Tag post-traumatique

« Souris, papa »

Le bruit m’affecte. Beaucoup. Et c’est invivable.

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Le bruit m’affecte. Beaucoup. Et c’est invivable.

Pourquoi? Je n’ai pas de réponse précise à cette question, mais je continue à chercher des solutions.

L’été dernier, j’ai découvert un outil qui m’aide grandement : me boucher les oreilles. On était allés à une plage publique sur le bord d’un lac. J’y étais allé un peu à reculons, mais je voulais faire plaisir à mes enfants.

Sur place, j’étouffais. Il y avait plein de gens et la musique était vraiment forte. En bon militaire, je me suis concentré sur ma mission : rendre ma famille heureuse. Je devais trouver un moyen de décompresser à travers cela.

Finalement, je me suis trouvé un espace pas trop achalandé. Je me suis installé là avec ma chaise zéro gravité. Avec des coupe-sons de style industriel sur mes oreilles, mon chapeau et mes lunettes fumées, j’ai fermé les yeux pendant au moins deux heures. Après ce temps, j’ai ouvert les yeux de façon graduelle afin de m’adapter à l’endroit et ça a fonctionné. Depuis ce temps, je porte des bouchons dans mes oreilles. C’est beaucoup plus discret, j’avoue!

Les enfants grandissent et font de plus en plus de bruit le matin. Les petits cris aigus sont assez fréquents. Les chicanes aussi. Les rires sont de plus en plus forts. J’ai eu des crises intenses de rage, de la misère à me contrôler, et ce, pendant des années. Le bruit m’irritait, mais je ne savais pas pourquoi.

Au fil du temps, j’ai commencé à comprendre certaines choses. Ma psychologue m’aide à reconnaître les signes physiques de détresse pour m’aider à trouver des solutions. Maintenant, le matin, lorsque mes enfants parlent fort, crient ou se chicanent, je suis conscient des signes.

En découvrant les signes, j’ai découvert que j’avais des « blackouts ». Ne me demandez pas ce qui se passe pendant mes « blackouts ». Je ne pourrais pas vous le décrire.

Un matin de semaine, l’an dernier, aussitôt arrivé dans la cuisine, le bruit me faisait (physiquement) mal. Je me suis mis à paniquer. Très vite, mon irritabilité a grimpé. Le ton de ma voix a aussi grimpé soudainement. Mon rythme cardiaque s’est emballé. Ma respiration s’est faite plus courte. Mon champ de vision a commencé à rétrécir et ma vision à se brouiller. Une série d’événements s’est produite, mais à ce stade‑là, je ne voyais plus rien. J’avais un « blackout ». Ma femme m’a vu dans un moment de panique totale. J’avais de la misère à coordonner mes mouvements. Je ne savais plus quelle direction prendre. C’était le noir total.

« Souris, Carl. »

« Souris, papa. »

J’étais dans le noir total et j’ai entendu leurs voix.

C’est alors que je me suis « réveillé ». Je suis sorti dehors pour prendre l’air et décompresser.

C’est un exemple parmi tant d’autres. Mais c’est celui dont je me souviens le mieux.

« Souris » est un mot de code dont nous avions convenu ensemble lors d’une rencontre familiale avec la travailleuse sociale de la clinique de Blessure de Stress Opérationnel. Cette rencontre avait pour but d’expliquer aux enfants pourquoi papa avait une blessure et avait des services de réadaptation. Nous nous devions aussi de trouver des solutions pour m’aider à m’en sortir. Il a donc été convenu avec les enfants que lorsque papa aurait une crise, ils pourraient simplement dire : « Souris, papa ».

Et ça fonctionne!

Beaucoup de gens n’osent pas parler, car ils pensent qu’ils sont en train de devenir fous. Et bien moi, je vous en parle. Et je ne suis pas fou.

Les « blackouts » sont un des aspects les plus sévères du TSPT. J’en ai eu souvent. J’ai aussi fréquemment une réduction de mon champ de vision. Ça fait partie de mon quotidien si je m’expose en public.

« Souris, Carl. »

« Souris, papa. »

Je suis confiant que bientôt, « blackouts » et autres symptômes seront chose du passé, grâce aux personnes que j’aime le plus au monde!

Carl Audet

 

Ne pas oublier la règle numéro 4

Ça s’est passé samedi matin. Je m’étais levé tôt, pour fair

Ça s’est passé samedi matin. Je m’étais levé tôt, pour faire changement. Normalement, je n’ai pas beaucoup d’énergie et je dors beaucoup.

Je m’étais dit que j’allais faire un petit spécial pour aller dans un magasin à grande surface, tôt, au lieu d’y aller pendant la semaine.

