Tag profession

Kaléidoscope : ou celle que je n’ai pas encore été… Texte : Solène Dussault

<img class="alignnone size-medium wp-image-20689" src="https://maikadesnoyers.com/wp-content/uploads

Je me revois, petite, sous un soleil magnifique. L’exploration d’un nouvel univers se révélant à chaque tour de poignet. La découverte d’un jouet fascinant : le kaléidoscope. Une création de l’esprit ou une image véritable ? Un pur ravissement produit par un mélange de couleurs vives, de motifs flous ou définis.

Celle que j’ai toujours été : une femme formatée pour une seule mission, une seule profession. Au sortir des bancs d’école, mon diplôme fièrement acquis, le sourire accroché aux lèvres à l’entrée de ce tunnel professionnel. N’imaginant alors aucune porte de sortie, avançant d’un pas sûr et confiant vers une destination ultime, la sortie de ce long corridor : la retraite. Comme une roue qui tourne, me laisser entraîner, ne jamais remettre en question cette profession, si chère à mon cœur. Me lever, tous les matins, pour relever ce défi. Participer à de nombreux comités, partager des idées, élaborer des projets, rire, sourire, être fière. Devenir un mentor, un phare, un pilier. Celle sur qui on peut toujours compter.

Et un jour, ressentir un sentiment de lassitude, comme si ma mission avait perdu son essence, sa raison d’être. Chercher des moyens, des idées, des stratégies pour me relancer, insuffler une nouvelle énergie à ma carrière, à mes jours. Me demandant si c’est normal de me sentir comme je me sens. D’être inconfortable, de sentir que j’ai fait le tour du jardin. Un doute s’insinue dans mon esprit, comme une vipère sournoise : si c’était le début de la fin ? Impossible, ma carrière n’est pas terminée. La retraite n’a pas encore sonné pour moi !

Me fermer les yeux et mettre un cadenas sur mes envies, mon cœur. Repousser le tout sous le tapis et continuer le marathon. Espérer que le temps fera son œuvre et me redonnera des ailes. Faire de nouveaux choix, des tentatives inexplorées pour me maintenir dans ce milieu que j’ai tant souhaité. Que pourrais-je faire d’autre, après tout ? Mon baccalauréat est mon seul ancrage, ma seule espérance… Je suis devenue la somme de motifs flous, dilués, sans éclat. Je me sens éteinte, celle qui n’est plus traversée par une lumière porteuse d’espoir.

Et les pages du calendrier qui volent dans le vent déchaîné. Et cette voix, qui commence à crier plus fort. Le hurlement de celle que je ne veux plus être. Je ne veux plus revenir du travail épuisée et passer mes soirées à travailler. Je ne veux plus être celle qui fait des siestes la fin de semaine et qui n’a pas d’énergie pour partir en p’tit week-end à Québec. Je ne veux plus être celle qui poursuit ses jours parce qu’une retraite confortable l’attend au bout de sa route. Je ne veux plus être prisonnière d’une profession.

Et l’image du kaléidoscope se reflète sur ma rétine. Je dois me tracer un sillon qui m’appartient. Je dois devenir celle que je n’ai jamais été. Et la route de tous les possibles se dessine alors devant moi. Lorsqu’on ne veut plus être celle qu’on a été et que l’on veut devenir celle qui veut naître, il faut tenir le deuil par la main et l’embrasser. Oui, il y a du renoncement. Il y a tellement, tellement de vertiges aussi. La peur de ne pas y arriver. Et il y a de l’humilité qui demande à tendre la main vers de l’aide pour tracer une future voie. Découvrir en soi des trésors insoupçonnés, des ressources qui dorment, qui ne demandent qu’à jaillir dans toute leur splendeur. Rencontrer des personnes nouvelles, inspirantes, qui nourrissent des étincelles.

Je vois des images plus nettes de celle que je deviens : une femme courageuse qui s’engage vers des horizons encore inexplorés. Une femme qui tient sa boussole pour ne plus jamais perdre son nord. Avec bienveillance, j’honore les parties de moi qui sont dans l’enthousiasme total de chérir toutes ces opportunités. Je rencontre celle que je n’ai jamais été et j’ai vraiment hâte de faire un bout de chemin avec elle. Je me fais la promesse de rester bien en cohérence avec mes valeurs. Elles me permettront de voir ma vie en couleurs, sous toutes ses facettes, avec une grande fierté pour celle que je n’ai pas encore été. Droit devant !

