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Alors qu’on voit les médias sociaux garnis des exploits sportifs de nos progénitures, on voit moins souvent les parents s’extasier devant les réussites intellectuelles de leurs cocos. Et pourtant, ces succès méritent tout autant d’être célébrés.
Mes enfants ne sont pas sportifs. La preuve : ça m’a pris treize ans avant de réussir à convaincre mes deux filles de faire plus que dix mètres de vélo avec moi. Ce soir, c’était mon cadeau : dix kilomètres entre filles, le sourire aux lèvres malgré les fessiers endoloris et la débarque dans le tas de rosiers au bas d’une côte. C’était un beau moment de complicité, zéro compétition.
Mes garçons aiment l’idée du sport, ils capotent chaque fois qu’on les inscrit à une nouvelle activité. Mais dès que l’activité perd de sa nouveauté et réclame un peu de persévérance, on doit presque les traîner de force pour finir la session. Soccer, karaté, baseball, natation… Au moins, on se dit que nos enfants ont la chance d’essayer des sports et d’en apprendre les rudiments, et aussi que ça nous fait bouger en famille.
Mais on s’entend, à moins de changer complètement de centres d’intérêt et de style de vie, nos enfants ne sont pas prédestinés à devenir les prochaines sœurs Dufour-Lapointe. Impossible de leur en vouloir ou même d’être surpris : les parents (c’est nous, ça!) ne sont pas méga sportifs non plus. Quand j’ai connu mon conjoint, il faisait des triathlons, mais cette vie appartient à un passé révolu. Pour moi, le cours de relaxation au cégep, c’était une option sport trrrrès pertinente… Nous avons la volonté d’être plus actifs et de nous tenir en forme; par périodes on y arrive, mais ça demeure un effort qui n’a rien de naturel. Les pommettes ne sont pas tombées loin du pommetier…
Chez nous, il n’y a pas de médaille de première place en gymnastique ni de trophée du meilleur esprit d’équipe au hockey. Il faut parfois à nos enfants deux ou même trois reprises pour réussir un niveau dans un sport. Les cours d’éducation physique sont pénibles et sources de moqueries auprès de leurs camarades de classe. Le syndrome de l’élève qui est choisi en dernier quand vient le temps de former les équipes. Et le cercle vicieux est enclenché.
Mais chez nous, il y a tout de même des médailles, des méritas et des fiertés. À trois ans, Tiloup remportait sa première médaille dans un tournoi d’échecs. À six ans, il vient de remporter un tournoi de cartes Pokemon. Contre plein de joueurs adolescents, dont certains iront au championnat du monde la semaine prochaine. Il ne sait pas lire, alors il a appris toutes ses cartes par cœur : les noms, les points de vie, les attaques, les faiblesses… Il a appris à compter parce qu’il voulait jouer aux Pokemon : 220 points de vie, – 40 points multipliés par 3, – la faiblesse de 50 points parce qu’il y a une carte spéciale, ça fait 50 points. Calcul mental.
Ma plus vieille a reçu le méritas en art parmi toutes les élèves de première secondaire de son école. Elle s’apprête à publier une nouvelle dans un recueil collectif. Elle dessine incroyablement bien et travaille incroyablement fort pour parfaire son art. Ma Cocotte, elle, a une mémoire phénoménale et nous explique fréquemment la science qui sous-tend l’existence. Sans se tromper. Ce qui fait que son petit frère de quatre ans connaît le tableau périodique et le cycle de reproduction de tous les mammifères. (Ok, pas tant que ça pour le petit dernier, mais ça s’en vient!)
Est-ce que je suis fière et impressionnée? Oui, tout à fait. Est-ce que je crie leurs prouesses sur tous les toits? Sur certains, oui, auprès des personnes les plus proches. Mais publiquement? Non. Peut-être par souci de ne pas faire suer les autres avec ça, mais je pense que c’est surtout par crainte de me faire juger pour « vantardise parentale ». « On sait ben, tes enfants sont brillants… » C’est vrai, ils sont intelligents. Même les neuropsychologues qui les ont évalués en douance sont d’accord, tests à l’appui. Donc je n’hallucine pas, je m’exagère pas si je dis qu’ils sont brillants. Mais je n’ose pas publiquement.
« On sait ben, c’est facile pour eux d’apprendre à lire et d’avoir des bonnes notes à l’école… » Hum, pas tant, non! C’est souvent frustrant, parce qu’ils doivent rentrer dans un moule qui ne leur correspond pas. Un peu comme un athlète talentueux et travaillant s’oriente vers des sports où il pourra développer ses habiletés et atteindre de nouveaux sommets, les enfants doués intellectuellement vont souvent chercher des activités parascolaires qui leur donneront un espace pour s’épanouir et développer leur potentiel. Et il ne faut pas oublier que le talent est une chose, la réussite vient avec beaucoup de travail, d’échecs et de persévérance, peu importe le domaine.
Si je ne sors pas mes tambours et mes trompettes à chaque victoire, c’est peut-être une question de personnalité, aussi. Pas sûre que je serais le genre à publier le pointage de chaque tournoi de soccer remporté ou la photo de chaque médaille (mais je n’ai rien contre ceux qui le font!) Chose certaine, quand les « exploits » ou les réussites de nos enfants relèvent du domaine plus intellectuel, personnel ou comportemental, on est moins expressif. On garde ça en famille et entre amis. On garde ça pour ceux qui comprennent qu’on est fiers, comme n’importe quel autre parent qui voit son enfant se dépasser et réussir.
Nathalie Courcy