J’ai commencé à paniquer à mon arrivée dans le stationnement. J’ai eu de la misère à me trouver un espace de stationnement et mon cœur battait à pleine vitesse. J’ai donc pris une pause à l’extérieur avant d’entrer. J’avais peur de faire face à beaucoup de gens une fois à l’intérieur.

Lorsque je me suis senti un peu plus calme, j’ai décidé d’entrer.

Règle numéro 1 : Ne pas trop regarder les gens.

Tout n’allait pas trop mal, mais mon champ de vision avait rétréci. Ma vision s’était embrouillée un peu.

Règle numéro 2 : Me concentrer sur ma mission.

Ma mission était d’acheter seulement ce dont j’avais besoin. J’avais une liste afin de me faciliter la vie.

Règle numéro 3 : Ne pas perdre de temps.

J’avais décidé d’accélérer le pas, même si je boitais un peu et que ma jambe gauche me faisait mal.

Règle numéro 4 : Prendre mon médicament de secours ou sortir.

J’ai toujours mon médicament de secours avec moi, à prendre en cas de perte de contrôle. Je n’en étais pas encore à ce point.

Ça se passait moyen et je tenais le coup. Les allées larges étaient presque vides et pas du tout achalandées. Dans des allées étroites, j’étouffe!

Boom! Attaque d’anxiété dans le coin des fruits et légumes! Dans ce département, il y avait plein de gens et j’avais de la misère à passer. Mon champ de vision a rétréci encore davantage. Mon rythme cardiaque a augmenté. Ma respiration est devenue de plus en plus rapide. J’essayais de prendre de bonnes respirations pour diminuer mon stress, mais soudainement, ça a commencé à me tirer à droite, dans le visage. Là, je le savais, mon visage allait commencer à devenir tout croche.

Alerte! Règle numéro 4. J’ai décidé de sortir. Donc je me suis dirigé vers la caisse avec la file d’attente la plus courte. Je n’avais même pas pris le temps de mettre ma tuque et mes gants pour sortir. Instantanément, une fois dehors, j’ai commencé à mieux respirer. Mon champ de vision s’est élargi et est devenu de plus en plus clair. La tension dans le côté droit de mon visage a diminué tranquillement. Sur le chemin du retour à la maison, tout allait mieux, mais je ressentais beaucoup de fatigue.

Je tenais vraiment à vous expliquer ce symptôme très sévère du TSPT. Il s’agit d’un signe physique à ne pas négliger si l’on souffre de cette blessure.

Carl Audet

 

Crise à la maternelle

C’était un beau matin ensoleillé. Je m’étais levé de bonne h

C’était un beau matin ensoleillé. Je m’étais levé de bonne humeur et tout allait bien. Je m’étais dit en prenant mon café que ce serait une très belle journée. J’étais allé mener ma fille à l’arrêt d’autobus avec le cœur paisible. Par la suite, je m’étais rendu à l’école avec mon fils et ma femme. Mon fils devait aller porter ses effets scolaires ce matin­‑là pour sa rentrée à la maternelle.

Arrivé à l’école, tout allait bien. J’étais un papa extrêmement fier d’aller avec mon garçon à son premier jour de classe à vie. C’est quand même un évènement marquant pour un enfant. Dans la classe, fiston a décidé que c’est papa qui complèterait les papiers. Maman, elle, devait écouter les directives de l’enseignante.

J’avais fini de remplir les formulaires lorsque j’ai commencé à avoir des flashbacks. Le stress s’était mis en place rapidement. Ma respiration était courte et mon rythme cardiaque était plus rapide. Mes pensées étaient embrouillées et je n’étais plus capable d’entendre ce qui se passait. J’avais beaucoup de difficulté à rester là et je voulais juste m’enfuir.

Mais non ! Je ne pouvais pas. C’était une journée importante pour mon fils. J’essayais de prendre de bonnes respirations, discrètement. Inspire, expire… Je ne voulais pas que les autres parents me remarquent. Mon champ de vision avait rétréci.

Les autres enfants étaient chanceux. Ils n’avaient pas un papa ou une maman atteints du TSPT.

Ah oui ! Ma femme revenait de la salle de bain. Elle me l’avait dit et je ne m’en souvenais plus. « Chérie, dis‑moi quoi faire parce que là, ça ne va pas du tout. Je ne sais plus quoi faire. » J’étais vraiment perdu et en détresse. Moi qui avais dirigé du personnel dans des situations exigeantes. Moi qui avais formé des recrues dans les Forces armées canadiennes. Moi qui avais transformé des citoyens en soldats. Moi qui avais effectué des missions à l’étranger. Là, j’étais au pied du mur. Je ne pouvais même pas faire ce que l’enseignante demandait aux enfants de cinq ans. Quelle humiliation pour moi ! Je me sentais tellement inutile et incompétent ! Il n’y a pas de mots pour exprimer la douleur et la honte que j’aie ressenties cette journée‑là.

