Tag meurtre

Ce drame si près – Texte : Nathalie Courcy

J’habite à deux heures de Montréal, épicentre des crimes au Québec. J’habite dans une grande

J’habite à deux heures de Montréal, épicentre des crimes au Québec. J’habite dans une grande ville somme toute pas mal tranquille. Dans un quartier sécuritaire. Et pourtant, bang ! Ce qui a tous les airs d’un drame familial (lire : le meurtre de deux enfants innocents suivi d’un suicide) a eu lieu à cinq minutes de chez moi. Cinq. Petites. Minutes. Allons-y avec un cliché : ça n’arrive pas qu’aux autres. Ça n’arrive pas qu’ailleurs. Ça arrive dans notre cour, dans notre quartier, dans notre communauté.

Les détails liés aux décès seront révélés avec le temps et l’enquête. Tout porte à croire que des signes clairs avaient été vus et rapportés aux autorités. Les services et les soins arrivent toujours trop tard quand il y a des morts, de la violence, des menaces. Tout simplement parce que dès qu’il y a une menace, un geste ou une parole de violence, un meurtre, il y a déjà des dégâts. Il y a déjà une demande d’aide qui n’a pas été faite ou entendue.

Le résultat aujourd’hui est permanent : une maman, des grands-parents, des voisins, des amis ont perdu des humains qui leur étaient précieux. Des vies ne se poursuivront pas. Tout un quartier est choqué. Une province soupire : « Encore ? Quand ça va arrêter ? »

Une humanité pleure.

Est-ce qu’on peut laisser les enfants en dehors de ça ? Est-ce qu’on peut préserver la vie et même l’honorer ?

On ne peut pas tout mettre sur le dos de la pandémie. La violence existait avant, elle existera après. Mais est-ce possible que l’isolement, le stress, les difficultés économiques, les dépendances aient rendu une partie de la population à ce point désespérée que la vengeance et la mort leur apparaissent comme des solutions ?

Je remarque que plusieurs sont plus extrémistes qu’avant dans leurs opinions et leur façon de s’exprimer. N’y a-t-il plus de place pour les nuances ? Pour la bienveillance ? Pour la patience ?

Time-out d’adulte. La méthode du retrait, ce n’est pas que pour les enfants. On s’éloigne de la situation, on respire, on cherche des solutions, on va chercher de l’aide et on revient dans la société seulement quand on est capable de s’exprimer avec respect.

Afuuu ! Afuuu ! Inspire, expire, repeat.

 

Nathalie Courcy

Mes parents volés — Texte : Nathalie Courcy

Papa ? Maman ? Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus…

<

Papa ? Maman ? Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus…

D’habitude, j’aime ça les autos de police et les ambulances, je trouve ça cool… mais là, il y en a partout devant la maison. Je ne comprends pas ! Les gyrophares sont allumés, il y a trop de bruits partout. Plein de gens en uniforme qui entrent et sortent sans arrêt de la maison. Et vous, vous êtes où ?

Papa, je t’ai vu sortir de la maison tantôt… Tu avais les mains derrière le dos. La tête penchée. Cachée dans quelque chose qui ressemble à de la honte. J’ai aperçu tes yeux sortis des orbites, mi-enragés et mi-affolés. Tu avais peur de quoi ? De toi ?

Maman, je t’ai vue sortir de la maison tantôt… Tu étais couchée sur un genre de lit avec des roues. Tu étais escortée par deux personnes en uniforme, comme une princesse. C’est peut-être pour ça qu’une lueur blanche te survolait. Mais maman, tu me dis toujours de ne pas mettre mes couvertures sur ma tête, tu as peur que ça m’empêche de respirer. Des draps blancs te recouvraient des pieds à la tête. Je voyais juste tes doigts dépasser, figés dans le temps. Qu’est‑ce qui va t’arriver si tu arrêtes de respirer ? Qu’est-ce qui va m’arriver, à moi ? Maman ? Tes protecteurs m’ont empêché de m’approcher de toi même si je leur ai crié que je voulais juste enlever le drap de ton visage. Ils ne le savaient pas, eux, que tu étais en danger.

Papa, maman, je suis tellement habitué d’entendre vos cris, vos insultes, les assiettes se casser sur les murs. Je suis tellement habitué de me cacher derrière le divan pour ne pas voir le couteau pointé et le fusil prêt à tirer. Je suis tellement habitué d’avoir peur… mais là, j’ai peur de ne plus vous revoir. Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus…

J’ai vu le noir de la rage sur un visage et le blanc de l’effroi sur l’autre. J’ai vu du rouge sur les murs, sur le tapis, sur ta robe, maman. Et sur tes mains, papa. J’ai vu la couleur de mon vomi qui sortait en jet tellement mon corps a accusé le choc durement. Ne me chicanez pas, je n’ai pas pu me retenir. Toi non plus, papa, mais ce n’est pas pareil. Je vais ramasser et tout nettoyer. Je vais même ramasser vos éclats de verre, à défaut de pouvoir ramasser vos éclats de voix. Et ton crâne éclaté, maman.

