Le printemps cogne à notre porte. Et avec lui, tous les voisins du
Le printemps cogne à notre porte. Et avec lui, tous les voisins du quartier!
Avec mes filles heureuses d’être contentes avec elles-mêmes, j’ai peu connu les joies des amis de quartier. À l’occasion, un coup de téléphone : « Maman, Ariane demande si je peux aller dormir chez elle… Pleaaaaaaaaaaaase! » Même encouragées par des parents bienveillants (et qui auraient aimé que les jouets restent rangés plus que deux minutes et quart), nos filles résistaient à l’appel de la petite voisine à vélo qui cherche une copine. « Maman, je suis trop gênée » ou encore « C’est même pas mon amie! » Mais rarement un toc-toc-toc imprévu.
Avec mes gars, c’est une tout autre histoire. Ils sont populaires. Ils sont des leaders. Même parmi les plus grands, ils se taillent une place : « Salut tout le monde! Je m’en viens jouer avec vous autres! Est-ce que je peux être le gardien de but? Mon petit frère va faire du vélo proche de nous, ok? »
Alors quand le beau temps se pointe le bout du gazon, on plonge dans un tout nouvel univers.
Jeudi matin, 6 h 47. Je me lève. D’habitude, à cette heure, j’ai déjà reçu une quinzaine de câlins de petits bonhommes heureux. Mais là, je les cherche. Pas de bottes dans l’entrée. Pas de manteau sur le crochet. Un pantalon de pyjama laissé à l’abandon. Du deuxième étage, je ne les vois nulle part. Je m’habille en quatrième vitesse, direction : la cour des voisins. Ah! Ben! Des vélos que je connais… et des petits gars que je connais… J’ai eu le goût de les ramener à la maison par le fond de culotte. J’ai plutôt opté pour un rappel à l’ordre ferme (« Awèye à’ maison! » et une explication brève et convaincante sur l’importance de m’avertir avant de quitter notre terrain. Je n’avais jamais eu besoin de formuler cette règle avec les filles, donc pour mes gars, cette règle n’allait pas de soi.
Vendredi soir, 18 h 45. J’ai reporté ma séance de yoga à ce soir. Me voilà en position chien tête en bas, fesses dans les airs, au milieu du salon. Et qui arrive face à face avec mon popotin? Les petits voisins! Je jure que la seconde avant, toute la marmaille du quartier s’amusait dehors. Pas dans ma maison! « Qu’est-ce qu’elle fait, ta mère? » « Ah, son yoga… » (bruit de criquet embarrassé…)
Vendredi soir, 19 h 37. Je prépare le bain. Je m’apprête à me mettre en pyjama. J’ai eu une seconde de lucidité au moment où j’ai touché la poignée de ma porte de chambre. Une intuition qui me disait de passer ma robe de chambre avant de passer dans le corridor. Ouf! Parce qu’un des petits voisins passait justement par là. « S’cuse, la chambre des parents est hors zone pour vous. Et là, c’est le temps de retourner chez vous, d’accord? »
Samedi matin, 7 h 52. Je suis en pleine séance de ménage. Mais ledit ménage est loin d’être complété (il est quand même juste 7 h 52!). Tas de poussière au milieu du corridor en attente du porte-poussière. Couette parapluie sur le top de la tête. Tuyau de balayeuse qui serpente d’une pièce à l’autre. Ça ne sonne pas, ces petites bébittes-là! Non! Ça fait le code du système d’alarme! Et ça entre! Comme dans un moulin! Ok, là, on va mettre une chose au clair, parce que clairement, mes enfants ont oublié de vous passer le message (trop occupés qu’ils étaient à partager le code secret) : ça va me faire plaisir de vous accueillir chez moi si, et seulement si, vous sonnez et que je vous dis d’entrer. Vous êtes chanceux parce que je suis matinale, mais attendez-vous à ce que ça change quand l’homme de la maison sera de retour. Parce que lui, il y tient, à ses heures de sommeil!
« Désolés… On ne recommencera pas ». Bon. Une chose de réglée. Jusqu’à ce même samedi, 13 h 10. J’avais amené ma gang se bourrer dans le popcorn au cinéma [ben oui, je suis indigne de même!], alors les petits voisins, ils étaient en sevrage avancé. Deux longues heures sans leurs nouveaux meilleurs amis fusionnels (et j’ai nommé mes fils)…
Ding! Dong! « Allo! On vient jouer chez vous! »
Pendant une seconde, j’ai été fière d’eux. Ils avaient respecté notre entente.
« Attendez donc un ti-peu, vous deux! C’est parce que mes garçons sont en train de jouer dehors… et vous, vous pensez que vous allez venir jouer dans notre maison pendant ce temps‑là? » C’est bon, à l’occasion, de leur mettre leurs contradictions en pleine face.
Ils sont repartis. Et ils sont revenus. Et repartis, et revenus, et ressortis. Parfois avec une barquette de fruits de plus dans l’estomac, parfois en transportant la moitié des jouets de leur maison sur notre terrain. Mais toujours en faisant tellement plaisir à mes deux garçons. Et à moi par le fait même! Quand mes gars sont avec eux, j’ai le temps d’écrire! Et de finir de passer la balayeuse…
Nathalie Courcy