans nos vies.

Au tout début, il avait le mérite d’être convaincant dans ses mensonges et faux-semblants d’homme bienveillant. Il était drôle et il rendait ma mère, cette femme que j’aime plus que tout au monde, heureuse, comblée et souriante. Une belle ruse pour qu’elle se sente aimée et dépendante de lui, qui était tellement tout ce dont elle pouvait rêver. Il vivait comme un prince et avec lui, elle se sentait comme une princesse.

Puis, un fameux soir, aux douze coups de minuit, le prince ne se contenta pas de devenir un horrible crapaud, il devint un monstre, pire que toutes les histoires d’horreur qu’on vous raconte quand vous êtes enfant.

Je le sais, car à cette époque, j’étais moi-même encore une enfant, et j’ai tout vu.

Le silence était rompu.

On n’entendait plus que les cris qui déchiraient la nuit et les objets qui valsaient un peu partout.

On était bien loin du monde enchanteur de la Belle et la Bête tel qu’on connaît l’histoire, quand la Bête se déchaîna pour la première fois.

Il criait, il lançait des objets et surtout, il ruait ma mère de coups, tout en lui faisant sentir que c’était de sa faute et ô combien elle méritait tel châtiment. Elle n’était jamais suffisamment gentille, jamais suffisamment drôle, jamais suffisamment bonne pour lui.

Elle ne méritait pas son amour. Il ne la méritait tout simplement pas, mais comme l’amour rend aveugle, elle ne voyait pas la bête au fond de ce prince qui la faisait se sentir si aimée.

Après ce fameux soir de grande première, la Bête étant réveillée, plus question qu’elle ne se cache. Les cris, les bris d’objets qui se fracassent contre le mur, elle qui se fracasse contre le mur… cela devint une habitude.

Un cauchemar sorti du lit et qui vous garde éveillé, en haleine, et qui vous empêche de vivre.

Peu à peu, l’incroyable prince devenu bête éloigna la Belle de toute sa famille et de tous ses amis. Bientôt, elle se retrouva seule avec ses enfants dans sa prison dorée.

Du haut de mes douze ans, je ne pouvais rien faire de mieux que de me taire, tout en essayant de la garder en vie.

Chaque souffle, chaque parole… tout pouvait entraîner la Bête dans une colère effroyable.

Avec le temps, j’ai pris de l’assurance et j’ai pris conscience que rien ne l’arrêterait. J’ai réalisé que rien ne servait de me taire et de me cacher. Il fallait que je protège la Belle pour éviter que mon frère, mes sœurs et moi-même ne devenions orphelins.

J’ai donc commencé à riposter quand il l’insultait et à m’interposer quand il la rouait de coups.

Je ne réalisais pas la force qu’il pouvait avoir, jusqu’à ce que ses mains se posent sur moi, pendant que je venais au secours de ma douce princesse qu’il tentait encore une fois d’éliminer, les mains autour de son cou pour l’étrangler.

J’ai fait une rencontre peu amicale avec le mur, qui n’était pas aussi douillet que je ne l’aurais souhaité à cet instant.

Le cauchemar a duré pendant des années.

La Belle et nous tous étions prisonniers de la Bête. Il n’était pas toujours effroyable et donc, la princesse avait espoir qu’il redeviendrait un jour le prince des bons jours.

Comme l’espoir fait vivre, la Belle est restée aux côtés de la Bête, espérant peut-être un conte de fées. Ils se marièrent, ne vécurent pas heureux et eurent deux enfants.

Il y eut quelques moments de répit au cours des années qui ont suivi cette union et puis un jour, le dernier pétale a touché le sol, et la Belle a compris que c’était fini.

La bête a à nouveau attaqué.

Devant la petite fille encore innocente qu’ils avaient conçue et le reste de ma famille, il tenta une nouvelle fois de la tuer. Il allait l’attacher derrière la voiture et la traîner sur des kilomètres, mais fort heureusement, la Belle est sortie de son aveuglement et a appelé à l’aide.

Dix ans plus tard, vaincue et brisée, la Belle a choisi la vie. Elle s’est choisie.

Son histoire ne s’achève pas là, le meilleur est à venir pour elle… je l’espère du moins.

C’est toutefois, la fin de mon récit, de mon cauchemar.

Cette histoire n’a rien d’un conte de fées. Le prince n’a même rien d’un prince et surtout il n’y a pas de fin heureuse.

Cette histoire s’achève seulement sur de profonds sentiments de regrets, parsemés de honte.

Chaque jour est un combat contre les souvenirs qui nous hantent.

Chaque jour est un combat pour recoller les morceaux de ce qui reste de nos vies brisées.

Chaque jour est une nouvelle page qui se tourne et peut-être que finalement, un jour, nous pourrons aussi avoir droit à notre happy end !

 

Arianne Bouchard



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