Papa, maman, il y a une dame ici. Elle dit qu’elle me veut du bien. Elle veut m’amener ailleurs, mais je ne veux pas. Vous m’avez toujours dit de ne pas parler aux inconnus et surtout de ne pas les suivre. Alors je ne parlerai pas tant que vous ne serez pas revenus, et je ne la suivrai pas. Jamais. Nulle part. Ils ne sauront rien de moi tant qu’ils ne vous ramèneront pas.

La madame m’a apporté un toutou, vous imaginez ? Comme si elle n’était pas au courant que tous les kidnappeurs ont des bonbons et des toutous pour attirer les enfants. Je ne me ferai pas prendre par ses ruses. Je vais me cacher, comme vous me l’avez appris et s’il le faut, je vais me sauver. Déjà que des gens vous ont volés, ils ne me voleront pas. Je serai le fort familial et je vous attendrai ici. Jusqu’à ce que vous reveniez. Vous ne pouvez pas m’abandonner, n’est-ce pas ? Je suis votre enfant, après tout. Vous êtes mes seuls parents, j’ai besoin de vous. Où êtes-vous ?

Je vois des rubans jaunes partout. Je ne sais pas lire, mais les lettres noires sur les rubans racontent un cauchemar d’enfant, j’en suis sûr. À côté de toute cette action autour de la maison, vos chicanes de couple, comme vous les appeliez, étaient presque tranquilles. Presque sécurisantes. Ou peut-être pas ? Au moins, je savais à quoi m’attendre. Ça criait, ça frappait, ça pleurait, puis ça se calmait, ça s’excusait et ça m’envoyait dans ma chambre plus tôt que d’habitude. Toute la nuit, je vous entendais respirer, c’était rassurant. Je savais que vous étiez là. Et au matin, il y avait des fleurs sur la table. Si je pars de la maison, je ne verrai pas papa déposer le bouquet de fleurs, et je ne verrai pas si maman a pu dissimuler tous ses bleus et toutes ses plaies. Peut-être que tu ne pourras pas sortir de la maison pour longtemps, hein? Papa m’a déjà expliqué que les voisins pourraient jaser, s’ils voyaient ta peau arc-en-ciel.

Papa, maman, mamie et papi viennent d’arriver. Je les vois par la fenêtre, mais je ne vous vois pas, vous. Ça m’inquiète : l’ambulance est partie, mais il y a encore plein d’autos de police. Je ne sais pas où ils vous ont amenés. Je ne sais pas pourquoi ils vous ont amenés. Loin de moi. Et j’ai peur qu’ils amènent aussi papi et mamie. La dame me dit qu’ils sont là pour moi. Mais vous, vous êtes où ?

Je vais aller dormir chez papi et mamie pour la nuit. Je reviendrai demain pour ne pas vous inquiéter. Je suis allé les rejoindre devant la maison, ils ne voulaient pas entrer. Je pense qu’ils avaient peur que le ménage ne soit pas fait. C’est vrai qu’avec tout ce rouge, le plancher n’est pas très invitant. La dame m’a pris dans ses bras pour me sortir de la maison, je n’ai pas eu à marcher dans les flaques rouges ni à ramasser mon vomi. J’espère qu’elle tiendra sa promesse et qu’elle le nettoiera. Sinon, papa, tu seras en colère contre moi. Je n’aime pas quand tu te fâches contre moi. Mais j’aime encore moins quand tu te fâches contre maman. Je n’aime pas l’entendre pleurer toute la nuit et toute la journée. Toi papa, tu ne le sais pas, parce qu’elle se tait dès qu’elle entend tes pas dans la maison. Je pense qu’elle ne veut pas que tu t’inquiètes pour elle. Elle sait que tu l’aimes, tu le lui répètes tellement souvent ! Sinon, pourquoi tu voudrais toujours savoir où elle va et avec qui ? Tu la veux pour toi tout seul parce qu’elle est comme ton trésor le plus précieux, c’est ça? Elle est si belle, ma maman ! Tu ne veux pas la partager, tu ne voudrais pas qu’on te la vole.