 

Solène Dussault

C’est la semaine des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux du Québec. Texte : Marie-Nancy T

Du 20 au 26 mars 2022, c’est la semaine des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux du

Du 20 au 26 mars 2022, c’est la semaine des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux du Québec. On en parle peu comparativement à la semaine des enseignants ou des autres professions. Donc, je vais prêcher pour ma paroisse, comme on dit.

La profession de travail social est souvent mal connue. C’est tout à fait légitime puisqu’il y a tellement de domaines d’expertises dans le service social. La santé mentale, la gériatrie, les soins palliatifs, l’intervention auprès des familles et des enfants. Le travail dans les écoles, dans les organismes communautaires, dans les maisons d’hébergement pour femmes, dans les CSSS en première ligne, dans les hôpitaux, en protection de la jeunesse et j’en passe. C’est une profession passionnante qui offre un éventail de possibilités.

Les services sociaux sont souvent oubliés dans le réseau de la santé. Pourtant, les professionnels en relation d’aide sont aussi essentiels que les professionnels qui dispensent des soins physiques. Ce n’est pas une question de qui est plus important que qui. Tout le monde est essentiel. Tous les métiers, sans exception, sont nécessaires au fonctionnement de notre société et sont nobles. Je dis simplement que les services sociaux sont souvent aux oubliettes.

Pourtant, on dit bien : « santé et services sociaux » et non simplement « santé ».

Pourtant, la santé mentale devrait être considérée au même titre que la physique.

Pourtant, il y a aussi des gens qui meurent en raison de leurs difficultés sur le plan de la santé mentale. Le suicide et la dépression, c’est bien réel et c’est fréquent.

Pourtant, il y a aussi des enfants qui vivent de la négligence, des abus de toutes sortes, des mauvais traitements psychologiques et qui ont besoin de protection.

Pourtant, il y a aussi des parents qui ont besoin d’être guidés dans leur rôle parental ou d’être soutenus pendant des moments plus difficiles de leur vie.

Pourtant, il y a aussi des humains qui ont besoin d’une aide professionnelle, car ils vivent des deuils épouvantables ou parce qu’ils sont en fin de vie.

Pourtant, il y a bel et bien des femmes qui vivent de la violence conjugale et qui ont besoin d’aide et de protection, pour elles et pour leurs enfants.

Pourtant, pourtant, pourtant et encore pourtant. Je pourrais en ajouter à l’infini des « pourtant » avec sujet, verbe et complément.

Quand on y réfléchit, si tu es en pleine santé sur le plan physique et que ta santé mentale n’est pas en équilibre, ça peut être aussi dommageable pour toi. Pendant la pandémie, on a souvent parlé des anges gardiens. De ceux qui ont mis leur santé en péril pour soigner des malades. C’est exceptionnel le travail qui a été accompli pour sauver des vies et pour soigner les patients, malgré le manque de ressources.

Par ailleurs, on a souvent oublié de parler du travail essentiel des travailleurs sociaux et des autres domaines en relation d’aide. Pourtant, il y a des enfants qui ont été négligés, car les écoles étaient fermées. Il y a aussi des enfants qui ont manqué de nourriture, car le seul repas complet de la journée se prenait en garderie. Il y a des enfants qui ont manqué de stimulation et qui cumulent des retards de développement. Il y a des femmes qui ont été battues et même tuées, il y a des hommes qui ont croulé sous la pression et qui ont perdu leur équilibre. Il y a aussi des gens qui sont morts des dommages collatéraux de la pandémie, des gens qui ont eu besoin de l’aide professionnelle des intervenants psychosociaux pour demeurer fonctionnels et pour ne pas s’effondrer. Je pourrais, encore une fois, continuer cette énumération à l’infini.

Les services sociaux aussi rencontrent des gens en décomposition, au sens figuré, et doivent leur porter secours. Les intervenants psychosociaux aussi tiennent le système à bout de bras et sont dépassés par le contexte de la pénurie de main d’œuvre, le manque de ressources, l’accumulation des dossiers et des tâches administratives qui empiètent sur le temps qui devrait être offert à la clientèle. Et oui, encore une fois, je pourrais poursuivre en donnant des milliers d’exemples de la sorte, mais je vais me concentrer sur l’essentiel du message.

En somme, en cette semaine des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux, je tiens à vous dire, collègues et amis, que même si la reconnaissance n’est pas toujours au rendez-vous (une chance qu’on n’en a pas besoin pour exercer notre profession au mieux de nos capacités), vous faites un travail remarquable, exceptionnel, fondamental et exemplaire.

J’ai vu des êtres humains reprendre le contrôle de leur vie, grâce à vos interventions.

J’ai vu des femmes se sortir du cycle de la violence conjugale, grâce à votre professionnalisme.

