J’ai hâte de vieillir – Texte: Joanie Fournier
J’ai hâte de vieillir. Je profite de mes petits pendant qu’ils sont petits, et j’espère en profiter tout autant quand ils seront grands. On me répète qu’ils ont tellement besoin de leur maman maintenant. Moi, j’espère qu’ils auront envie d’avoir encore besoin de moi plus tard. On me répète qu’un jour, ils partiront de la maison. Moi, j’espère que je serai la bienvenue dans leur demeure.
J’espère tellement que je ferai toujours partie de leur vie… En fait, j’espère même plus que ça. J’espère partager leur vie. Je veux être cette maman qui sera là quand ils en auront besoin. Adolescents, je veux qu’ils pensent à m’appeler à 3 h du matin parce qu’ils ont trop bu pour conduire. Je veux qu’ils me textent de ramener plus de condoms à la maison en finissant ma journée de travail. Je veux les accompagner à leurs premières entrevues de jobs et rester dans l’auto. Je suis prête à fournir le café avant de les laisser sortir de l’auto. Puis, à offrir mes bras s’ils sentent que l’entrevue ne s’est pas bien passée.
J’ai hâte d’être assise sur le siège passager, pour leur apprendre à conduire, même si je ferai probablement quelques presque-crises de cœur en chemin. Je veux être cette maman qu’ils viennent voir pour réviser un examen d’histoire, pour pratiquer un texte de théâtre, ou pour avoir des trucs en rédaction de texte. Je veux être présente s’ils ont envie de me parler, de poser des questions, de philosopher sur tout et sur rien.
Je préfère qu’ils fument leur premier joint avec leurs amis à la maison. Je préfère savoir qu’ils ne sont pas bien loin et qu’ils viendront demander de l’aide s’ils en ont besoin. J’ai envie que les premières expériences se passent sous mon toit, en toute intimité, confiance et sécurité.
Je ne serai pas une mère collante, qui rentre dans leur appartement n’important quand, qui débarque avec des plats préparés ou qui appelle à toute heure du jour. Je veux qu’ils aient envie de m’appeler, je veux qu’ils aient envie de partager leurs dimanches soirs avec moi. Je veux qu’ils s’ennuient de manger mes bons petits plats.
Je veux leur offrir de repartir avec une poche de linge à laver. Je veux leur offrir ma présence s’ils la souhaitent. Je veux qu’ils sachent que je serai toujours là, s’ils m’appellent. Je veux garder leurs enfants toutes les semaines. Je veux mettre ma vie sociale de retraitée sur pause pour qu’eux puissent encore en avoir une. Je veux connaître mes petits-enfants et les voir grandir. Je veux les prendre dans mes bras, les bercer et leur apprendre les berceuses de l’enfance de leurs parents.
Je veux que tout ce beau monde vienne chez nous et qu’ils s’y sentent comme chez eux. Je veux que mes petits-enfants dorment dans le lit d’enfance de leurs parents. Je veux qu’ils jouent avec le même vieux train en bois ou la tondeuse qui fait des bulles. Je veux qu’ils restent coucher toute la gang dans la maison de leur enfance et qu’ils aient encore l’impression que leur chambre leur appartient. Je veux être là quand mes petits-enfants se lèveront et que le père Noël aura passé… Je veux qu’ils aient envie de nous inviter à passer les vacances avec eux.
J’espère que je serai une grand-mère ni trop, ni pas assez. Impliquée, quand ils le voudront. Engagée, autant qu’ils le souhaiteront. Présente, autant qu’ils le demanderont. Je veux qu’ils me posent la question « Es-tu disponible pour garder les enfants demain? On aimerait aller souper en amoureux… » de façon rhétorique. Parce que je veux que ce soit évident que la réponse sera toujours oui. Je veux faire partie de leur vie. Je ne veux pas m’imposer, mais je veux rester disponible pour eux.
J’espère que je serai une belle-mère aimante et compréhensive. J’espère que je serai capable d’être ouverte à leur génération, à leurs valeurs et à leurs choix. J’espère que je serai une mère présente et pas étouffante. J’espère que je serai une grand-mère impliquée.
Je veux que mes petits-enfants me racontent leur vie. Je veux qu’ils me parlent de leurs amis, de leurs jouets préférés et de leurs couleurs favorites dans l’arc-en-ciel. Je veux les connaître, réellement. Et je veux qu’à leur tour, ils aient aussi envie de m’appeler pour me poser toutes les questions du monde.
J’ai hâte de vieillir. Je trouve cet avenir prometteur, et magnifique. Et si la vie me donne la chance de le vivre, je promets d’en profiter chaque jour, jusqu’au dernier.
Joanie Fournier