Mais papa, moi non plus, je ne voulais pas que tu me la voles. Dans quelques années, je comprendrai que toi, tu as volé ma mère, ma seule maman, ma maman que j’aimais tant. Dans quelques années, j’entendrai des discussions murmurées, je surprendrai des regards de pitié. On m’expliquera ce qui s’est passé ce jour-là. Je comprendrai que toi, tu as été amené dans un endroit pour les voleurs de mamans. Je lirai dans les nouvelles des mots que j’aurais voulu ne jamais lire à propos de toi, à propos de ma maman. Meurtrier, assassin, violence conjugale, tuée, poignardée à plusieurs reprises, laisse derrière elle un enfant orphelin. Prison à vie. Prison pour qui ?

Papa, tu m’as volé ma maman, mais tu m’as aussi volé mes parents. Avais-tu pensé que toi aussi, tu disparaîtrais de ma vie en faisant disparaître la vie de ma maman? Moi, j’étais trop petit pour comprendre ce qui se passait. Mais les gens en uniforme, le voisin qui a alerté la police, la dame qui m’a apporté le toutou, eux, ils le comprenaient. Je pense même que papi et mamie l’avaient compris depuis longtemps, mais ils n’ont rien dit. Ils avaient peur, eux aussi.

Monsieur, tu m’as volé mon enfance, ma naïveté, ma joie. Tu m’as emprisonné loin de vous.

Mais tu n’as pas réussi à me voler ma vie. D’accord, ça ne sera pas facile de quitter ma maison, mon école, mon quartier, ma ville, de changer de famille plusieurs fois, de me départir de mon identité de fils de meurtrier, d’enfant orphelin, de laisser aller ma culpabilité : et si j’avais crié, j’aurais pu t’arrêter, j’aurais pu la sauver… Pas facile de me défaire de ce que j’ai vu, entendu, ressenti, pendant toutes ces années de silence et de violence.

Ça ne sera pas facile d’aller au cimetière pour enterrer ma maman et tout en continuant de te chercher. On me dira que tu as fait quelque chose de très méchant et que tu es en punition. Si tu avais su à quel point j’allais passer ma vie à tout faire pour éviter de faire des choses méchantes ! J’avais si peur des punitions… mais j’avais surtout peur d’être comme toi.

 

Urgence 9-1-1

Tel-Jeunes

Cycle de la violence conjugale

SOS Violence conjugale

Violence conjugale, Gouvernement du Québec

Centre d’aide aux victimes d’actes criminels

Educaloi – Violence conjugale

 

Un autre drame conjugal

<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 107%; font-family: 'Tim

Il y a quelques jours, un autre drame familial s’est joué. Nous connaissons le résultat : six enfants orphelins et marqués à vie ainsi que deux familles et plusieurs amis et collègues changés à jamais. Lorsque ces drames arrivent, nous nous posons la question : pourquoi? Moi, cette fois-ci, j’ai angoissé. J’ai eu peur, car je me demande si nous n’allons pas développer une fausse résilience, une forme d’insensibilité face à ces drames parce que ça va en quelque sorte faire partie du quotidien. Il ne faut absolument pas que nous développions ce réflexe.

 

En participant à diverses discussions sur les médias sociaux et avec des collègues de travail, deux points m’ont marquée. En premier lieu, je sens que les hommes en général ont une certaine forme de gêne. Ils sont frustrés, oui, mais aussi gênés. Ils se sentent mal pour le geste qu’un autre homme dans les mêmes passages de vie peut faire. Quoi vous dire, messieurs? On comprend que ce n’est pas vous, que c’est un cas (oui, il y en a eu beaucoup dans les derniers mois).

 

L’autre point qui me frappe, c’est qu’il y en a beaucoup, mais alors beaucoup de femmes avec des bagages de violence conjugale. Ça me frappe, me fait retomber sur terre et j’ai mal. Des femmes qui doivent faire des choix de vie, changer de ville, avoir peur d’aller à l’épicerie seules… Bref, un gros choc pour moi de réaliser tout ce que leur vie comprend comme obstacles.

 

L’autre point auquel j’adhère entièrement, c’est celui de certains médias concernant leur façon de véhiculer la nouvelle. Au lendemain du drame, un célèbre animateur de radio expliquait qu’il faut arrêter d’aller interviewer les familles au lendemain de ces drames, car c’est certain que ce sont des familles modèles, des familles parfaites.

 

La vérité, c’est qu’une famille parfaite, ça n’existe pas, de la même façon qu’une vie parfaite n’existe pas. Il y a peut-être un point de départ dans tout ça. Si on regarde les derniers drames, on le sait qu’il y a de la souffrance, il y a de la non-acceptation de certains passages de vie. La vie, c’est loin d’être un long fleuve tranquille. La vie est constituée de victoires et de joies, mais aussi de peine et d’échecs. C’est le mélange de tout cela qui nous fait avancer.