J’ai vu des enfants épargnés de futurs gestes d’abus, grâce à votre vigilance.

J’ai vu des vies sauvées, grâce à vos prouesses et à votre dévouement.

Encore une fois, j’ai vu encore bien plus et je pourrais en énumérer jusqu’à demain, des phrases qui débutent par « j’ai vu » avec sujet, verbe et complément.

La santé, ça inclut aussi les services sociaux. Dans le fond, ça doit être pour cela qu’on dit : « santé et services sociaux ». Bonne semaine des T.S à vous tous, collègues extraordinaires. J’inclus également tous mes collègues des autres professions en relation d’aide. Vous êtes essentiels, peu importe l’endroit où vous exercez votre profession.

Nancy Tremblay

Cher policier, chère policière

Parce que je sais qu’à ce moment‑là, tu gardais tes larmes, pe

Parce que je sais qu’à ce moment‑là, tu gardais tes larmes, pendant que tu devais faire face à cet événement terrifiant, qui se produisait devant tes yeux : la mort imminente d’un enfant.

Je ne sais pas comment tu fais pour garder ton sang‑froid. Je ne sais pas comment tu fais pour garder la tête haute car je sais que fort possiblement, tu es un père ou une mère. Et, que parfois dans l’impuissance, tu n’y peux rien et que ce petit bout de vie doit s’arrêter, car l’acharnement ne donne rien.

De voir devant toi des parents qui crient leur souffrance ou être tout simplement sans mots face à la perte de leur enfant.

D’être appelé en renfort car c’est une situation d’urgence et que le pire est à annoncer aux membres de la famille que cette personne si chère à leurs yeux ne reviendra plus.

De devoir dire aux parents que ton travail est terminé et que malheureusement, leur enfant n’a pas pu être sauvé, malgré les manœuvres et l’espoir de donner un souffle de vie à ce petit bout d’amour tant aimé.

Mais encore, d’entendre des coups de feu, d’entendre des personnes innocentes te crier qu’elles ont besoin de toi ; et pour eux, tu es leur seule chance de survie.

Que d’arriver tard le soir après une journée de travail et de te rendre à l’évidence que ton petit cœur a de la peine et qu’il restera gravé par ces événements qui deviendront cicatrices un de ces jours.

En te réveillant chaque matin en ne sachant pas ce qui t’attend. Est‑ce que ma vie sera mise en danger aujourd’hui ?

Vais-je devoir consoler des enfants qui se retrouveront sans parents à la suite d’un accident ou d’une tuerie ?

Vais-je aider un itinérant à retrouver son chemin ?

Moi je veux juste te dire MERCI. Merci pour ce que tu fais, toi, cher policier, chère policière.

MERCI de prêter ton cœur.

D’ouvrir tes bras.

De t’ouvrir à la diversité

De comprendre le mal-être d’une personne

D’encourager les gens à changer

De passer du temps à tenter de réanimer un enfant, sous les yeux gonflés de peine et d’espoir des parents, pour entendre un souffle de vie de leur enfant noyé.

Parce que je sais que ton petit cœur a de la peine et qu’il est cicatrisé d’événements difficiles.

Et que le soir, tout ce qui peut te faire du bien est de serrer ta femme, ton mari, tes enfants dans tes bras et de remercier le ciel d’être toujours en vie. C’est là qu’on apprécie davantage ce que la vie nous offre, n’est‑ce pas ?

Je me suis rendu compte que ton petit cœur souffrait. Parce que j’ai vu ton regard. J’ai entendu ton cri d’alarme intérieur et ta tête me dire : « Je suis désolé, je ne peux plus rien faire pour elle… mon travail à moi s’arrête ici… »

Je sais que tu aurais voulu que cela se passe autrement. Je sais que tu aurais voulu ne pas vivre ce moment‑là et ne pas devoir faire face à quelque chose qui ne devrait jamais arriver.

Mais je veux juste te dire merci.

Merci à nos policiers et policières.

Merci pour votre amour envers nous, les citoyens. Merci de prêter votre cœur chaque jour !

« Le 12 octobre 2019, notre fille est décédée des suites d’un accident de la route. Elle s’est éteinte dans nos bras…

Sous le regard des policiers et policières qui étaient là pour nous aider, ouvrir leur cœur, et apporter du velours malgré la très grande incompréhension qui nous habitait. L’injustice, la douleur, en fait, juste le mal de vivre.

Ils étaient là. Les tout premiers. »

< Merci à mon ami Yan. >

Jessyca Brindle

Wo! Les préjugés!

