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Jokes de gros

À l’âge de 11 ou 12 ans, alors que je dansais dans la cuisine sur

À l’âge de 11 ou 12 ans, alors que je dansais dans la cuisine sur l’air de Beat it, mon frère m’a lancé à la blague : après Michael, Janet et Tito, voici Jumbo Jackson. C’était drôle. On a ri.

Au début de l’adolescence, alors qu’Isabelle Brasseur et Lloyd Eisler étaient au sommet de leur gloire, ma cousine et moi tentions des doubles axels dans le salon en les imitant. Ma mère, à la blague, nous a dit que nous avions davantage le physique pour faire de la lutte gréco-romaine que du patinage artistique. C’était drôle. On a ri. 

Quand j’étais enceinte, assise sur le bord de la piscine, hésitante à sauter dans l’eau froide, mon amie m’a dit : « Ah ben, c’est pratique d’être enceinte. Avant, t’avais juste l’air grosse ; maintenant, t’as une excuse pour avoir une bedaine. » C’était drôle. On a ri.

Cet hiver, en parlant du légendaire porté de Patrick Swayze dans Dirty Dancing, mon humain de proximité m’a dit : « Eh boy, tu m’casserais ben le dos si on essayait de faire ça ensemble. » C’était drôle. On a ri.

J’ai ri de beaucoup de commentaires et de blagues qu’on m’a faits sur mon apparence. 

J’ai ri parce que j’ai un bon sens de l’humour.

J’ai ri pour éviter les malaises.

J’ai ri pour ne pas dire que j’étais blessée.

Les blagues de gros ou les blagues sur l’apparence des gens, même déplacées, vous avez raison, ce n’est pas la fin du monde. Le truc, c’est que lorsqu’on est différent ou non conforme, ce n’est pas LA blague lancée sans méchanceté qu’on ne trouve pas drôle, mais plutôt la 3448e blague qui ne nous fait plus rire. Ce n’est pas LE commentaire déplacé qui nous blesse, c’est le 2567e qui s’ajoute aux 2566 autres commentaires déplacés qui nous blesse. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’aux blagues de gros ou sur le poids, s’ajoutent tous les autres commentaires, remarques et regards blessants.

Oh wow, t’es vraiment belle depuis que tu as maigri ; ou Imagine comme tu pourrais être belle si t’étais plus mince.

T’es cute, mais je suis pas sûr que je banderais avec une fille qui a du poids en trop.

Si tu avais cette shape‑là, je passerais mes journées à te faire l’amour.

T’es sûre que tu as encore faim pour un dessert ? 

Si tu veux rester grosse, c’est ton choix.

Et j’en passe. Et j’en passe. 

Ceci, c’est un échantillon de ce que j’ai entendu de la bouche de gens qui avaient de l’affection pour moi. Ça vous donne une idée de ce qu’on peut entendre de la bouche des gens qui n’ont aucun lien affectif avec nous. Et c’est encore bien plus soft que ce que les gens obèses vivent au quotidien. Une blague de gros, ça fait écho à toutes les blessures qu’on porte en soi et ça nous rappelle qu’on ne fit pas dans le moule — encore une fois. 

J’ai souffert de troubles alimentaires plus de la moitié de ma vie. Encore aujourd’hui, ça reste quelque chose de très fragile. La relation que j’entretiens avec mon corps et le regard que les autres posent sur lui viennent avec un lot de tristesse et de défis. Et je ne suis pas socialement marginalisée à cause de mon poids. J’imagine difficilement ce que peuvent ressentir ceux qui le sont, mais l’empathie, ça sert à ça. À se mettre à la place de l’autre pour mieux comprendre ce qu’il vit, pense, entend, ressent.

Se fâcher les uns contre les autres, ça ne sert à rien. Ça nourrit les stéréotypes, ça ajoute de l’huile sur les bobos qui font déjà mal et ça ajoute encore plus de distance entre les gens qui sont différents. Aujourd’hui, je vais avoir de l’empathie pour Martin Matte qui doit vivre quelque chose à quoi il ne s’attendait pas. Je vais avoir de l’empathie pour tous les gens qui n’ont pas compris la tristesse ou l’indignation de ceux qui n’ont pas ri de la pub de Maxi. Et je vais avoir de l’empathie pour les gens qui ont été profondément blessés. Pas par CETTE blague‑là précisément, mais par les 3448 d’avant.

