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Toucher le fond

Quand le sentiment qui te retient aux gens qui t’entourent, c’est la peur de les décevoir, coup

Quand le sentiment qui te retient aux gens qui t’entourent, c’est la peur de les décevoir, coupe les ponts.

Quand tes liens d’attachement sont conditionnels à ta perfection, coupe les ponts.

Quand les autres s’accrochent à ta force, à ta détermination ; quand ils vivent leur vie par procuration parce qu’ils n’ont pas le courage que tu as, coupe les ponts.

 

Quand les gens te disent qu’ils t’aiment avec des si et des conditions, coupe les ponts.

Quand les gens qui gravitent autour de toi ne te font pas sentir extraordinaire, adéquate et parfaite comme tu es, coupe les ponts.

Quand tes racines te font mal, qu’elles te contrôlent ou exercent trop de pression parce qu’elles ont peur de te voir t’émanciper, coupe les ponts.

 

Retrouve ta valeur, coupe tes ponts.

 

Quand sourire n’apaise plus ta douleur, laisse‑toi aller, touche le fond.

Quand tu te lèves un matin et que tu sens que ton chemin tout tracé d’avance ne te convient plus, permets‑toi l’erreur, recommence, touche le fond.

Quand tu arrêtes de penser que tu mérites d’être aimée, de briller, touche le fond.

 

Touche le fond avec tous les inconforts que ça implique.

Touche le fond même si la peur du noir t’habite.

Touche le fond même si le vide se crée autour de toi.

Touche le fond, pèse sur reset, reconnecte‑toi.

Touche le fond, émerge, propulse‑toi.

 

Émerge dans toute ta force et tes fragilités.

Émerge en colère, imparfaite, couettée.

Émerge sans savoir où tu es rendue ;

Émerge déroutée.

Émerge le souffle court, le souffle coupé ;

Émerge doucement et apaisée.

Émerge et respire ;

Sois douce avec toi et laisse‑toi porter.

 

Si une fois à la surface tu as perdu le phare que tu pensais devoir suivre, trouves‑en un autre.

Choisis‑le coloré, solide, parfumé de libertés.

Trace‑toi un nouveau chemin, suis de nouvelles routes.

Trouve de nouvelles racines, de nouveaux ancrages.

Tes yeux, ta vie, ton miroir, ton âme.

Émerge, respire et réapprends lentement à aimer qui tu es, celle que tu as toujours été.

 

 

Liza Harkiolakis

 

Toi, tu es forte

« Ouais, mais toi, tu es forte. »

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« Ouais, mais toi, tu es forte. »

C’est ce qu’on a toujours dit de moi, mais surtout, c’est ce que j’ai toujours dit de moi.

Je me pensais forte parce que j’ai toujours été une personne travaillante.

Je me pensais forte parce que j’étais à l’écoute, toujours là pour aider mes amis et pour les faire sourire avec tout plein de petites attentions.

Je me pensais forte parce que j’ai toujours eu beaucoup d’énergie, parce ce que je suis la fille aux mille projets, parce que je fonce.

Je me pensais forte, ou plutôt, je m’imposais de l’être.

Mais il y a eu ce jour d’octobre, où je me suis sentie réellement forte et où j’ai compris que je l’étais réellement.

Ce jour-là, j’ai compris que je touchais le fond.

Ça faisait des mois que j’encaissais les coups, mais que je me relevais parce que je n’avais pas le droit de tomber trop longtemps. Je ne m’en donnais pas le droit. Je ne parlerai pas de ce qui m’a menée là, parce que ça peut être de petites comme de grandes choses qui font qu’on touche le fond, un jour ou l’autre. Je ne parlerai pas des grossesses difficiles, du harcèlement psychologique au travail, des bobos de mes bébés, de la maladie de belle‑maman, etc. Ça serait long pour rien.

Je vais seulement parler de ce jour-là, car il restera à jamais gravé dans ma mémoire.

C’était un dimanche d’octobre, en 2012. Mon bébé pleurait, encore et encore. Il souffrait, le pauvre. Ma grande fille de dix‑huit mois dormait.

Depuis beaucoup trop de jours, je perdais souvent patience. Je n’étais pas bien, je n’allais pas bien. J’étais fatiguée, mais c’était plus que ça. Je n’étais plus moi-même. Moi, une si bonne maman aux yeux de tous. Moi, toujours pleine d’énergie. Moi qui arrivais toujours à tout gérer seule. Moi… J’étais qui, moi?

Ce jour-là, c’en fut trop.

Le bébé a pleuré, comme toujours, quand je l’ai déposé.

Et moi, j’ai crié.

J’ai couru à la salle de bain, le souffle coupé.

J’ai encore crié à en avoir mal à la gorge et au ventre.

Et je suis tombée. Littéralement, je me suis effondrée, sans vouloir me relever.

Puis, une grande porte s’est ouverte en moi et les larmes ont commencé à tranquillement se déverser.

Et c’est vite devenu violent.

J’ai pris place dans le plus petit recoin possible, entre la toilette et un muret, et j’ai laissé brutalement sortir les larmes et tout ce qu’elles pouvaient contenir en elles, en moi.

J’ai crié et ordonné à mon mari de me laisser tranquille lorsqu’il a voulu venir me réconforter.

À ce moment précis, ce dont j’avais besoin, c’était d’avoir mal. La douleur contenue dans chaque sanglot était si intense, si vive, si vraie. Ça faisait mal, mais ça faisait tellement de bien.

Laisser sortir, me donner le droit « d’être ».

Simplement, à ce moment-là, être une femme et une maman imparfaite, qui est fatiguée, qui a mal, qui a trop accumulé.

Deux ou trois heures plus tard, je ne sais plus, la douleur a fini par doucement s’estomper pour laisser place à une grande fatigue et surtout, une grande lucidité.

Ça n’allait pas. Pas du tout.

Ce jour-là, incapable de parler, j’ai écrit à mes amies les plus proches ainsi qu’à mon frère.

Je leur ai clairement dit que j’allais avoir besoin d’eux.

Ne s’en est pas suivie une longue dépression par la suite. Non. L’histoire s’arrête presque là. Décevant comme texte, hein? Mais ce ne fut pas facile pour autant. Je ne parlerai pas de la maladie et des malchances qui ont suivi. De la conciliation travail-famille-école qui m’étourdissait. Du troisième bébé avec ses bobos bien à lui. De la mort. Des troubles sensoriels et anxieux d’un de mes enfants. Ça serait long pour rien.

Mais il reste que cette porte qui s’est ouvert ce jour d’octobre, elle ne s’est jamais complètement refermée.

Et je ne la fermerai jamais.

Grâce à elle, je sais qu’en un simple petit coup de vent, tout peut basculer.

Grâce à elle, j’ai compris que ce n’est pas en la gardant fermée et barrée à clé que je suis la plus forte. Au contraire.

Je suis forte quand j’admets mes faiblesses, quand j’admets que j’ai besoin d’une pause, quand j’admets que je ne suis pas parfaite.

Je suis forte et j’ai de droit de simplement « être ».

Je suis peut-être forte, mais je ne suis pas invincible.

Ma vie a un peu changé, ce jour-là, quand je l’ai compris.

Caroline Gauthier