Vous savez, la vieille blag

Vous savez, la vieille blague sur les fonctionnaires qui dorment au bureau? Ou celle sur les policiers mangeurs de beignes? Que vous soyez coiffeur, infirmier, enseignant, fleuriste, chiro… il y a des préjugés qui circulent par la bouche de gens mal informés. Et ces préjugés ont la couenne dure!

Quand j’étais étudiante en littérature, on me voyait comme une pelleteuse de nuages. J’étais boursière, donc je me faisais vivre par le gouvernement pour… rien. Parce que la littérature, c’est rien, voyons! Aucune utilité!

Quand je suis devenue enseignante à l’université, je suis devenue la snob, la péteuse de broue. Autour de moi, les gens s’étonnaient que je ne parle pas en trou de cul de poule. Des personnes m’ont déjà dit : « J’ai failli refuser de te rencontrer parce que j’étais certain que tu te prendrais pour une autre. » Ces personnes étaient surprises que je sois « normale », que je parle normalement, que je m’intéresse à des sujets normaux, que je ne sois pas hautaine, et même que j’aie le sens de l’humour. Comme si en signant un contrat dans une université, on signait un pacte avec le diable des chiants.

Pendant quelques mois, j’étais sans emploi. J’avais passé l’année à courir entre deux emplois à temps plein et simultanés, le cerveau à ON vingt-deux heures par jour, les cernes en dessous du bras, le salaire qui entrait en double. Je recevais des prestations de chômage qui me semblaient nécessaires à la préservation de ma santé et qui, je le savais, étaient temporaires. Malgré mon retour déjà prévu sur le marché du travail, on me faisait sentir comme une moins que rien, une « pas intéressante ». Dans une soirée, les autres invités tournaient les talons dès que je répondais à leur question : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie? »

– Pour l’instant, je suis sans emploi.

Je n’avais même pas le temps de parler d’un projet à venir ou de la façon dont j’occupais mes journées. J’avais la lèpre. On était en plein « faire », bien loin de l’être…

Puis, je suis devenue fonctionnaire. Au fédéral, en plus. Ça, dans l’opinion populaire, c’est une coche pire que « juste » fonctionnaire. C’est connu, pour faire avancer le pays, ça prend juste des paresseux, des incompétents, des personnes qui passent leur journée à regarder YouTube ou à boire du café. Des commentaires, j’en ai reçu, j’en reçois encore, malgré mes protestations. Un fonctionnaire, quand ça prend un congé, c’est payé à ne rien faire. Un fonctionnaire, quand ça prend deux heures pour célébrer Noël, c’est gras dur. Même si ledit fonctionnaire paie son propre repas, son propre taxi pour se rendre à l’activité pour laquelle il a payé sa propre inscription. Et un fonctionnaire, quand ça travaille, ça fait juste semblant. À la limite, ça tape sur un clavier pour se donner bonne conscience. Des pousseux de crayon. Invisible, tant qu’à y être.

Vous voulez connaître mon opinion là-dessus? La voici.

Qu’on soit fonctionnaire, électricien, médecin, camionneur, ingénieur, parent au foyer ou étudiant, on peut être paresseux, ou dynamique, ou motivé, ou travaillant, ou profiteur, ou honnête, ou workoholique. On peut être désagréable avec nos collègues ou sympathique. On peut faire des heures supplémentaires ou prendre des pauses exagérément longues. On peut changer le monde ou s’asseoir sur son steak. On peut être un atout pour la société grâce à notre bon travail ou un poids à cause de notre mauvais travail.

Ce qui définit une profession, ce ne sont pas les préjugés qui circulent et qui font de la peine aux travailleurs fiers de leur métier. Ce qui définit une profession, ce sont les personnes qui exercent ce métier. Au lieu d’être aveuglé par l’image que vous avez des éducatrices en garderie ou des plombiers, regardez le travail qu’ils font vraiment, regardez leurs yeux qui brillent, écoutez leur fierté. Regardez à quel point leur travail améliore et parfois même change la vie de plusieurs.

Si on attend longtemps à l’urgence, ce n’est pas à cause d’un médecin ou d’une infirmière qui dort sur la switch. Si le format du bulletin de nos enfants a des lettres au lieu des pourcentages et que ça ne fait pas notre affaire, ça ne sert à rien de s’attaquer aux profs. Si les constructeurs de maisons tapent du marteau trop tôt dans notre quartier, ce n’est pas parce qu’ils veulent nous faire suer.