Heureusement, j’avais rendez-vous avec une personne formidable à la fin de ma journée et tout s’est bien terminé.

Carl Audet

Le mauvais chum dans le salon

2004, j’étais presque à la fin de ma mission en Afghanistan, et

2004, j’étais presque à la fin de ma mission en Afghanistan, et j’avais le pressentiment que cette mission était la dernière de mes trois missions dont deux auparavant en Bosnie-Herzégovine. Car celle‑là, je la trouvais difficile et j’avais de la misère à me comprendre.

À mon retour, l’alcool s’est installé quotidiennement de façon rapide sans que je m’en aperçoive, car ça me faisait du bien. Ça me gelait sans que je m’en aperçoive à la fin de mes journées de travail.

2005, j’ai décidé de m’acheter une maison, car je ne pouvais plus rester dans les maisons militaires en rangées collées les unes sur les autres. Je ne sortais plus dehors. Je restais enfermé dans mon logement parce que j’étouffais avec le monde.

Ce fut l’achat d’une belle maison canadienne en pierre avec vue sur le fleuve St-Laurent, dans le bois et possédant un vaste terrain boisé. Par la suite, j’ai fait l’obtention d’un chien. J’étais heureux, enfin, je pensais que je l’étais. Ma consommation d’alcool avait nettement augmenté à une quantité phénoménale, que j’ai maintenue pendant quatorze ans. Je ne savais pas ce que j’avais. Toujours pendant ce temps, j’avais le pressentiment que quelque m’observait ou était présent avec moi. Mais je ne voulais pas vraiment y porter attention…

En 2007, j’ai connu ma femme, puis en 2008, nous emménagions ensemble. 2009 fut l’année marquante de l’arrivée d’une belle petite fille aux yeux bleus et 2013 fut l’année de l’arrivée d’un beau petit garçon aux yeux bleus lui aussi.

Puis à travers ces années, j’étais devenu un papa heureux et fier d’avoir de beaux enfants en santé. Mais cela impliquait aussi d’avoir une vie sociale que je n’avais pas avant car j’avais une vie isolée, ce que je n’avais pas remarqué.

2012, je n’en pouvais plus de souffrir avec mes douleurs physiques et chroniques. Je commençais finalement à utiliser le mauvais chum dans le salon qui était là tout le temps à m’attendre. Et il m’aidait pour faire des plans pour mettre fin à mes jours. Suite à cela, j’ai discuté avec l’infirmière en santé mentale de la base militaire et j’ai été référé à une psychologue en ville.

Mars 2013, libération médicale des Forces canadiennes pour mes blessures et mes douleurs aux genoux et au dos. Ce fut un soulagement, une pression de moins sur mes épaules. J’ai décidé d’arrêter tous mes médicaments avec l’accord de mon médecin parce que selon moi, l’armée était mon problème.

Automne 2017, quelle erreur de ma part ! J’avais encore pété les plombs un matin comme tant d’autres, jusqu’à faire un black-out. Je me sentais mal, j’avais mal au ventre, je n’avais plus le goût de vivre. J’avais fait du mal à mes enfants, ceux que j’aimais le plus au monde. Le mauvais chum du salon était encore là. J’ai appelé ma femme dans le stationnement du DIX30 à Brossard et je me suis mis à pleurer. Je craquais, je ne voulais plus vivre ainsi, j’avais besoin d’aide !

J’ai pris un rendez‑vous à ma clinique privée et en m’y rendant, je me voyais écrire des lettres d’adieux à mes enfants. Je me suis dit : bon, il est temps que j’arrive, car ce maudit chum de salon n’arrête pas ! Il m’aidait encore à faire des plans pour m’enlever la vie.

J’ai consulté des psychologues pour finalement découvrir que j’étais atteint du trouble de stress post-traumatique (TSPT), alors que j’avais toujours eu des doutes par rapport à cette blessure. Donc, j’ai dû avaler ma pilule et l’accepter ! Car oui ça pouvait exister, j’en étais atteint !

Avec ma thérapie maintenant, je me suis rendu compte que je m’étais développé une vie en accord avec ma blessure sans m’en rendre compte.

Depuis environ quatre mois, ce mauvais chum de salon, je l’ai mis dehors de ma maison avec les conseils de ma psychologue et depuis, ça va beaucoup mieux. Car tant et aussi longtemps que je garde ce mauvais chum près de moi, rien ne pourra m’aider.

Je lui ai dit : Va-t’en dehors, mauvais chum ! Je ne veux plus te revoir !

Carl Audet