 

Un constat que je fais, c’est la relation d’aide. Il est à mon avis impératif que tout être humain ait une base de formation et de connaissances des relations humaines. Je ne sais pas comment y arriver, mais il faut valoriser cet aspect à l’aide du système scolaire, des milieux de travail, etc.

 

Dans quelques jours, ce sera la fameuse journée pour la santé mentale. Il est de mon point de vue que cette journée a encore davantage d’importance cette année : nous devons causer, nous devons porter attention à autrui.

 

S’accepter, accepter que nous ne sommes pas parfaits, mais jamais, alors JAMAIS tomber dans une fausse résilience sur la violence conjugale. C’est notre devoir pour ces six enfants changés à jamais. Donnons-nous de la douceur et de l’amour.

 

Evelyne Blanchette

 

 

La misère humaine

De par mon parcours de vie et mon travail, la misère humaine, je sa

De par mon parcours de vie et mon travail, la misère humaine, je sais qu’elle existe. Cette profonde détresse sociale qui masque le cœur des gens et les entraîne dans des patterns inimaginables. Comment est-ce qu’on peut vendre son enfant pour des services sexuels en échange de drogue ? Secouer son bébé ? Assassiner la chair de sa chair ? Violenter les gens qui devraient être les personnes les plus précieuses dans notre vie ? Il faut avoir côtoyé la misère humaine pour comprendre que le problème, il est profond, complexe et surtout très confrontant.

Il y a quelques jours, le pire est arrivé à la petite Rosalie. On ne sait pas tout, mais on connaît le résultat final et c’est bien suffisant. La mère en moi a fermé les articles, car c’était trop difficile à lire, à imaginer. Puis, j’ai fait l’erreur de lire quelques commentaires. J’ai été frustrée par en dedans quand on souhaitait haut et fort la mort de sa mère et de tous les parents qui n’arrivent pas à protéger leurs enfants. Tuer une personne parce qu’elle en aurait tué une autre, ça ne fait pas aussi de nous des tueurs ? Ça ne fait pas de nous des gens qui utilisent le même moyen que l’on dénonce ? En tout cas, ce n’est pas le but de mon texte. Puis on ne connaît même pas le fond de l’histoire, sa mère, elle est innocente jusqu’à preuve du contraire, ne l’oublions pas.

Ça m’a ramenée à il y a quelques semaines, j’étais triste aussi. Suite à l’annonce de la gratuité des services de garde en milieu défavorisé, j’ai encore une fois fait l’erreur de lire les commentaires sur Facebook. Une bonne partie des gens étaient frustrés : « Wow m’a y aller sur le BS c’est ben plus payant », « Maudit moi je travaille fort pis j’ai de la misère à arriver, le gouvernement ne peut pas m’aider moi aussi au lieu des criss de BS », ainsi de suite.

J’aurais besoin qu’on m’explique : elle est où, la cohérence collective ? Rosalie, vous auriez aimé que le système la protège, mais en même temps, il ne faudrait pas que le système investisse chez les plus pauvres, jamais, parce que ce sont juste des BS qui vont en profiter ?

Vous savez quoi ? J’aurais envie de proposer le contraire : « Qu’ils aillent donc sur le BS, ceux qui travaillent ! » On s’en reparlera dans quelques mois. J’offre même de l’aide pour le déménagement, parce que ça m’étonnerait que vous puissiez rester dans le même quartier, la même maison, le même voisinage. Même avec cet exercice, ce ne serait pas réaliste puisque vous n’auriez pas eu la même enfance, les mêmes traumatismes, la même personnalité que ceux que vous dénoncez. Vous n’auriez pas le poids de la transmission intergénérationnelle, de l’ostracisation de la société, de l’isolement, de la souffrance si grande qu’elle coupe toute forme d’empathie.

Peut-être, par contre, que cela permettrait de vivre le problème de l’intérieur. D’entendre le voisin battre sa femme ou la femme battre son conjoint et le faire accuser par la suite, de voir des enfants trop seuls, trop tard dans la rue, d’entendre des bébés hurler à longueur de journée et des parents hurler encore plus fort pour qu’ils cessent.

On fait quoi ? On les ramène tous les enfants chez soi ? On les place tous ?

Des fois, sortir un enfant d’un milieu toxique et le mettre dans une belle petite famille aimante, c’est traumatisant pour lui, il perd des repères qui, bien que malsains, lui permettait de survivre un minimum.