J’ai la chance de travailler avec des gens d’une cinquantaine de métiers différents et qui proviennent de partout au Canada. Je peux vous dire qu’il y a des bons travailleurs dans tous les domaines, comme il y en a des mauvais. Faque… est-ce qu’on peut s’entendre pour dire un gros « À bas le racisme de profession »? Au lieu de juger votre beau-frère parce qu’il travaille chez Postes Canada ou votre sœur parce qu’elle est comptable, ou plutôt que de juger votre cousine qui accumule les congés de maternité ou votre mère qui a pris une retraite méritée, vous pourriez peut-être vous intéresser à ce qu’ils font réellement de leurs journées. Et surtout, à ce qu’ils sont.

Nathalie Courcy

 

S’en prendre à la racine

Malgré ma nature positive et ma passion pour le métier d’éducat

Malgré ma nature positive et ma passion pour le métier d’éducatrice, cette année je me suis demandé : est-ce que c’est ça, un épuisement professionnel?

Mais bon, avec mon caractère de cochon, j’ai décidé de ne pas m’arrêter. Coup par‑dessus coup, les genoux me pliaient, mais j’ai réussi, je ne suis pas tombée à genou.

Et puis un beau jour, je magasinais avec ma mère et soudainement, elle m’a dit : « Marilyne, t’as un gros trou dans le fond de la tête. » Je me dirige vers une salle de bains pour aller voir et là, j’ai pu constater l’ampleur de mon épuisement.

J’avais un gros trou, très visible, sans aucun cheveu, dans le genre que je faisais compétition à Caillou. Mon premier réflexe a été de penser que j’avais une maladie ben grave (allo l’hypocondriaque!), là je paniquais un peu t’sais. Je me suis dépêché de me connecter à Facebook pour demander à mes zens (groupe Facebook) si quelqu’un savait de quoi il s’agissait. En l’espace de quelques minutes, j’avais une dizaine de réponses, dont des réponses de coiffeuses, et ma maladie « grave » se nommait : Stress.

Pis ce stress-là, je savais très bien d’où il provenait!

L’éducation à l’enfance, c’est ma première love story sur le marché du travail. Je fais des pieds et des mains pour ces petits humains-là, je le fais pour EUX et ça me rend heureuse.

Par exemple, plus jamais je ne perdrai un cheveu pour un gouvernement aussi répressif et irrespectueux.

J’ai perdu mes cheveux parce que mon quotidien est rendu nettement plus complexe et difficile qu’autrefois. Il y a maintenant l’over-ratio, les besoins particuliers qui viennent avec peu d’aide, le « tout autres tâches connexes », et je m’arrête là, parce qu’il y en a long à dire.

J’ai perdu mes cheveux parce que la pression d’offrir un service de qualité, celui que MÉRITENT les enfants, était devenue étouffante. Faire autant sinon plus, avec moins, ce n’est pas humain.

J’ai perdu mes cheveux parce que je dois me battre constamment pour tenter de faire voir ma valeur en tant qu’éducatrice à un gouvernement et à une société aveugles. Merci à ceux qui croient en nous; les autres, j’ai fini de perdre mes cheveux pour vous.

Au final, j’ai perdu beaucoup de cheveux et ce n’est pas fini, mais on peut en rire quand même un peu. Mais je peux vous assurer que JAMAIS je n’ai perdu un cheveu à cause des enfants.

J’ai perdu mes cheveux à cause d’un gouvernement qui n’a aucun respect pour les enfants et qui pense que les enfants ne sont pas un bon investissement, alors qu’ils sont notre plus beau joyau et qu’il faut tout faire pour les préserver.

Et après, on vient me dire que je fais la grève pour l’argent. Si vous saviez comment je n’ai perdu AUCUN cheveu pour mon salaire!

Je vais me tenir debout pour VOS enfants, parce qu’ils méritent tellement ce qu’il y a de mieux.

Je vais me tenir debout pour mes droits, pour mes conditions de travail parce que je refuse d’accepter l’inacceptable.

Je vais me tenir debout pour ma profession, NOTRE profession. Que tu sois éducatrice en milieu familial, au privé ou bien en CPE, je vais me tenir debout parce que NOTRE profession mérite entièrement d’être reconnue et respectée.

Je vais me tenir debout pour mes cheveux aussi, parce que je veux encourager ma repousse capillaire 😂

*Depuis quelques années, des centaines de millions de dollars ont été coupés en petite enfance. Nous nous sommes relevé les manches, et nous avons continué à faire notre bon travail, avec moins. De la direction générale jusqu’aux éducatrices, nous avons tous et toutes le même désir : préserver notre beau réseau des centres de la petite enfance (et j’ai envie de dire : on va y arriver!)

Cependant, d’année en année, malgré notre bon vouloir, notre motivation et notre amour du métier… les plumes commencent à tomber.

Par chance que ça repousse et que ça ne nous empêche pas de nous tenir debout!

Marilyne Lepage