Liza Harkiolakis

Quand la grossophobie s’invite à l’école

Vous connaissez la grossophobie ? Selon Wikipédia</e

Vous connaissez la grossophobie ? Selon Wikipédia, cela se définit comme étant l’ensemble des attitudes et des comportements hostiles qui stigmatisent et discriminent les personnes grosses, en surpoids ou obèses. Elle a pour origine des préjugés et des stéréotypes négatifs selon lesquels le fait d’être gros est une question de volonté personnelle et que les personnes grosses seraient ainsi les seules responsables de leur surpoids, en négligeant les autres facteurs à l’origine du surpoids.

Mon fils est en cinquième année du primaire et récemment, il est revenu de l’école dans tous ses états. Quand je lui ai demandé pourquoi il était fâché, il m’a expliqué qu’en cours d’après-midi, des élèves de sixième année sont venus dans sa classe faire une présentation sur le corps humain. Qu’est‑ce qui a pu causer ce changement d’humeur dans une telle présentation ? Une mention sur les gens présentant un surpoids. En effet, selon leur exposé oral, les personnes ayant un surplus de poids ne peuvent être heureuses dans la vie. Cette section de la présentation était appuyée par un support visuel montrant une personne obèse s’empiffrant de junk food sur un divan.

Comme vous le savez peut-être déjà, mon grand garçon est autiste. Les autistes sont réputés pour ne pas avoir de filtre et dire ce qu’ils pensent tout de go. Mon fils ne fait pas exception. Toutefois, cet après‑midi‑là, il n’a rien dit. Après la présentation, il a demandé au professeur pour aller au local d’apaisement pour se calmer. Au retour en classe, quand on lui a demandé ce qui s’était passé, il a été capable de dire que les propos sur les personnes avec un surplus de poids l’avaient fâché. Pas parce qu’il est gros, loin de là, mais parce moi sa mère, je le suis. Pour la première fois, il a réalisé que ce que je lui disais sur les moqueries possibles sur les gens avec un surplus de poids, sur les propos méchants qu’on entend souvent et les jugements des autres sur l’apparence physique était vrai. Soudainement, il a compris mon quotidien et ça lui a fait de la peine. Il a eu de la peine de penser que sa mère ne pouvait, selon une présentation, être heureuse dans la vie si elle avait un surpoids.

Ses mots exacts ont été : « Le bonheur ne se mesure pas sur une balance, voyons ! C’est donc ben niaiseux ce qu’ils ont dit. Pourquoi ils ont dit ça, maman ? » J’ai vu ses yeux se remplir de larmes. J’aurais aimé lui dire de faire comme moi et de ne pas les écouter, de voir les gens autrement que comme une image qu’ils projettent. Que oui, les gens sont effectivement bien plus qu’une série de chiffes sur une balance. Tout ce que j’ai pu lui dire, c’est que les gens sont parfois méchants et blessent les autres parce qu’ils ont malheureux eux-mêmes. Que toute personne qui est différente, que ce soit parce qu’elle a un handicap, une condition neurologique, une différence corporelle va être pointée du doigt par certains individus. Il faut être fort et ne pas les écouter.

La vérité ? Oui, 90 % du temps, je crois fermement ce que je lui ai dit. Mais il y a toujours un 10 % du temps, ce damné 10 %, qui vient nous chercher droit au cœur et qui nous fait mal. Personnellement, hormis la réaction de mon fils, ce qui m’a fait le plus fait mal dans cette histoire est qu’un professeur de sixième année a cautionné ces propos et n’a pas demandé à ses élèves de retirer ce segment de la présentation. Après toutes les campagnes effectuées pour l’acceptation de la diversité corporelle. En 2018, dans nos écoles, un professeur a encouragé des élèves à tenir des propos grossophobiques.

J’aurais aimé voir ces élèves et les inviter chez moi à brûle-pourpoint et leur demander de regarder mon garde-manger, mon frigo et mon congélateur, puis de me regarder, moi, monter sur la balance devant eux. Leur montrer mes résultats d’analyses sanguines et mon bilan de santé général. Leur demander si je représente selon eux la « belle image stéréotypée » qu’ils ont mise dans leur présentation. Les gens ont un surpoids pour diverses raisons et blâmer une mauvaise alimentation est trop facile. On dit souvent de ne pas juger une personne sans avoir marché dans ses souliers. Cela s’applique aussi au poids d’une personne.

Je suis une adulte et un parent et en tant que tel, je ne peux agir de la sorte. Je ne peux pas aller apostropher un enfant qui n’est pas le mien et lui dire que ce qu’il a dit dans un exposé n’a aucun sens. Par contre, en tant que société, en tant que parents, nous avons le devoir d’éduquer nos enfants à être tolérants envers les autres et à voir au‑delà des différences. Nous sommes tous des êtres beaux, uniques et différents. C’est ce qui donne de la couleur à la vie !

Annie St-Onge