Comment est-ce qu’on traite les personnes les plus vulnérables de notre système ? Dans quoi choisit-on d’investir comme communauté ? Comment fait-on pour briser l’isolement qui crée de la détresse sociale ? Je n’ai pas de réponses, mais je sais que la haine n’est pas une option constructive.

Roxane Larocque

 

Il était une fois, une princesse nommée Daphné…

Il était une fois, une princesse nommée Daphné. Fragile et jolie,

Il était une fois, une princesse nommée Daphné. Fragile et jolie, elle cherchait le prince charmant qui viendrait la délivrer. Il a surgi, grand et fort, pour la secourir et la protéger. Il l’aimait profondément, sa princesse. Si bien qu’un jour, il lui a enlevé la vie.

Daphné

Ce texte n’est pas un témoignage personnel. Il est simplement inspiré du drame survenu à Saint-Hilaire il y a quelques semaines. Le père de cette jeune fille et sa conjointe étant des connaissances de mon entourage, cette tragédie m’a particulièrement touchée.

Même si je les connais très peu, je peux me faire une bonne idée de leur chagrin et de leur vie qui s’est fracassée en miettes, le 22 mars. J’ai aussi une pensée et surtout, une bouffée d’amour pour le frère et la sœur de Daphné. Comment explique-t-on une telle calamité à des enfants?

Comme j’ai suivi l’affaire avec attention, je suis tombée sur le magnifique article de Patrick Lagacé dans La Presse (voir le lien ci-dessous). Ce dernier se demande si on parle suffisamment d’amour avec nos enfants. Ma réponse à cette question est non.

On présente souvent l’amour à nos enfants comme un conte de fées. On n’a qu’à penser à Blanche Neige et les sept nains ou à La belle et la bête. De jolies robes et des personnages attachants viennent embellir le tout. Présenter l’amour aux enfants de façon féérique est une bonne chose et bien sûr, lorsque l’amour en est à ses premiers balbutiements, il est léger et grisant.

Cependant, il faudrait écrire une suite. Ce second tome s’adresserait sans doute plus aux adolescents et adolescentes en quête d’amour. On expliquerait alors que l’amour est fait de petites et de grandes concessions, qu’il s’use sur les bancs du quotidien et qu’il se perd dans les horaires trop chargés.

Dans la vie de tous les jours, Elsa et Anna perdent un peu de leur magie et Aladdin devient un peu moins romantique. Il faut soigner et cajoler l’amour pour le faire durer. Il ne faut surtout pas le tenir pour acquis.

Il faudrait ajouter un troisième tome, dans lequel on expliquerait aux jeunes et moins jeunes que si l’amour peut vous transporter au septième ciel, il peut aussi vous blesser jusqu’au tréfonds de l’âme quand il meurt. Il peut vous donner des ailes à sa naissance, mais vous broyer les tripes lorsqu’il s’éteint. On a alors le sentiment de mourir avec cet amour et de n’être plus rien.

Blessée, la Princesse au Bois dormant peut vite devenir fragile et vulnérable, ou encore se transformer en méchante Cruella. Quant au prince charmant, il peut se changer en tout petit crapaud ou muer en dangereux dragon.

Finalement, il serait primordial que cette série de contes se termine en insistant sur ces propos : les peines d’amour finissent par guérir, et laisser partir quelqu’un qu’on aime est un geste d’amour en soi. Tout comme l’indique Patrick Lagacé dans son article, il faut du temps et rien d’autre.

Les jeunes doivent savoir que même si on a l’impression de mourir lorsque l’amour nous quitte, on en sortira plus fort. Une fois la douleur apaisée, on revit, et ceci, sans avoir besoin du baiser glorieux d’un Shrek.

Pour ce qui est de princesse Daphné, aucun prince charmant ne viendra la réveiller… malheureusement. Toutefois, du haut de son ciel, elle veillera sans doute sur un tas de fillettes pour que leur conte de fées se termine par :

Elles vécurent heureuses et eurent… beaucoup d’enfants droits au respect et à la dignité.

Pour l’amour de vos enfants et de toutes celles qui, comme Daphné, ont perdu la vie au nom de l’amour; PARLEZ-LEUR D’AMOUR!

En terminant, je souhaite mes condoléances les plus sincères, mille condoléances et tout autre sentiment de paix et d’amour aux proches de Daphné Boudreault.

Isabelle Lord

Voici le lien pour lire le texte de Patrick Lagacé dans La Presse

http://plus.lapresse.ca/screens/2dde3bcc-0151-4dbd-acb8-dd6ba3f35785%7C_0.html