La culture du viol, l’ombre de beaucoup de gens — Texte : Eva Staire
La culture du viol. Un terme qui nous colle à la peau même si on n
La culture du viol. Un terme qui nous colle à la peau même si on ne veut pas. Non. Quand on retrouve le mot viol, on s’éloigne. Ce n’est pas nous. Mais sais-tu réellement ce qu’est la culture du viol ? Tu y as probablement déjà pris part, sans trop le savoir. Notre société y contribue. Ton chum y contribue peut-être. Ta mère aussi. Ta sœur. Ton oncle.
La foulée de #metoo a pris d’assaut les réseaux sociaux ces dernières années. Non pas que j’adhère à cette manière de dénoncer les agresseurs, mais j’adhère au mouvement étant donné que notre système de justice est clairement défaillant dans ce domaine. Je ne donne pas raison à toutes les dénonciations. Non. Mais je ne juge pas. Si un homme ou une femme décide de parler de son agresseur et de le balancer publiquement, c’est parce que quelque part, la justice n’a pas été adéquate. Après ça, il faut faire quoi ? Se taire ? Vivre avec ce traumatisme, ces blessures difficiles à cicatriser ? Après tout, nous ne sommes que des victimes, aussi bien continuer à se victimiser et à vivre dans le silence pendant que notre agresseur nie et continue à vivre comme si de rien n’était. Dénoncer, c’est difficile. Beaucoup plus que tu ne peux le croire, si tu ne l’as jamais vécu. Et je te souhaite sincèrement de ne jamais avoir à le vivre. Mais souviens-toi que souvent dans la vie, il faut le vivre pour le comprendre.
Est‑ce que le mouvement conclut que 100 % des dénonciations sont véridiques ? Bien sûr que non. Il y a toujours des exceptions. Mais je le dis : des exceptions.
L’enseignante qui a abusé de son élève est si chaude. L’élève est si chanceux. « Hey, moi dans mon temps, si ma prof avait ressemblé à ça, je ne me serais pas plaint. » Ah non ? Si c’est ta fille de quinze ans qui a des relations sexuelles avec son tuteur de vingt-cinq ans, vas-tu avoir le même discours ? Tu participes activement à la culture du viol ! Tu adhères à un comportement qui banalise et transforme en plaisanteries les agressions sexuelles. Le corps des femmes n’est pas plus un objet destiné à assouvir les besoins des hommes. Pas plus ni moins que celui des hommes. Tes commentaires sexistes sur leur physique et leur habillement créent un climat complètement normatif pour les agresseurs. Comme si quelqu’un de sexy devait être toléré comme abuseur. Comme si une personne plus laide devait absolument être plus « dégueulasse » que le bel homme d’affaires dans son beau complet.
Quand tu te fais pénétrer, toucher, étrangler… contre ton gré, que la personne soit à ton goût ou non n’enlève absolument rien au geste ! Que la personne soit un de tes bons amis, ça non plus, ça n’excuse en rien ses agissements. Même chose si cette personne est ton conjoint ou ta conjointe. Si on ne doit pas porter plainte contre les pères et les mères de famille, les personnalités connues, les gens qui ont un bon métier, que nous reste‑t‑il ? Non, les bandits ne sont pas tous des pauvres. C’est une fausse mentalité.
Souviens-toi surtout que chaque petite phrase, chaque petit mot que tu oses écrire sur une potentielle victime lui fait mal à une puissance extrêmement élevée. Dans les agressions de ce type, la responsabilité de l’agression repose sur la victime. Ce sera toujours sa parole à elle qui sera remise en cause. La victime est un témoin dans son dossier. Personne n’est là pour la défendre, contrairement à l’abuseur. Lui, le système de justice le défend.
La parfaite victime n’existe pas dans le système de justice au Québec. La parfaite victime existe cependant pour chaque agresseur. Et toi qui te permets de juger la personne qui dénonce, tu fais malheureusement partie de la culture du viol. Par tes mots, par tes actions et par ton ignorance.
Rappelle à ton enfant que son corps lui appartient. Apprends à ton enfant à parler, à dénoncer. À analyser. À réfléchir. Jugerais-tu aussi sévèrement ton frère qui s’est fait abuser par ton oncle ? Ta mère qui a subi les sévices de son père, jadis ?
Pense avant d’écrire. Étais-tu là ?
Eva Staire