Toi, le petit allergique
Un jour, tu ne t’en souviens plus très bien, mais tu as eu de la
Un jour, tu ne t’en souviens plus très bien, mais tu as eu de la misère à respirer. Tu entends souvent tes parents en parler. Ils ont eu très peur. Ils ont encore peur. Tu te rappelles les cris de maman et du bruit des sirènes. Le reste est un mauvais souvenir un peu flou.
On te l’a expliqué. Tu es allergique.
Si tu es en contact avec une arachide, tu étouffes. Tu sais à quel point c’est grave, car tu le comprends dans les yeux de tes parents qui scrutent en permanence chaque étiquette dans les magasins.
Les gens ont tendance à penser que ce n’est pas si grave. Tes amis te jugent. Tu es le petit fragile qui ne peut pas manger de beurre de peanuts…
Ton quotidien est une traque permanente. Tu te promènes avec un auto-injecteur d’adrénaline qui te maintiendra en vie si jamais ton allergène attaque. Ce petit instrument fait paniquer bien des adultes et fascine tes camarades.
Les gens doutent souvent…
— Ça ne va pas le tuer s’il en mange un peu, relaxons !
EUH OUI, ÇA PEUT TE TUER !
Tu as envie de hurler. Parce que tu es toujours pointé du doigt. Parce que tu ne veux pas inquiéter encore tes parents. Parce que quand tu vas à une fête d’amis, tu ne peux jamais goûter le gâteau, jamais. Pas même un petit morceau… Tu dois tout le temps porter ton petit bracelet. Tu dois expliquer sans arrêt, encore et toujours, à chaque nouvelle personne que tu rencontres, à quel point tu es en danger face à une cacahouète.
Tant de fois, tu es tenté de déguster cet aliment interdit… Les grands disent que tu es mature, que tu es fort, que tu es conscient malgré ton jeune âge. La maturité des enfants malades… parce que oui, c’est une maladie, mortelle…
Toi, tu voudrais seulement jouer, vivre, courir, manger, danser, librement… sans avoir à être aux aguets en permanence. Tu voudrais être un enfant comme les autres sans voir ta photo à côté d’une arachide sur la porte de la classe chaque année… Tu voudrais te sentir en sécurité toujours… Toi, le petit allergique… tu voudrais ne pas l’être…
Gwendoline Duchaine